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Bernard Wesphael appelle les citoyens à « changer tout »

C’est un livre décapant, du moins à en croire son auteur, Bernard Wesphael. Avec « Changez tout », le candidat à la coprésidence d’Ecolo entend proposer une « alternative à la pensée dominante ». Très à gauche dans son approche de l’économie, il se signale aussi par des positions fermes concernant l’immigration et la sécurité. « Non, l’immigration n’est pas une chance », assure-t-il.

Bernard Wesphael n’appelle pas encore à la révolution. Quoique… Pour le chef de groupe Ecolo au parlement wallon, le moment est venu pour les sociétés européennes de changer de cap. Radicalement. C’est la thèse qu’il défend dans un ouvrage qui paraîtra la semaine prochaine.

Selon ses propres termes, il s’agit d’un livre « décapant », qui pose « un certain nombre de débats non-posés aujourd’hui ». Son titre : Changez tout. « Changez, à la deuxième personne du pluriel, et non pas changer, à l’infinitif, précise l’auteur. Car le politique ne pourra pas changer les choses tout seul. »

Bernard Wesphael entend ainsi donner une réponse concrète à l’appel de Stéphane Hessel. Après le temps de l’indignation, voici venu, selon lui, celui de l’action. « Le scandale de Lehman Brothers, qui a précipité la crise financière, date de 2008. Nous sommes en 2012. Vous voyez où le politique a repris la main ? Moi, je ne le vois pas, à part des effets d’annonce cosmétiques de tous les partis. »

Lors d’une rencontre avec quelques journalistes, le candidat à la coprésidence d’Ecolo a dévoilé les lignes de force du livre. Tout en prévenant : « Ce n’est en rien une resucée du programme d’Ecolo, ni même mon programme pour la coprésidence du parti. Ce livre a une autre ambition : poser les jalons d’une alternative à la pensée dominante. La critique radicale du système est aujourd’hui un exercice de salubrité publique. »

C’est le chapitre consacré à l’immigration qui risque le plus de désarçonner les lecteurs de Bernard Wesphael. Ces pages-là surprendront en tout cas ceux qui voient dans tous les écologistes des tenants d’une gauche « angélique ». « L’immigration, ce n’est pas une chance, assène le député liégeois. Pour la grande majorité des gens, c’est un déracinement. »

L’auteur observe, et dénonce, « une convergence entre une certaine extrême gauche qui demande l’ouverture des frontières et certains grands patrons qui se réjouissent d’exploiter de la main d’oeuvre illégale à bon marché. Arrêtons cette logique de naïveté en pensant que l’immigration est forcément une bonne chose ! »

« Chacun peut comprendre le désir légitime de vivre mieux, mais il faut parallèlement constater que ce phénomène migratoire prive désormais le Sud des éléments les mieux formés de sa jeunesse », écrit encore Bernard Wesphael. Soucieux de se démarquer des discours xénophobes, il insiste cependant : « Les travailleurs immigrés sont mis en compétition avec les travailleurs locaux, mais ils ne sont pas leurs adversaires pour autant, puisqu’ils sont les uns et les autres victimes d’un même système d’exploitation. »

Il invite par ailleurs à ne pas laisser la question de la tranquillité publique « aux néo-fascistes et à la droite réactionnaire ». « Il faut renforcer la prévention, mais ne pas oublier non plus la sanction. Des délinquants pris sur le fait qui sortent trois heures plus tard du commissariat, sans être réellement inquiétés, ce n’est pas normal. »

Pour le reste, Bernard Wesphael enfourche quelques uns de ses chevaux de bataille habituels. Il défend la laïcité, pourfend « la présidentocratie, stade ultime de la particratie« . « Les parlementaires ont de moins en moins d’expression libre, constate-t-il. Est-ce qu’il est normal que des parlementaires ont besoin du feu vert des ministres pour poser une question ? Moi, je ne suis plus d’accord avec ça. »

Sur le terrain économique, il en appelle à un protectionnisme aux frontières de l’Europe. Sans cela, soutient-il, notre économie ne pourra préserver ses standards sociaux et écologiques actuels. Elle sera envahie par des productions issues des pays émergents, et ne pourra que péricliter. « Actuellement, en Allemagne, il y a plus d’emplois dans les secteurs verts que dans l’automobile. C’est un miracle économique. Mais si on continue comme ça, dans trois ou quatre ans, c’est fini. Le marché allemand est inondé de panneaux photovoltaïques et des mâts d’éoliennes produits en Asie, qui présentent grosso modo la même qualité, mais qui sont trois ou quatre fois moins chers. Comment vous voulez contrer ça ? »

Mais pas question de repli égoïste. Dans le modèle prôné par Bernard Wesphael, le produit des droits de douane sera investi pour financer des projets de développement dans les pays du Sud.

Grâce à une réforme de la fiscalité, il estime également pouvoir trouver un milliard d’euros en quatre ans, en restaurant la progressivité de l’impôt sur les revenus les plus élevés. Les revenus supérieurs à 100 000 euros par an seraient ainsi taxés à hauteur de 55 %. Et ainsi de suite : 60 % au-delà de 135 000 euros, 65 % au-dessus de 170 000 euros, pour atteindre 100 % à partir de 350 000 euros. « L’opération ne concernerait pratiquement personne, à peine 2 % de la population. Mais elle amènerait un return important pour les caisses de l’Etat, ce qui permettrait de baisser les charges sociales et d’assurer le financement de la sécurité sociale. »

A propos de l’Europe, il maintient qu’il a eu raison de s’opposer à la Constitution européenne en 2005 (à l’époque, seules deux autres parlementaires Ecolo, Zoé Genot et Céline Delforge, avaient voté non au traité). Pour Bernard Wesphael, « les responsables politiques européens actuelles ne se rendent même pas compte qu’ils vont dans le mur. C’est invraisemblable ! S’ils continuent comme ça, ils vont provoquer la plus grosse explosion sociale depuis la deuxième guerre mondiale. Ils sont en train de mettre en place une Europe qui va se disloquer. »

Au fait, il est très peu question d’environnement dans Changez tout ? « Je n’ai rien à prouver en la matière, répond Wesphael. J’ai commencé mon engagement politique avec les problèmes des décharges, des vols de nuit, de la biodiversité. Aujourd’hui, il me semble essentiel de pousser l’écologie à intégrer de nouvelles thématiques. »

Bref, résume-t-il, « on est à la croisée des chemins. On dit ça depuis cinquante ans. Mais, cette fois, on y est. Vraiment ! Soit on change de cap, soit on va dans le mur dans les 10 ou 15 ans. Moi, je suis non-violent, je suis pour la concertation. Mais cette fois-ci, il est temps. Il est vraiment temps ! »

FRANÇOIS BRABANT

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