Biden tente de réaffirmer l’influence américaine au Moyen-Orient

Le Vif

Joe Biden a quitté samedi l’Arabie saoudite après une visite très controversée durant laquelle il a tenté de réaffirmer l’influence des Etats-Unis au Moyen-Orient, tout en promettant une « vision » nouvelle pour la région, où il s’est rendu pour la première fois en tant que président.

Le président américain de 79 ans, qui avait entamé mercredi sa tournée au Moyen-Orient par une visite en Israël et dans les Territoires palestiniens, a passé moins de 24 heures en Arabie saoudite où il a rencontré plusieurs chefs d’Etat et responsables de la région, dont le roi Salmane et le prince héritier Mohammed ben Salmane (MBS).

Dans un discours prononcé à Jeddah, dans l’ouest de l’Arabie saoudite, lors d’un sommet réunissant les six membres du Conseil de coopération du Golfe (Arabie saoudite, Emirats arabes unis, Qatar, Oman, Koweït, Bahreïn), ainsi que l’Egypte, la Jordanie et l’Irak, M. Biden a promis que son pays « ne se détournerait pas » du Moyen-Orient en laissant « un vide que pourraient remplir la Chine, la Russie ou l’Iran ».

Soulignant qu’il était le premier président américain depuis les attentats du 11 septembre 2001 à se rendre au Moyen-Orient sans que l’armée américaine ne soit engagée dans une intervention militaire de grande ampleur, il a affirmé devant un parterre de dirigeants arabes que « les Etats-Unis investissaient pour construire un meilleur avenir dans la région en coopération avec vous tous ».

Critiqué pour sa visite dans la monarchie du Golfe accusée de graves violations des droits humains, il a affirmé que « le futur appartiendrait aux pays (…) dont les citoyens peuvent remettre en cause et critiquer leurs dirigeants sans peur de représailles ».

« Intégration, interconnection. Ce sont les thèmes sous-jacents de notre réunion » a-t-il dit.

Le prince héritier Mohammed ben Salmane en discussion avec Joe Biden. BELGA

« Tragédie pour l’Arabie saoudite »

L’administration Biden dit vouloir promouvoir une nouvelle « vision » pour le Moyen-Orient, basée sur le dialogue et la coopération économique et militaire. Avec en toile de fond les processus de normalisation entre Israël et les pays arabes.

Ce qui ne l’a pas empêché de promettre, dans une allusion transparente à Téhéran où se rend bientôt le président russe Vladimir Poutine: « Nous ne tolérerons pas qu’un pays essaie d’en dominer un autre dans la région au travers de renforcement militaires, d’incursion, et/ou de menaces.« 

Le voyage est d’ores et déjà marqué par l’image d’un président échangeant le « check » du poing avec le prince héritier Mohammed ben Salmane (MBS), accusé par les renseignements américains d’être le commanditaire de l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Kashoggi. Joe Biden avait d’ailleurs classé l’Arabie saoudite comme Etat « paria ».

M. Biden a assuré vendredi, dans un point presse organisé à la hâte en soirée, avoir évoqué cette affaire « au tout début » de sa réunion avec le prince héritier, de fait aux commandes de la riche monarchie, assurant avoir été « on ne peut plus clair ».

Selon le ministre d’Etat aux Affaires étrangères, Adel al-Jubeir, interrogé par CNN, le prince héritier « a expliqué vendredi (à M. Biden) qu’il s’agissait d’une tragédie pour l’Arabie saoudite ».

Il lui a dit que « les responsables avaient fait l’objet d’une enquête, avaient été confrontés à la justice et payaient désormais pour le crime« , a ajouté M. Jubeir, indiquant par là que pour le royaume, il s’agissait d’une affaire classée.

Selon la chaine saoudienne Al-Arabiya, citant un responsable saoudien, l’affaire Kashoggi a été vite abordée entre les deux hommes et le prince a admis qu’elle était « regrettable ».

MBS a également ajouté que « de telles choses arrivent partout dans le monde » soulignant « les nombreuses erreurs » commises par Washington comme celles sur le scandale du traitement des prisonniers par les Américains dans la prison irakienne de Abou Ghraib.

La question du prix du pétrole

Mais la Maison Blanche veut avant tout aborder la question du prix du pétrole, dont la volatilité menace l’économie mondiale et plombe le pouvoir d’achat des Américains.

La hausse du gallon d’essence est un enjeu pour le président américain à quelques mois des élections de mi-mandat aux Etats-Unis. M. Biden va tenter de convaincre la monarchie pétrolière d’ouvrir les vannes de sa production.

Joe Biden / BELGA

« Je fais tout mon possible pour augmenter la production pour les Etats-Unis« , a-t-il dit vendredi ajoutant que les premiers résultats concrets se verront « dans quelques semaines ».

Un haut responsable américain sous couvert d’anonymat a indiqué que le CCG allait participer à hauteur de trois milliards de dollars à un grand partenariat international dans les infrastructures piloté par Washington, censé être une réponse aux énormes investissements chinois des « Routes de la soie ».

L’Arabie saoudite et les Etats-Unis ont conclu 18 accords de coopération dans des domaines très variés (spatial, finance, énergie, santé), selon un communiqué de la monarchie du Golfe.

Vers une normalisation entre Israël et l’Arabie Saoudite

Par ailleurs, Wasington cherche aussi à mettre l’accent sur les questions géostratégiques et dessiner notamment un chemin vers une normalisation entre Isräel et l’Arabie saoudite, qui n’ont pas de relations officielles.

Joe Biden a salué la décision « historique » de Ryad d’ouvrir son espace aérien à « tous les transporteurs », y compris israéliens, et a annoncé des progrès au sujet d’un îlot stratégique en mer Rouge, situé entre l’Arabie saoudite, l’Egypte et Israël.

Photo by MANDEL NGAN / AFP

La Maison Blanche a fait d’autre part état d’un accord de l’Arabie saoudite pour connecter les réseaux électriques des pays du CCG à celui de l’Irak, qui dépend grandement de l’énergie importée d’Iran, bête noire des Américains comme des Saoudiens.

L’exécutif américain a aussi salué le fait que, selon lui, l’Arabie saoudite se soit « engagée à étendre et renforcer le cessez-le-feu sous médiation des Nations unies au Yémen« , qui dure depuis quinze semaines.

La grave crise humanitaire dans laquelle le pays a été plongé par une guerre dans laquelle l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis sont impliqués est une autre source de malaise entre Washington et ces partenaires du Golfe.

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