Brigitte Bardot dans Et Dieu créa la femme, 1956. © Marka/Universal Images Group via Getty Images

28 novembre 1956 : et Bardot libéra les femmes

Le générique a mal vieilli. Avec ses noms d’acteurs tapés à la machine sur un fond brunâtre, il est long et déprimant. Les premiers plans s’éternisent sur une nature morte. Pour voir un peu de vie, il faut se contenter d’une voiture qui se gare et d’un homme au pas lent. Mais ensuite surgit Brigitte. Ses pieds, tout d’abord. Puis sa silhouette, profilée, dénudée. Dès la troisième minute, le film est légendaire. Ce n’est pas encore un succès, mais c’est déjà un scandale.

Ce film, c’est d’abord une histoire d’amour. Entre le réalisateur Roger Vadim et l’actrice Brigitte Bardot. En 1952, ils se marient. Il a 24 ans, elle en a 16. Quatre ans plus tard, il veut la mettre en scène. Le décor sera Saint-Tropez, village déjà prisé mais pas encore mondain. C’est là que déambule Juliette, sublime beauté qui ne parvient pas à se décider entre trois hommes conquis. Eprise de liberté, la jeune femme refuse de se marier.  » J’aime trop m’amuser.  » L’intrigue ? Passable. Le scénario ? Inconstant. Les seconds rôles ? Décevants. A beaucoup d’égards, le film n’a rien de mémorable. En cette fin d’automne parisien, les spectateurs ne se hâtent d’ailleurs que lentement pour le découvrir. Mais progressivement, quelque chose se passe. Comme une rumeur, le parfum d’un scandale. Il apparaît bientôt que le mambo de Bardot n’est pas une danse ordinaire. Que sa liberté est révolutionnaire. Que sa figure est héroïque. Que, par sa manière d’être, l’actrice annonce un changement d’ère.  » Dans la littérature et les films d’avant-guerre, on l’aurait assimilée à une prostituée, détaillera Vadim. Dans ce film, c’est une très jeune femme, généreuse, parfois désaxée, et finalement insaisissable, qui n’a d’autre excuse que sa générosité.  »

Ses adversaires ne s’y trompent pas. En France comme en Grande-Bretagne, des scènes sont censurées. Dans certains Etats américains, on réclame l’interdiction de la fiction. Sacralité du mariage, relations incestueuses… Sans tabou, des dogmes sont brisés. Dans certains milieux religieux, les censeurs s’empressent de condamner ce film  » satanique « . Mais, comme  » toute publicité est une bonne publicité « , la machine est lancée. Quatre millions de Français visionnent Et Dieu créa la femme. Deux fois plus d’Américains s’en vont admirer Bardot. Tandis que les hommes fantasment, les femmes l’imitent. Elles se coiffent comme BB, s’habillent comme elle… Et nourrissent le secret espoir de pouvoir vivre comme elle.

Bardot est devenue une star. Si elle perd Roger Vadim dans le tourbillon du succès, elle le remplace par son partenaire de plateau, Jean-Louis Trintignant. A l’heure où Simone de Beauvoir théorise la libération de la femme par des mots, Bardot l’illustre follement à l’écran. Pourtant, l’actrice refusera toujours le rôle qu’on essaiera de lui faire jouer. La condition féminine ?  » Je m’en fous « , déclara-t-elle encore récemment. Croyant voir dans la lutte pour la condition animale un combat d’une tout autre importance.

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