Bertrand Candelon

Sommes-nous à l’aube d’un remake de la crise bancaire de 2008? (chronique)

Bertrand Candelon Professeur de finance à l'UCLouvain et directeur de la recherche Louvain-Finance.

La crise bancaire de 2008 est un événement qui a marqué la mémoire collective. A la suite de la faillite de Lehman Brothers en septembre, le système financier mondial a vacillé, menaçant alors de s’effondrer et d’entraîner avec lui les dépôts de millions de ménages et d’entreprises.

La période de convalescence fut particulièrement longue, puisqu’en 2019, de nombreux pays portaient encore les stigmates de cette crise. Alors qu’on imaginait ces événements classés dans nos livres d’histoire, on observe depuis plusieurs semaines des signaux de détresse émanant de plusieurs banques. Sommes-nous à l’aube d’un remake de la crise bancaire de 2008?

L’activité bancaire consiste à collecter des dépôts, de court terme et peu ou pas rémunérés, et à les transformer en des investissements de plus long terme, plus risqués et donc avec un rendement anticipé plus élevé. Cette transformation financière risquée permet toutefois de fluidifier le lien entre épargnants et investisseurs.

Depuis 2008, l’environnement économique était favorable à cette activité. En effet, pour soutenir une croissance faible, les banques centrales ont abaissé les taux d’intérêt nominaux à des niveaux proches de zéro, tout en bénéficiant d’une faible inflation. Les banques, comme les Etats, ont pu obtenir des financements quasiment illimités sans coût. Elles ont donc pu investir dans de nombreux projets risqués sans se préoccuper outre mesure de leurs rendements. Mais la crise énergétique de début 2022 a rebattu les cartes. Les banques centrales ont dû se lancer dans une hausse rapide des taux d’intérêt afin de lutter contre l’inflation, entraînant une baisse de l’activité économique et de la valeur de certains actifs financiers (comme les obligations). Les conséquences négatives furent immédiates pour les bilans bancaires: la valeur des actifs s’est réduite, le nombre de créditeurs incapables de payer leur crédit s’est accru et le financement des investissements est devenu coûteux.

Cette inversion des conditions monétaires est à l’origine des détresses bancaires de ces dernières semaines. Les banques qui se sont trop exposées au risque ou qui ont fait des erreurs de gestion interne devront trouver du capital pour rééquilibrer leur bilan et, au pire, se feront racheter par leurs concurrents. Cette réorganisation est complètement rationnelle en situation de retournement conjoncturel. Cependant, cette détresse pourrait aussi se diffuser dans l’ensemble du secteur financier par des mécanismes de contagion.

Néanmoins, la régulation prudentielle imposée à la suite de la crise de 2008 (accords de Bâle III), bien qu’imparfaite, a accru la capacité de résilience du secteur bancaire face aux risques, notamment de contagion, en imposant des niveaux de capital et de liquidité importants. De même, si la stabilité financière devait être en péril, les banques centrales pourraient directement recapitaliser les banques en danger ou geler la hausse des taux d’intérêt, quitte à laisser de côté pour un temps leur objectif d’inflation. Il apparaît donc, à l’heure actuelle, que la probabilité de vivre une nouvelle crise similaire à celle de 2008 reste extrêmement faible.

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