Lee Jae-myung (à droite) © Getty

Anti-féministe de droite ou gaffeur de gauche? La Corée du Sud élit son président

Le Vif

Les Sud-Coréens élisent mercredi leur nouveau président, avec un choix difficile entre un candidat conservateur pourfendeur du féminisme et son rival de gauche enclin aux gaffes et empêtré dans des scandales, tous deux à égalité dans les sondages.

Yoon Suk-yeol, candidat du Parti du pouvoir au peuple (PPP, droite) et Lee Jae-myung, du Parti démocratique actuellement au pouvoir, sont les deux favoris pour diriger la quatrième économie d’Asie et si l’on en croit les sondages, l’élection sera particulièrement serrée.

Selon les analystes, ce ne sont ni leurs promesses populistes ni leurs projets concernant la Corée du Nord qui feront la différence, mais ce que la presse surnomme le « cycle de la vengeance », une caractéristique de l’extrême polarisation de la vie politique sud-coréenne.

« Cette élection est une lutte entre deux forces opposées: les progressistes et les conservateurs », explique l’analyste politique Park Sang-byoung.

Un président ne peut effectuer qu’un seul mandat de cinq ans et, à ce jour, tous les anciens chefs d’Etat encore vivants ont fait de la prison pour corruption après leur départ.

Le président sortant Moon Jae-in est arrivé au pouvoir en 2017, après la chute de la dirigeante conservatrice Park Geun-hye, destituée au terme d’un retentissant scandale de corruption.

Et aujourd’hui, un immense désir de vengeance anime le PPP, la formation de Mme Park.

Ironie du sort, son candidat, Yoon Suk-yeol, est l’ancien procureur en chef du président Moon et, à ce titre, il a poursuivi Mme Park, ce qui a renforcé sa notoriété et l’a poussé à se lancer en politique.

Animosité

La scène politique sud-coréenne est « de plus en plus divisée » depuis quelques années, et les propositions électorales pèsent beaucoup moins que l’animosité entre partis rivaux, estime l’analyste Yoo Jung-hoon.

« De nombreux conservateurs éprouvent encore de la rancune après la destitution de Mme Park », selon lui.

M. Yoon fait appel à ces électeurs mécontents, leur proposant de « se venger » de l’éviction de l’ex-dirigeante – allant jusqu’à menacer d’enquêter sur M. Moon pour des « irrégularités » qu’il n’a pas mentionné.

Ses commentaires lui ont valu un blâme exceptionnel de la « Maison Bleue », siège de la présidence, ainsi que de son principal adversaire, M. Lee. Pour ce dernier, c’est le signe que son rival n’est pas apte à diriger le pays.

Les analystes estiment que ces attaques politiques n’ont pourtant rien d’inhabituel.

« L’administration de M. Moon a poursuivi beaucoup d’anciens fonctionnaires au nom de l’éradication de la corruption profondément enracinée », rappelle Shin Yul, professeur de sciences politiques à l’Université Myongji.

« Je m’attends à ce que le gouvernement de M. Yoon fasse de même s’il découvre des actes répréhensibles ».

La femme de M. Yoon a donné bien involontairement un aperçu ce qui pourrait se produire, affirmant que les personnes qui s’opposent à lui seraient poursuivis en cas de victoire de son mari. C’est dans « la nature du pouvoir », a-t-elle dit, selon des propos enregistrés et finalement publiés après une bataille judiciaire.

Plusieurs scandales

Les sondages montrent que les principales préoccupations des électeurs sont la montée en flèche des prix de l’immobilier à Séoul, la stagnation de la croissance et un fort taux de chômage chez les jeunes.

Mais les nombreux scandales qui ont émaillé la campagne ont éclipsé les propositions des candidats dans ces domaines.

M. Lee, ancien ouvrier et gouverneur de la province la plus peuplée du pays, a proposé des mesures originales, notamment un revenu universel minimum et des uniformes scolaires gratuits.

Mais il est dans le collimateur pour une opération foncière suspecte, notamment après le suicide de deux témoins-clés de cette affaire.

Il a commencé sa campagne en s’excusant pour avoir injurié des membres de sa famille au téléphone. Sa femme a été accusée de détournement de fonds publics, et il a fait l’objet de rumeurs sur des liens supposés avec la mafia.

Son rival, M. Yoon, a lui-même commis une série de bévues, dont la plus récente est la suppression d’un tweet sur l’Ukraine, qui comportait une mandarine avec un visage en colère dessiné dessus, une référence bizarre à la « révolution orange » dans ce pays en 2004-2005.

En outre, la proposition de M. Yoon qui a le plus retenu l’attention vise à supprimer le ministère de l’Egalité des genres, au motif que, malgré les données prouvant le contraire, les Sud-Coréennes ne souffrent pas de « discrimination entre les sexes », selon lui.

Ses détracteurs lui reprochent d’encourager le sentiment anti-féministe, de plus en plus en vogue en Corée du Sud, une accusation dont n’est d’ailleurs pas non plus exempt son rival.

M. Yoon est plus belliqueux que M. Lee à l’égard de la Corée du Nord, menaçant de lancer une attaque préventive à l’encontre de Pyongyang si nécessaire.

Mais la Corée du Nord n’est pas un thème décisif pour le scrutin, selon l’analyste Yoo Jung-hoon, car « la compétition de la Corée du Sud pour la suprématie face au nord n’est plus un sujet ».

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