Les forces talibanes ont pris leurs quartiers dans Kaboul, jusqu'au palais présidentiel. © ISOPIX

Afghanistan: autopsie de la débâcle américaine

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

Vingt ans de guerre pour ça! La décision de Washington de confirmer le retrait total des forces américaines d’Afghanistan a ouvert la porte à une reconquête rapide du pays par les talibans. Quelles conséquences pour les Afghans, les Etats-Unis, l’Europe?

La date restera dans les annales: le 15 août 2021, vingt ans après avoir été chassés de Kaboul par les forces américaines et celles de la coalition internationale, les talibans ont repris la capitale afghane, au terme d’une reconquête du pays dont la rapidité a surpris tous les experts.

Les Etats-Unis continuaient à affirmer que Kaboul ne faisait pas face à une « menace imminente ».

Joe Biden lui-même a concédé, lors de son adresse à la nation le 16 août, que « tout cela s’est déroulé plus rapidement que nous l’avions prévu ». Trois jours avant l’arrivée des talibans à Kaboul, les services secrets américains indiquaient encore, dans une étude citée par l’agence Associated Press, que la ville risquait de tomber sous leur contrôle de l’insurrection « dans les trente jours » et l’ensemble de l’Afghanistan « dans quelques mois ». Le lendemain, alors que l’armée afghane s’était désintégrée et que les fondamentalistes avaient conquis toutes les capitales provinciales du pays, les Etats-Unis continuaient à affirmer que Kaboul ne faisait pas face à une « menace imminente ». L’administration américaine comptait évacuer « une partie de ses diplomates dans les semaines à venir » et estimait que la prise du pouvoir par les talibans n’était pas une issue inéluctable.

Une claque pour la première puissance mondiale

La stratégie des insurgés a pris de court Washington et leur capacité de progression a été sous-estimée, alors que les talibans ont enchaîné les conquêtes depuis le 1er mai dernier, date du début du retrait des troupes américaines et de l’Otan encore présentes en Afghanistan.

Avec la chute de Kaboul, la première puissance mondiale, qui a dépensé plus de 1 000 milliards de dollars, notamment pour former et équiper les services de sécurité afghans, connaît l’un de ses plus cinglants revers, aux lourdes conséquences sur la scène internationale. Les images du ballet d’hélicoptères évacuant les diplomates de l’ambassade américaine et les scènes de panique, de chaos et de désespoir à l’aéroport de Kaboul, porte de sortie du pays, ravivent, aux Etats-Unis, le douloureux souvenir de la chute de Saigon, en 1975.

Les forces talibanes ont pris leurs quartiers dans Kaboul, jusqu'au palais présidentiel.
Les forces talibanes ont pris leurs quartiers dans Kaboul, jusqu’au palais présidentiel.© BELGA IMAGE

L’intervention en Afghanistan, la plus longue de toutes les guerres de l’histoire américaine – excepté celle contre les populations amérindiennes -, a coûté la vie à près de 2 400 militaires américains et plus de 1 100 soldats de la coalition, tandis que les Afghans tués se chiffrent par dizaines de milliers, auxquels il faudra ajouter les victimes de la répression, qui a commencé dans les villes reconquises par les insurgés.

Cible de vives critiques, Joe Biden a défendu sa décision de retrait. Le président américain assure qu’il n’y a « jamais de bon moment pour retirer les forces américaines » et que la Chine et la Russie « adoreraient » que les Etats-Unis restent enlisés en Afghanistan. Quelles conséquences internationales aura cette débâcle, dernière étape du virage stratégique des Etats-Unis, qui se sont désengagés de théâtres moyen-orientaux et centre-asiatiques jugés désormais secondaires? Avec la détérioration de la situation économique et humanitaire en Afghanistan, l’Europe doit-elle s’attendre à un exode massif d’Afghans et à une nouvelle crise migratoire, semblable à celle provoquée en 2015 et au-delà par la guerre en Syrie?

Retrouvez notre dossier sur l’Afghanistan avec l’éclairage de deux spécialistes, Nicolas Gosset, chercheur à l’Institut royal supérieur de défense (IRSD), et Dorothée Vandamme, chargée de cours à l’UMons et professeure invitée à l’UCLouvain.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire