Vladlen Tatarsky, le blogueur tué à Saint-Pétersbourg, était sous la tutelle d’Evgueni Prigojine, patron de Wagner. © RIA NOVOSTI

Attentat de Saint-Pétersbourg: un message au patron du groupe Wagner ?

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

L’assassinat d’un blogueur militaire à Saint-Pétersbourg ne sert pas vraiment les intérêts de Kiev. Un message envoyé au patron du groupe Wagner?

A l’heure des caméras de surveillance, des vidéos de smartphone et des réseaux sociaux, un attentat le 2 avril à Saint-Pétersbourg devient, différé d’à peine quelques heures, une réalité spectaculaire et tangible dans le monde. Une jeune femme entre dans le Streetfood bar n°1, remet à l’invité de la conférence qui s’y tient une statuette le représentant, et quelques minutes plus tard, une violente secousse brise les vitres extérieures du lieu. Soutien de l’offensive militaire en Ukraine et, à l’occasion, critique de l’état-major russe qui la mène avec des fortunes diverses, le blogueur militaire russe Vladlen Tatarsky est tué sur le coup, des dizaines de ses auditeurs blessés. Mais pas l’auteure présumée de l’attaque, la livreuse de statue contenant l’explosif. Elle est présentée le lendemain par la police à la justice pour répondre de ses actes. Les informations diffusées sur Daria Trepova, 26 ans, sont parcellaires mais suffisantes pour l’assimiler grossièrement à la mouvance de l’opposant russe Alexeï Navalny: elle a été arrêtée en février 2022 lors d’une manifestation antiguerre ; elle a fait jadis un don à la Fondation contre la corruption créée par l’ancien avocat…

Je ne blâmerais pas le régime de Kiev. Je pense qu’un groupe de radicaux opère.

Pourtant, c’est aux dirigeants ukrainiens que les Russes attribuent tout de suite la responsabilité de l’attaque de Saint-Pétersbourg. Impliquer la supposée militante pro-Navalny dans l’affaire pourrait «démontrer» une collusion entre l’opposant russe et l’ennemi ukrainien et renvoyer le premier dans les rangs des plus grands «traîtres» à la patrie… L’assassinat de Vladlen Tatarsky, 40 ans, de son vrai nom Maxime Fomine, rappelle celui de Daria Douguina, la fille de l’idéologue ultranationaliste Alexandre Douguine, ancien proche de Vladimir Poutine, le 22 août 2022. L’enquête n’a toujours pas permis d’en déterminer le commanditaire.

La piste ukrainienne est une des hypothèses pour expliquer l’attentat contre le blogueur militaire. Elle n’est cependant pas la plus crédible. Quel intérêt auraient les services secrets de Kiev à frapper une figure populaire de la fachosphère russe en plein Saint-Pétersbourg? Autre possibilité, l’implication d’un groupe d’opposition russe trouverait un mobile plus fondé dans la volonté de déstabiliser le pouvoir de Vladimir Poutine. Dans une autre des rares attaques portées par voie terrestre sur le sol russe depuis le début de la guerre, le Corps des volontaires russes, groupe néonazi dont des éléments ont trouvé refuge en territoire ukrainien, avait revendiqué, début mars 2023, une incursion qui avait fait deux morts dans le village de Lioubetchane, dans l’oblast de Briansk frontalier du nord-est de l’Ukraine. Son leader, Denis Nikitin, avait confié dans une interview au Financial Times que son objectif était d’entraîner plus de compatriotes à se dresser contre Vladimir Poutine.

Enfin, l’assassinat de Vladlen Tatarsky pourrait aussi être un message adressé au principal concurrent de l’état-major de l’armée russe sur le front ukrainien, le groupe de mercenaires Wagner. Le blogueur appartenait à l’écurie de son patron, Evgueni Prigojine. «Je ne blâmerais pas le régime de Kiev, a-t-il commenté après l’assassinat. Je pense qu’un groupe de radicaux opère.» Un groupe ukrainien, russe? De quoi ajouter une couche au mystère.

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