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Allemagne-Commission : le match qui n’est plus du tout amical

Le Vif

Des amis allemands m’avertissent : sous la pression de l’opinion publique, le nouveau gouvernement allemand sera encore plus réticent à l’égard de l’union bancaire.

Pourtant, pour briser le cercle infernal entre crise des dettes souveraines et crise du secteur bancaire, le Conseil européen du 14 décembre 2012 a décidé de constituer une telle union, c’est-à-dire un système intégré de supervision des banques et de résolution de leurs crises. A l’époque (il y a moins d’un an !), c’est d’ailleurs Angela Merkel qui avait exigé la mise en place de cette union comme condition préalable à la possibilité pour le « Mécanisme européen de stabilité » de venir directement au secours de banques en péril.

Le Conseil et le Parlement ont finalisé un accord pour confier la supervision des banques de la zone euro à la BCE (Banque centrale européenne). Il y a eu aussi un accord sur un projet de directive visant à harmoniser les régimes nationaux de restructuration des banques (« directive BRRD »).

Mais, depuis, cela bloque ! Conformément à la décision du Conseil européen, la Commission a soumis une proposition établissant un mécanisme de résolution unique qui organiserait le démantèlement ou le sauvetage d’une banque en difficulté en conformité avec les règles de la directive BRRD. La décision de soumettre une banque à la procédure de résolution appartiendrait à la Commission. La BCE soutient cette proposition car elle estime « essentiel qu’une autorité centrale forte et indépendante soit en mesure d’utiliser de manière réactive et impartiale les instruments prévus dans la directive BRRD ». Le gouvernement allemand s’y oppose ; il ne veut qu’un « réseau » d’autorités nationales parce que, dit-il, il faudrait une modification des traités pour permettre une décision au niveau européen. Les services juridiques de la Commission, du Conseil et de la BCE jugent au contraire que les dispositions existantes le permettent déjà. En réalité, le gouvernement allemand cède à la pression de ceux qui ne veulent pas que « Bruxelles » ait quelque chose à voir dans leurs banques régionales dont on connaît les liens étroits avec des politiciens locaux.

C’est dans ce contexte tendu entre Bruxelles et Berlin que la Commission a cru opportun de lancer une « mise en examen » de l’Allemagne – c’est le terme utilisé par le président Barroso – en raison du surplus trop important de sa balance des paiements courants. Ce surplus devrait être cette année de 7 % du PIB. Un tiers de cet excédent provient de revenus issus de capitaux allemands investis à l’étranger. Les deux tiers traduisent la performance des exportations mais celle-ci n’est pas soutenue par des subsides étatiques ou des manipulations du taux de change. Elle est essentiellement due à la qualité des produits allemands qui, même lorsqu’ils sont plus chers, restent très demandés. En décembre 2012, la Commission elle-même reconnaissait que la modération salariale ne joue qu’un rôle secondaire dans cet excédent. Suggérer que l’Allemagne pratique le dumping salarial pour doper ses exportations est une absurdité.

Ce match Allemagne-Commission ne devrait pas avoir lieu. La sagesse voudrait, d’une part, que l’Allemagne dépasse son approche provincialiste et reconnaisse que la mise en place d’une véritable union bancaire est la condition sine qua non du retour à la confiance; et, d’autre part, que la Commission renonce à une « mise en examen » qui donne l’impression de vouloir pénaliser le succès.

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par Philippe Maystadt

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