Carte blanche

CETA : le dernier va-tout de l’Europe est de la poudre aux yeux !

Il est minuit moins cinq avant la ratification du CETA (accord commercial et d’investissement entre le Canada et l’Union européenne). Aujourd’hui, l’Europe joue son va-tout en produisant une déclaration interprétative censée répondre aux nombreuses mobilisations citoyennes anti CETA et apaiser les craintes sur les sujets les plus litigieux.

A l’heure où l’Europe met une pression maximale sur les Gouvernements et Parlements pour que le Ministre des Affaires étrangères belge puisse apposer sa signature sous le Traité, nous, écologistes du Nord et du Sud du pays, en cohérence avec les Verts, les mouvements sociaux, et des millions de citoyens de toute l’Europe (y compris la Flandre!) et du Canada, vous enjoignons à ne pas succomber à ces pressions. Nous vous demandons de choisir l’intérêt des Européens et des générations futures qui auront à subir et juger les décisions prises aujourd’hui. C’est le moment de faire preuve de lucidité et de courage politique.

Car le joker de la Commission Européenne ne résiste pas plus que le Traité lui-même aux analyses juridiques : cette déclaration interprétative n’est pas de nature à « exclure ou modifier les effets légaux des dispositions du CETA ». S’il y a une volonté réelle d’encadrer le CETA, il faudrait que Ie Canada et l’Union Européenne modifient en profondeur le texte même du Traité.

Les limites du libre-échange sont atteintes

A ce stade, nos craintes, appuyées par de nombreux scientifiques et universitaires, restent entières. Cet accord pourrait entraîner des pertes d’emplois estimées à 200.000 en Europe, 30.000 au Canada et 50.000 dans le reste du monde (1) et ne bénéficierait pas à l’activité économique des PME localisées sur les 2 continents. Ces conséquences seraient en outre particulièrement dommageables pour les agriculteurs.

Au delà de son impact sur l’économie et l’emploi, et contrairement ce qu’avancent les défenseurs de ces textes, la déclaration interprétative ne modifie en rien les raisons de s’opposer au CETA : le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États (l’ICS) est une épée de Damoclès au-dessus des pouvoirs publics – de tous les niveaux de pouvoir – qui légiféreraient dans un sens contraire aux intérêts des multinationales (c’est l’asservissement de la démocratie au profit d’intérêts privés) , les PME sont insuffisamment considérées, les produits agricoles labellisés IGP belges ne sont pas protégés, le système de liste négative prévoit la libéralisation comme un principe et le service public comme une exception, la coopération réglementaire menace nos normes sociales et environnementales,etc. La compatibilité entre ce traité et la mise en oeuvre de l’accord de Paris sur la protection du climat pose aussi d’importantes questions.

Cette tentative un peu désespérée de déclaration interprétative ne résiste pas aux faits. Aucun élément nouveau n’est en mesure de répondre aux préoccupations exprimées dans les résolutions des différents Parlements, qui fondent le rejet démocratique du CETA.

Par conséquent, nous demandons que la Belgique communique à la Commission et aux autres Etats membres son refus de signer le CETA lors de la réunion des Ministres du Commerce extérieur du 18 octobre et répète cette position à l’occasion du Conseil européen des 20 et 21 octobre prochains.

La Belgique reprendrait alors un rôle moteur dans la construction de l’Europe à laquelle nous aspirons, d’une société dans laquelle les échanges commerciaux et les intérêts des multinationales n’écrasent pas les règles démocratiques et l’objectif de justice et de bien être partagés.

Zakia Khattabi et Patrick Dupriez, Co-présidents d’Ecolo

Philippe Lamberts, co-président du Groupe des Verts au Parlement européen (Ecolo)

Stéphane Hazée, chef de groupe Ecolo au Parlement de Wallonie

Hélène Ryckmans, député wallonne (Ecolo)

Zoé Genot, cheffe de groupe Ecolo au Parlement bruxellois

Alain Maron, député bruxellois

Barbara Trachte, cheffe de groupe Ecolo au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles

Benoit Hellings, député fédéral Ecolo

(1) Pierre Kohler et Servaas Storm, CETA without Blinders, University of Tufts (USA), September 2016.

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