Cible de cris et gestes racistes, le Carolo Marco Ilaimaharitra écope, le 3 novembre, d'une carte jaune, sanctionnant... son mécontentement. © YORICK JANSENS/BELGAIMAGE

2019, l’année du foot sale

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Des cris de singes dans les stades, des saluts militaires pour célébrer des buts et une équipe contestée au top du championnat belge : tout a semblé permis. Le sport-roi au-dessus des lois ?

 » Mesdames et messieurs, nous sommes en 2019 et, au lieu d’aller de l’avant, nous reculons. J’espère que les joueurs vont s’unir et prendre position sur ce sujet pour garder ce sport propre et agréable pour tout le monde.  » Nous sommes le lundi 2 septembre d’une année triste pour le ballon rond. Transféré durant l’été de Manchester United à l’Inter Milan, l’attaquant belge Romelu Lukaku fait l’amère expérience du racisme qui sévit dans les stades italiens. Au moment où il s’apprête à tirer un penalty dans le stade de Cagliari, en Sardaigne, des cris de singe émanent des tribunes. Lukaku marque, sans se laisser décontenancer, puis foudroie du regard les supporters. Le jour même, il lance cet appel à ses cinq millions de followers sur Instagram.

Le joueur n’est toutefois pas au bout de ses surprises. Le lendemain, les ultras de son propre club justifient ce geste :  » Nous sommes désolés si tu as pensé que ce qu’il s’est passé à Cagliari est raciste mais ce n’est pas le cas. […] En Italie, les supporters utilisent certaines méthodes pour aider leur équipe, ce n’est pas par racisme mais pour déstabiliser l’adversaire.  » Lukaku devrait donc  » vivre ce comportement comme une forme de respect du fait que les supporters adverses ont peur des buts (qu’il peut) marquer « . Deux semaines plus tard, un  » analyste  » italien, Luciano Passirani, loue, quant à lui, les qualités de Lukaku, avant de déraper à son tour :  » En un contre un, tu es mort, tu tombes. Le seul moyen de l’arrêter, c’est de lui donner dix bananes à manger.  » Il s’excusera, un peu tard…

Le retour des vieux démons

Mais quelle mouche a donc piqué le milieu du football ? Aux quatre coins de l’Europe, les vieux démons sont de retour. Comme sur les réseaux sociaux, la parole se libère, dans l’anonymat des stades ou utilisée par des francs- tireurs pour se faire remarquer. Le joueur anglais Raheem Sterling, devenu un des fers de lance de la lutte contre ce fléau, riposte avec humour, le 14 octobre, après un match qualificatif pour l’Euro en Bulgarie :  » Il n’y a pas de meilleure leçon pour ces supporters racistes bulgares que de voir un joueur noir anglais cartonner leur équipe avec son incroyable talent.  » Son équipe l’a emporté 0-6. Et la Bulgarie est condamnée par l’UEFA à un match à huis clos.

Dans ce triste paysage, la Belgique n’est pas en reste. Le 3 novembre, le Carolo Marco Ilaimaharitra est la cible de cris et de gestes racistes de la part des supporters du FC Malines, mais c’est… lui qui écope d’une carte jaune, pour avoir exprimé son mécontentement auprès des arbitres. Au-delà des beaux discours, les autorités du football ne prennent pas la juste mesure du mal. Et les instances politiques avouent leur impuissance : les fédérations du sport-roi se sont placées au-dessus des lois et les stades sont des zones échappant à la justice ordinaire. Où l’on pourrait tout se permettre.

En octobre, lors de leurs matchs de qualification face à l’Albanie et en France, les joueurs de l’équipe de Turquie célèbrent leurs buts en faisant le salut militaire. Une manifestation de soutien ostentatoire au régime de Recep Tayyip Erdogan, qui vient d’envoyer ses troupes en Syrie pour réprimer les Kurdes. L’UEFA ouvre une enquête et envisage des sanctions. Tandis que le ministre turc des Sports, Mehmet Kasapoglu, ironise :  » Ceux qui cherchent à masquer une contre-performance sur le terrain avec ces procédés ne devraient pas faire tant d’efforts.  »

Mais oui, tout est permis. En Belgique, les enquêtes continuent dans les écuries sales de notre championnat. Le Footbelgate connaît même un nouveau chapitre, avec les arrestations de l’agent de joueur Christophe Henrotay et de l’ancien directeur sportif d’Anderlecht, Herman Van Holsbeeck. Cela n’a pas empêché le FC Malines, impliqué dans l’enquête sur des matchs présumés truqués, d’obtenir sa licence et de caracoler dans le top 6 de la première division. Qui s’en offusque ?

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