Gérald Papy

C’est la hess: punir Loukachenko, indispensable et pas suffisant (chronique)

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Suite à l’opération de piraterie aérienne du président du Bélarus, la « démonstration de force  » de l’Union européenne à l’encontre du pays démontre en creux sa faiblesse vis-à-vis de la Russie.

Fermeture de l’espace aérien et des aéroports aux avions du Bélarus, gel de trois millions d’aides et d’investissements, étude de nouvelles sanctions ciblées contre des dignitaires du régime… C’est bien le moins que pouvait décider l’Union européenne, le 24 mai, après l’opération de piraterie aérienne orchestrée la veille par le pouvoir biélorusse pour mettre la main sur l’opposant en exil Roman Protassevitch.

Sous le prétexte ridicule d’une alerte à l’attentat proférée par le Hamas palestinien pour obtenir un cessez-le-feu qui avait été conclu trois jours plus tôt avec Israël, un Mig-29 de l’aviation biélorusse a dérouté un avion d’une compagnie aérienne d’Irlande, membre de l’Union européenne, à savoir un Boeing 737 immatriculé en Pologne, membre de l’UE et de l’Otan, assurant une liaison entre la Grèce, membre de l’UE et de l’Otan, et la Lituanie, membre de l’UE et de l’Otan.

On peut penser que ces mesures de rétorsion, en pénalisant les activités commerciales d’oligarques biélorusses et, dans une deuxième phase, les déplacements et intérêts d’hommes d’affaires ou de dirigeants, produiront une certaine déstabilisation du régime, après celles qui ont déjà frappé le président Alexandre Loukachenko, son fils et treize membres de son cercle rapproché.

Elles avaient été décrétées en réponse à la répression des manifestants qui, à l’été 2020, avaient dénoncé la « falsification » par le pouvoir du résultat des élections présidentielles aux dépens de l’opposante Svetlana Tikhanovskaïa.

Mais la satisfaction de la réaction rapide, ferme et indispensable de l’Union européenne doit être tempérée par deux constats moins réjouissants.

Alexandre Loukachenko s’est évertué ces dernières années à jouer tantôt la carte européenne, tantôt la carte russe, au service d’un nationalisme opportuniste. L’affaiblissement du réseau des entreprises biélorusses du fait des sanctions européennes facilitera la prétention de la Russie de Vladimir Poutine à mettre le grappin sur l’appareil économique de son voisin pour le vassaliser un peu plus. L’opération de déroutage d’un avion de ligne européen et de kidnapping d’un opposant exilé entre la Lituanie et la Pologne témoigne en outre d’une forme d’audace de la part du président biélorusse, habitué jusqu’alors à réprimer dans son pré carré. Pareille attitude peut sans doute s’expliquer par le sentiment d’impunité que le dictateur de Minsk a pu ressentir à la vue des sanctions très mesurées que les Européens ont opposées ces dernières années aux agissements hors Russie de son « ami » Vladimir Poutine: l’annexion de la Crimée ukrainienne en 2014, le soutien à un coup d’Etat proserbe avorté au Monténégro en 2016, la tentative d’empoisonnement de l’ancien agent double Sergueï Skripal en 2018 au Royaume-Uni, ou la révélation, en avril de cette année, de la destruction, par des agents du GRU, le service de renseignement militaire russe, en 2014, d’un entrepôt d’armes ayant fait deux morts en République tchèque.

Ainsi, la « démonstration de force » de l’Union européenne à l’encontre du Bélarus démontre en creux sa faiblesse vis-à vis de la Russie. Sauf à tabler que l’acte de piraterie de Minsk, approuvé par Moscou, marque un tournant dans la diplomatie européenne sur son flanc oriental.

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