Gérald Papy

Après Christchurch : « Aux musulmans morts du terrorisme »

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

La France a longtemps été regardée comme ambassadrice de l’esprit des Lumières, consacrant le triomphe de la raison sur la foi. Ce mode de pensée, il faut le reconnaître, peine de plus en plus à séduire de nouveaux adeptes.

Pis, à observer les inspirations du tueur raciste de Christchurch (50 morts dans deux mosquées de cette ville tranquille de Nouvelle-Zélande le vendredi 15 mars), c’est une illustration de sa négation que la France exporte désormais à son corps défendant : le fantasme du  » grand remplacement  » (la substitution programmée des peuples européens dits de souche par l’immigration) théorisée par l’essayiste d’extrême droite Renaud Camus… Une évolution qui situe le désenchantement contemporain.

Derrière des idéologies soi-disant opposées, le terroriste australien de Christchurch partage le même objectif que les djihadistes dont il prétend combattre les actes : par la terreur et la sidération, faire plonger les démocraties dans la guerre civile que seul un pouvoir fort parviendrait à surmonter au prix d’un rétrécissement des libertés. Par l’empathie qu’elle a su exprimer à l’égard de ses concitoyens musulmans, la Première ministre travailliste Jacinda Ardern préserve à n’en pas douter la Nouvelle-Zélande de cette tentation. Plus courageuse qu’un Donald Trump, elle est déterminée à privilégier la raison sur l’émotion ; en témoigne son intention de durcir la législation sur les armes.

Les musulmans sont la cible d’une double haine, celle de leurs fondamentalistes et celle de l’extrême droite occidentale.

Le précédent attentat commis par un suprémaciste blanc contre des fidèles musulmans remonte au 29 janvier 2017 contre le Centre culturel islamique de Québec. Il avait coûté la vie à six personnes. Ce sont donc dans des territoires excentrés du champ de tensions européo-moyen-oriental que l’extrême droite a jusqu’à présent frappé, même si de possibles passages à l’acte y ont été déjoués, notamment en France. Peut-on être sûr, cependant, qu’une attaque de l’envergure de celle de Christchurch susciterait dans tous les pays européens une réaction aussi mesurée que les réponses de la cheffe de gouvernement néo-zélandaise et de son homologue canadien Justin Trudeau ? L’influence acquise ces dernières années par les formations nationalistes et populistes sur la scène politique du Vieux Continent autorise à se poser la question.

En regard de ce péril sur notre expérience de cohabitation, il est urgent de rappeler aux dirigeants européens une vérité que certains se refusent sciemment à entendre. Les musulmans sont la cible directe d’une double haine. Chiites, alaouites ou sunnites imperméables à l’extrémisme, ils sont les premières victimes de leurs fondamentalistes. Un constat qui aurait déjà dû convaincre que tous les fidèles ne se confondent pas avec ceux qui dévoient leur foi. Ils sont désormais les boucs émissaires de cette extrême droite radicale occidentale à laquelle a seulement répondu jusqu’à présent si pas la complaisance, du moins la minimisation coupable des décideurs. La montée globale de la violence en Europe fournit malheureusement à l’extrême droite un terreau propice au passage à l’acte. Il y a donc lieu d’agir avant que n’advienne une conflagration irréversible.

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