Jonathan Holslag

« Arrêtez le dumping chinois: l’Europe doit oeuvrer à une nouvelle industrie « 

Jonathan Holslag Jonathan Holslag est professeur en relations internationales à la VUB.

La Chine ne va pas bien. L’économie ne progresse plus que de 7%, la consommation de 10% et cette année, on construit seulement soixante gratte-ciels. Aux normes chinoises, c’est problématique. Et quelques recherches montrent que l’économie chinoise est dans un état encore beaucoup plus inquiétant.

L’importation a diminué de 15% comparé à l’année dernière. Le transport de marchandises a baissé de 10%. La production d’électricité n’a augmenté que de 3%. Si l’on prend ces indicateurs comme point de départ, qualifiés d’alternative fiable au produit intérieur brut par le premier ministre Li Keqiang, la Chine est pratiquement en récession.

En outre, les secteurs dont le gouvernement prétend qu’ils soutiennent les 7% de croissance ne sont pas si solides. La croissance de la consommation intérieure est due presque entièrement au Parti communiste, qui fort de ses 90 millions de membres, peut faire rouler beaucoup d’argent. La croissance du secteur de services a presque exclusivement été créée par le secteur bancaire, également contrôlé par le Parti communiste. En d’autres termes, les deux piliers sur lesquels repose la croissance actuelle sont très fragiles. Et le ralentissement de la croissance indique aussi que, contrairement à ce que Pékin veut nous faire croire, il n’est pas question de réformes drastiques.

La situation est donc inquiétante. Un quart des entreprises de l’industrie manufacturière est dans le rouge. La confiance des consommateurs est à son niveau le plus bas en vingt ans et il y a des indices que le malaise social augmente. Il est certain que l’état mènera une politique d’exportation encore plus agressive pour faire tourner les usines, qu’il accordera encore plus de crédit aux fabricants chinois pour étrangler la concurrence à coup de guerre des prix, qu’il tentera encore davantage de s’attacher d’autres pays à l’aide de projets prestigieux tels que la nouvelle Route de la Soie et à dresser les pays européens les uns contre les autres. L’excédent commercial pour cette année s’élève déjà à un montant record de 305 milliards de dollars.

Le port d’Anvers peut donc se frotter les mains, car l’afflux de conteneurs venus de l’Est ne s’assèchera pas de sitôt. Cependant, pour l’industrie manufacturière, cette guerre d’usure représente un défi incroyable. Elle risque d’être le dindon de la farce, alors que beaucoup de politiques font valoir les marchandises bon marché et le crédit qui va de pair comme une bénédiction pour le pouvoir d’achat. Avec une telle résurgence de consommation temporaire, on risque à nouveau un affaiblissement de longue durée de notre propre économie. L’excédent commercial ne diminue pas, ce qui coûte chaque année environ 5 milliards de dollars à la Belgique.

Les Chinois vont tenter de prolonger cette situation un maximum, mais cela n’empêche pas que même avec une politique d’exportation agressive, les défis intérieurs vont s’accumuler. Le retard de croissance par exemple accentue l’urgence du problème d’inégalité. Malgré les promesses répétées de réduire l’écart entre l’intérieur du pays et la côte ou entre les habitants de la campagne et ceux de la ville, il a continué à se creuser. Cependant, le plus grand danger, c’est que Pékin risque d’utiliser les économies péniblement gagnées par les Chinois et placées dans des banques d’État pour des projets d’investissement risqués. L’enjeu augmente et les risques aussi.

À court terme, on doit se préparer à une concurrence plus dure. À long terme, il vaut mieux tenir compte d’un recul encore plus marqué de la croissance chinoise, ce qui peut précipiter le monde dans une période glaciaire économique, car aucun autre marché n’est capable d’encaisser un tel choc. Dans ce cas, il est fort possible que les pays tentent de maintenir leurs entreprises à l’aide de guerres des monnaies et toutes sortes de formes de subsides.

Le malaise chinois peut uniquement être interprété comme un signal de plus que nous devons oeuvrer à une nouvelle industrie, plus concurrente et durable, qui crée plus d’opportunités, et qui, surtout, nous rend moins vulnérables.

Les problèmes en Chine devraient nous inciter à regarder la position de notre société dans l’économie mondiale actuelle de façon critique. Il n’est absolument pas envisageable de laisser laminer notre industrie, qui a à peine progressé depuis 2009. Ni de nous laisser entraîner dans une guerre de prix. Le malaise chinois peut uniquement être interprété comme un signal de plus que nous devons oeuvrer à une nouvelle industrie, plus concurrente et durable, qui crée plus d’opportunités, et qui, surtout, nous rend moins vulnérables.

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