Des Burkinabés sont descendus dans la rue pour exprimer leur soutien aux putschistes et à... la Russie. © BELGA IMAGE

Comment les djihadistes minent le pouvoir en Afrique de l’ouest

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Le coup d’Etat bis à Ouagadougou illustre les divisions de l’armée dans la lutte contre l’islamisme. Sur fond d’instrumentalisation de l’hostilité antifrançaise par la Russie.

Les groupes djihadistes au Sahel continuent d’exercer leur pernicieux pouvoir de déstabilisation sur les gouvernements et armées de la région. Dernière illustration, le «coup d’Etat dans le coup d’Etat» qui a été perpétré, le 30 septembre, au Burkina Faso par le capitaine Ibrahim Traoré, 34 ans, contre le lieutenant- colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, lui-même auteur, avec Traoré, du putsch qui avait déposé le président de la transition Roch Marc Christian Kaboré, le 24 janvier de cette année. Comment les deux frères d’armes ont-ils pu diverger en huit mois au point de pousser le second à fuir au Togo voisin?

La durable et croissante pression djihadiste l’explique en grande partie. Ibrahim Traoré avait pris la tête du 10e régiment de commandement d’appui et de soutien de Kaya, à cent kilomètres de la capitale Ouagadougou, après le coup d’Etat de début 2021. Il a été replongé dans la réalité de l’éprouvante lutte contre le fondamentalisme armé sans que les moyens promis par les militaires arrivés au pouvoir, ni avant eux par le gouvernement civil de Kaboré, ne viennent en amoindrir la charge.

Le 26 septembre, onze militaires d’un convoi à destination de Djibo, plus au nord, sont tués dans une attaque de djihadistes qui encerclent la ville. Ibrahim Traoré se rend à Ouagadougou pour tenter de convaincre de renforcer le combat antidjihadiste. Il n’est pas reçu par le lieutenant- colonel Damiba. Le coup d’Etat qui suit traduit le fossé entre les militaires au pouvoir dans leur palais et les officiers de terrain abandonnés à leur sort.

Une certaine confusion dominera dans les premières heures du putsch. Paul-Henri Sandaogo Damiba refuse de déposer les armes. L’ état-major de l’armée hésite à prendre parti entre les deux camps. Un communiqué des militaires insurgés annonce que le chef de l’Etat a trouvé refuge dans la base militaire de l’armée française à Kamboinsin, ce qui se révélera faux. La diffusion de l’information suffit à faire descendre dans la rue, en soutien aux putschistes, une partie de la population chauffée par la propagande antifrançaise. Les hauts gradés de l’armée de l’air et des forces spéciales se rallient aux mutins. Le coup d’Etat est consommé.

Pouvoir de l’hostilité antifrançaise

Les événements de Ouagadougou confirment l’ampleur du sentiment d’hostilité à l’égard des Français dans la région. Il résulte de l’échec de l’opération Barkhane contre les djihadistes au Mali et d’une instrumentalisation de cette haine de la France par un acteur qui trépigne de prendre sa place, la Russie. Aucun élément n’atteste de la participation de Moscou dans le coup de force du capitaine Traoré. Mais ses partisans ne se sont pas privés d’agiter des drapeaux russes en guise d’allégeance au nouveau partenaire. Au journal Le Monde, un officiel français anonyme explique que la Russie est parvenue à créer en Afrique de l’ Ouest «des réseaux d’influence extrêmement puissants grâce à des investissements relativement importants auprès d’activistes et de réseaux de la société civile». Emmanuel Macron a eu beau, fin août lors d’une visite à Alger, mettre en garde les jeunes d’ Afrique contre «un agenda d’influence, néocolonialiste et impérialiste» de la Turquie, de la Russie et de la Chine, cela ne semble pas tempérer l’ardeur des Burkinabés à changer d’alliance.

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