Trois membres de la brigade Akashinga. © Capture d'écran France 24

Braconnage : quand les femmes prennent les armes

Marie Gathon
Marie Gathon Journaliste Levif.be

Il y a un an au Zimbabwe, un groupe de 31 femmes armées a été constitué pour lutter contre le braconnage. S’il s’agit du premier groupe de femmes au monde chargées de défendre la faune, rapporte France 24. C’est également un programme qui permet de sortir ces femmes de la pauvreté.

Habits kaki et bottes militaires, la brigade des Akashinka, littéralement « les courageuses », a été formée il y a un an au Zimbabwe. Le programme n’a été ouvert qu’aux plus vulnérables. Le groupe est ainsi constitué de 31 femmes âgées de 19 à 31 ans : d’anciennes femmes battues, d’anciennes prostituées et pour beaucoup, des mères célibataires.

Cet emploi constitue pour elles une nouvelle chance. Elles ont un travail qui a du sens, puisqu’elles défendent les animaux de leur région, et qui leur permet de subvenir aux besoins de leur famille. Elles suivent un programme d’entrainement intensif sous les ordres de Damien Mander, ancien sniper de l’armée australienne et fondateur de la brigade.

Une région particulièrement touchée par le braconnage

Dans la vallée du Zambèze, dans le nord du Zimbabwe, les principales victimes du braconnage sont les éléphants et les rhinocéros. Ils sont tués pour leurs défenses qui se vendent à prix d’or sur le marché asiatique. En 16 ans, 8000 éléphants ont été tués dans cette région, ce qui rend la tâche des rangers dangereuse et potentiellement mortelle.

Les Courageuses patrouillent chaque jour dans le parc, attentives au moindre signe qui pourrait les alerter du danger. L’embuscade peut se situer n’importe où. Elles doivent donc rester sur leur garde. En protégeant les animaux, elles deviennent elles-mêmes des cibles.

« On ne sait pas quel type de braconnier nous allons rencontrer. Ils peuvent être armés. Nous devons donc porter notre arme à chaque fois pour nous protéger », témoigne Vimbai Kumire. « Nous sommes fières de protéger les animaux pour que les générations futures sachent à quoi les éléphants ressemblent. Et qu’elles les voient en vrai, pas seulement en photo », continue-t-elle.

Depuis 2011, près de la moitié des éléphants de la région a disparu, rapporte France 24. Ce parc, qui avait été déserté par les animaux à cause de la chasse intensive, est doucement en train de renaitre à la vie.

Braconnage : quand les femmes prennent les armes
© Capture d’écran France 24

Un travail qui porte ses fruits

En un an, elles ont arrêté 91 braconniers, soit beaucoup plus que les autres groupes masculins. Ailleurs, les rangers sont des hommes recrutés à travers tout le pays. Mais Damien Mander a préféré engager des femmes issues des villages voisins. « Environ 3 % des crimes sont résolus en prenant les personnes en flagrant délit, explique-t-il. Les 97 % restants le sont grâce aux renseignements. Ces femmes connaissent les communautés, car elles en sont issues. Et leur façon de travailler avec elles, de désamorcer les tensions nous permet d’avoir plus d’informations. On peut travailler ensemble. Au lieu d’utiliser la force pour faire des arrestations, on travaille avec les communautés ».

« Les hommes sont plus violents que les femmes », ajoute Niaradzo Auxilia, une Akashinga. « Quand on les arrête, on doit leur expliquer pourquoi. Je pense que c’est plus efficace d’expliquer que d’être violent. Il faut qu’ils sachent à quel point la faune est importante pour les générations futures. Si on les arrête sans leur expliquer, alors ils ne comprendront pas pourquoi on les arrête, ni de quoi ils sont accusés. »

Il est encore difficile d’expliquer pourquoi la brigade des Akashinga est si efficace, car on a peu de recul sur leur travail. Mais selon Léa Dauplé, journaliste à France 24, elles sont à priori moins sensibles à la corruption de par leur position en marge de la société. Ensuite, les braconniers semblent également les avoir sous-estimées. Ce qui leur a permis de mener plus d’arrestations. Un avantage qu’elles ne garderont peut-être pas longtemps.

Une vie en communauté

Les Courageuses vivent ensemble dans un camp financé par une fondation privée l’International Anti Poaching Foundation (IAPF). La vie en communauté leur apprend un nouveau mode de vie avec de nouvelles règles présentes jusque dans la cuisine. « C’est important que l’alimentation soit végane, affirme la cheffe Copa, en charge de la cuisine au campement, car ce serait hypocrite que les rangers aillent protéger les animaux dans la savane pour ensuite revenir au camp et manger de la viande », explique-t-elle.

Une fois par mois, elles rentrent au village pour retrouver leur famille. Comme une majorité de Zimbabwéens, avant d’être une Courageuse, Zimbai était au chômage. Elles vivaient dans une petite hutte avec sa mère et ses deux filles. « Avant de devenir ranger, ma vie était très difficile. Même acheter des vêtements pour ma fille était compliqué. Mais maintenant, j’ai mon salaire et je peux me débrouiller. Mes filles vont à l’école et dans de meilleures écoles. Je suis fière de pouvoir aider ma famille », dit-elle.

Les Courageuses gagnent environ 400 dollars par mois, soit plus de quatre fois le salaire moyen. En plus de ses enfants, Vimbai fait vivre sa mère et la famille de son frère qui ne trouve pas d’emploi.

Vimbai, sa fille et sa mère.
Vimbai, sa fille et sa mère. © Capture d’écran France 24

Le braconnage comme seule ressource

Dans ces communautés très pauvres, le braconnage est parfois la seule source de revenus. En donnant du travail aux femmes, l’association espère aussi dissuader le braconnage. En un mois, ces femmes rapportent à leur famille ce que le braconnage rapporte en une année.

Selon Victor Muposhi, spécialiste de l’environnement à l’Université de Chinhoyi, le fait de donner du travail aux femmes est une bonne chose : « Dans toutes ces communautés, peu importe le projet dont nous parlons, nous parlons aussi d’un projet d’émancipation grâce à l’emploi. Et quand nous émancipons les femmes, nous savons très bien qu’une grande partie de ce qu’elles gagnent revient directement à la communauté et à leur famille. Nous améliorons le quotidien de ces communautés », explique-t-il.

Aujourd’hui, les Akashinga veulent s’étendre. À terme, elles devraient être 2000. Un deuxième camp est en construction pour accueillir de nouvelles recrues. Avec toujours les mêmes objectifs : lutter contre le braconnage et sortir 2000 familles de la pauvreté.

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