Beto O'Rourke © Reuters et AFP

Beto O’Rourke, l' »Obama blanc »

Muriel Lefevre

Avec un charme, un look et une éloquence qui rappellent Bobby Kennedy et une capacité unique à mobiliser les foules et les fonds, il fait rêver les caciques du parti démocrate. Au point que beaucoup y voient le nouvel Obama. Portrait.

Si les sondages placent toujours Ted Cruz en tête au Texas, la réélection du sénateur ultra-conservateur est loin d’être la promenade de santé initialement espérée. Il fait face à la nouvelle étoile montante du parti démocrate, Beto O’Rourke.

Longue silhouette dégingandée et gestuelle passionnée, « Beto », comme le surnomment ses partisans, est un ancien punk-rockeur à l’éloquence vibrante. Bien qu’élu de la Chambre des représentants, à Washington, depuis 2013, il ne présente pas, à 45 ans, le profil typique d’un candidat au vénérable Sénat américain. Sa fraîcheur alliée à un élan anti-Trump pourrait pourtant aider le démocrate à accomplir ce qui paraissait encore récemment impossible: battre les républicains dans leur fidèle bastion du Texas.

Beto O'Rourke
Beto O’Rourke© Reuters et AFP

La star du moment

« Ca ressemble au Texas, ça ressemble à l’Amérique, ça ressemble à l’avenir, pas vrai? » lançait en septembre Beto O’Rourke à des supporteurs réunis dans une église fréquentée par des fidèles majoritairement noirs, à Dallas. Plaidoyer en faveur d’un système de santé universel, critiques d’une justice parfois arbitraire face aux minorités ou de la politique migratoire de Donald Trump: le démocrate a soulevé alors l’enthousiasme de l’assemblée. Un enthousiasme qui n’a pas faibli depuis.

Beto O'Rourke
Beto O’Rourke© Reuters et AFP

Brandissant des panneaux à son nom, ses supporteurs, souvent jeunes, sont nombreux au rendez-vous de ses meetings de campagne. Le style de ce quadragénaire, clairement ancré à gauche mais qui se tient à l’écart d’une rhétorique anti-Trump un peu systématique qu’il juge stérile, a marqué les esprits, au point que certains en ont déjà fait leur « sauveur » pour la présidentielle de 2020 et la star du moment de la politique américaine.

Beto O'Rourke
Beto O’Rourke© Reuters et AFP

Une ferveur qui interpelle. Particulièrement dans un Texas qui n’a pas envoyé un démocrate au Sénat américain depuis un quart de siècle et avait largement voté pour Donald Trump en 2016. Au point que Donald Trump a donné de la voix au Texas pour ce qui était son ancien rival à la présidentielle et avec lequel il n’a longtemps échangé qu’insultes et formules assassines (« Ted le menteur »). Aujourd’hui tout cela est oublié, balayé. Il l’appelle désormais « Ted le magnifique » et il est devenu , a-t-il assuré, « un ami ».

Beto O'Rourke
Beto O’Rourke© Reuters et AFP

Car l’équation politique est simple: Donald Trump a besoin de conserver la majorité républicaine au Sénat, et Ted Cruz est conscient qu’un coup de main présidentiel peut lui être utile dans un duel plus serré que prévu.

Accusé d’être un « poids plume » par le président américain, Beto a décidé de ne pas donner dans la surenchère. « Je pense que cela n’a tout simplement aucun sens de répondre », a-t-il déclaré sur ABC. « L’agressivité et les échanges d’insultes occupent malheureusement une place centrale dans le débat politique: soit vous jetez de l’huile sur le feu, soit vous restez concentré sur l’avenir ».

Beto O'Rourke
Beto O’Rourke© Reuters et AFP

« Terriblement progressiste »

Beto O’Rourke a donc un « très bon » sentiment sur ses chances de gagner, a-t-il confié à l’AFP. « Je nous connais bien et nous ne sommes pas un peuple qui fonde ses décisions sur la peur », a-t-il ajouté, dans un tacle apparent au président américain et son parti républicain. « Nous n’avons pas peur de l’avenir ».

Le démocrate a récolté des millions de dollars de dons pour sa campagne, sans qu’un centime ne vienne de lobbies ou de grandes entreprises, aime-t-il à répéter. Mais si les grandes villes texanes votent démocrate, les conservateurs restent largement majoritaires dans le reste de ce vaste Etat, plus grand que la France, où la tradition des cowboys perdure.

Beto O’Rourke est « très intelligent et parle bien mais il est terriblement progressiste », remarque James Griffith, un agent immobilier de 74 ans venu au rodéo annuel de la ville d’Abilene.

« C’est un socialiste dans l’âme », renchérit Winston Ohlhausen, président du parti républicain du comté de Taylor, où se trouve Abilene. Ce mot est connoté aux Etats-Unis, où il laisse entendre un certain radicalisme. Le démocrate ne partage pas « les valeurs du Texas », explique ce responsable à l’AFP. « Je crois que Cruz va bien l’écraser ».

Beto O'Rourke
Beto O’Rourke© Reuters et AFP

« Vent dans le dos »

La course pour reprendre le Sénat paraissait encore récemment perdue d’avance pour les démocrates, qui doivent défendre plus de sièges que les républicains. Mais à l’image des pronostics serrés au Texas, leurs chances dans l’Arizona, le Tennessee et dans le Nevada ne semblent plus complètement impossibles. Le Texas « est prêt pour le changement », veut croire Colin Allred, ancien joueur, noir, de la ligue de football américain (NFL) qui se présente près de Dallas contre un républicain sortant pour un siège à la Chambre.

« Pendant trop longtemps, nous avons dit à trop de Texans qu’ils ne devaient pas s’impliquer dans leur propre démocratie, qu’ils ne devaient pas s’engager, qu’ils ne devaient pas voter », confie-t-il à l’AFP avant de participer à une Marche des Fiertés à Dallas. Le visage du Texas change indéniablement, avec notamment une forte poussée de la communauté hispanique.

Les démocrates « ont le vent dans le dos et ça m’inquiète », reconnaît Matt Mackowiak, stratège républicain basé dans la capitale du Texas, Austin. Le candidat républicain en est conscient: « Notre danger, c’est la complaisance ». « L’économie va très bien, les gens s’occupent de leurs emplois ou de leurs enfants ou d’aller à l’église et ils ne prennent pas le temps de voter », a-t-il averti devant ses supporteurs à Columbus. Mais la faible participation dans cet Etat, particulièrement basse pour les élections législatives de mi-mandat, pourrait aussi menacer les démocrates, explique James Henson, politologue à l’université d’Austin. « Il sera dur » pour eux « de rompre le monopole républicain, et cela vaut aussi pour O’Rourke ».

Avec l’AFP

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