© Belga

Charlie est mort debout

Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

Effondré. Le mot revient, en boucle, sur les réseaux sociaux, les mots pour une fois, y manquent, remplacés par des Une de Charlie qui ne font plus rire personne.

Tous les auteurs ont perdu des amis, des modèles. Tous les libertaires francophones, tous les amateurs de presse libre, tous les fans de dessins de presse, se sentent touchés directement, intimement : « ils » ont fini par avoir la peau de Charlie Hebdo. Des flingues contre des crayons : l’impensable, moqué si longtemps par Charb, Cabu et les autres est arrivé. Frappant au coeur même du dernier haut lieu de la liberté d’expression.

Charlie, c’est une histoire longue, chaotique, polémique, mais toujours menée le majeur tendu en guise de poing serré. Le dernier lieu d’expression libre et hilarante de la presse et des médias français, dont le politiquement correct et la bonne conscience furent toujours les seuls et principaux ennemis. Une cathédrale du rien à foutre, du journalisme d’investigation et du dessin bien tapé érigée en 69 par Cavanna, le professeur Choron et Delfeil de Ton sur les centres du mensuel BD « Charlie » et de « Hara-Kiri » une nouvelle fois interdit après un certain « Bal tragique à Colombey ». Charlie Hebdo sera la fusion des deux, avec dans le titre un clin d’oeil et un petit doigt d’honneur au Général de Gaulle qui crut avoir leur peau. Cartoons et politique y feront bon ménage jusqu’en 1981 et une première disparition.

Douze ans plus tard, « Charlie Hebdo » renaissait de ses cendres sous la férule cette fois de l’intellectuel déjà controversé Philippe Val, mais aussi de Cabu, qui depuis « La grosse Bertha » se cherche un nouveau terrain de jeu, libre comme lui. Ils rachètent le titre, rappellent Gébé, Delfeil, Willem ou Siné, recrutent Charb, Luz, Tignous, Riad Sattouf… Cette fois encore, pas de prêt-à-penser, mais un goût pour la provocation, la haine des cons et un certain cynisme mercantile. En 2006, Charlie décidait d’éditer à son tour les caricatures de Mahomet publiées d’abord dans un journal danois, préférant la liberté d’expression aux soupçons, un peu simplistes, d’islamophobie. Scandale mais double tirage : l’événement ira jusqu’au procès sur plainte de la Grande Mosquée de Paris, et la relaxe. Mais les menaces de mort étaient depuis légions, sans que Charlie et son nouveau rédac chef Charb ne baissent évidemment de ton – c’était vraiment mal les connaître. En septembre 2012, l’hebdo satirique publiait de nouvelles caricatures, y allant de son spécial « Charia Hebdo ». Leurs locaux sont incendiés. Charlie ne lâche pas l’os. Un des derniers dessins de Charb, publié la semaine dernière, se foutait une nouvelle fois de la gueule des terroristes islamistes : « Toujours pas d’attentats en France ? Attendez, s’y exclame un gogol barbu armé d’une Kalachnikov. On a jusqu’à la fin janvier pour présenter ses voeux !« .

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire