Geert Noels

Epargne: «Le Belge doit se méfier des intentions de l’Etat, pas de sa banque»

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

La capacité d’épargne sur le revenu n’a jamais été aussi faible depuis 1999. En cause, la forte inflation, qui impacte les dépenses. Un effet « paradoxal » et « irrationnel » car « le Belge a été surcompensé » avec l’indexation des salaires et les primes énergie, selon l’économiste Geert Noels (Econopolis). « Aujourd’hui, celui qui veut épargner doit davantage se méfier des intentions de l’Etat que de sa banque ».

Un niveau historiquement bas. Depuis 1999, la capacité d’épargne sur le revenu n’a jamais aussi faible (10%), selon une étude de l’Institut des Comptes Nationaux. Pendant le Covid, ce chiffre était pourtant très élevé (25%), confinement aidant.

Depuis lors, une inflation très forte, notamment dans l’alimentaire, a fait exploser les dépenses des ménages. Selon l’étude, les revenus n’ont pas suffisamment augmenté par rapport à l’inflation, qui a récemment dépassé le record absolu des 20% en supermarché. Plus d’un million de salariés n’ont également reçu une indexation des salaires qu’en janvier 2023 et ont dû « avancer » le gonflement des prix en 2022. La capacité à économiser s’est ainsi considérablement détériorée.

Pour l’économiste Geert Noels (Econopolis), il convient de prendre ces conclusions avec un peu de recul. « La confiance des ménages belges est dans un creux pour des raisons plutôt irrationnelles, avance-t-il. Le pouvoir d’achat réel du Belge a connu une forte croissance l’année passée et cette année. Le chômage n’a pas connu d’augmentation. Mais différentes inquiétudes –pensions, impôts, santé, climat- peuvent impacter l’esprit du Belge et donc sa confiance. »

Epargne: « Le Belge a été surcompensé »

Le PDG d’Econopolis estime que l’impact de l’inflation sur la capacité d’épargne est une raison plausible, mais elle n’explique pas tout. Car, selon lui, le revenu net disponible n’a pas reculé grâce à l’indexation automatique des salaires et les primes énergie. « Ce n’est pas très populaire de le dire, mais le Belge a été surcompensé et les craintes ne sont pas rationnelles », juge-t-il. Et d’ajouter : « La Belgique est le seul pays au monde où les effets de l’inflation et de l’énergie ont été compensés à ce point».

Cette perte de la capacité d’épargne serait donc plus irrationnelle que rationnelle. « On peut vraiment parler de paradoxe, poursuit Geert Noels. Cet effet négatif peut vite être renversé et l’explication que l’on met en avant aujourd’hui sera revisitée dans trois mois, prédit-il. Car le sous-jacent prendra le relai. Il n’y a pas de raison d’être plus inquiet qu’il y a cinq ans ». D’autant plus que depuis le début de l’année, l’inflation globale est en recul et la hausse des prix alimentaires est en train de s’estomper, même si cela ne se ressent pas encore sur le ticket de caisse.

On peut vraiment parler de paradoxe (…) La Belgique est le seul pays au monde où les effets de l’inflation et de l’énergie ont été compensés.

Geert Noels

Des frais cachés?

Pour l’économiste, le Belge peut craindre pour son épargne. Mais il évoque d’autres raisons. « Toutes ces réserves seront un jour confisquées ouvertement, ou d’une façon plus cachée. L’épargne en soi est considérée comme un stock potentiel pour compenser ceux qui n’en ont pas, surtout au niveau de l’Etat, avance Geert Noels. « La Belgique a plus de dettes que d’épargne, et le Belge a un carnet qui compense à peu près 60% de cette dette. Le jour où l’Etat belge commencera à manger cette épargne pour compenser sa propre dette, les gens pourront alors vraiment être inquiets. »

Selon l’expert, l’inflation est déjà une façon, pour l’Etat, de gratter l’épargne. « Mais on peut redouter l’instauration de plus en plus de frais sur l’épargne, cachés ou non. Ou le financement forcé par l’épargne, craint-il. Cela rejoint les discussions actuelles sur le deuxième pilier de pension. Quand la ministre Lalieux dit qu’elle souhaite taxer trois à quatre fois plus ceux qui épargnent pour leur propre pension, c’est le genre d’information qui devrait plus inquiéter la classe moyenne que l’inflation. Pour l’épargnant, c’est à se demander à quoi bon faire autant d’efforts pour être prudent. L’Etat pourrait se servir de cet effort. Alors que ce dernier a été beaucoup moins prudent dans ses dépenses. »

La Belgique a plus de dettes que d’épargne, et le Belge a un carnet qui compense à peu près 60% de cette dette.

Geert Noels

Geert Noels n’est pas tendre envers la gestion de la dette de la Belgique, qui pourrait, selon lui, voir en l’épargne des Belges une solution pour recouvrir sa dette. « Le problème n’est pas la banque, c’est l’Etat. Aujourd’hui, il faut s’inquiéter de ses intentions. La banque est très solide et garde bien ses comptes. Alors que l’Etat belge est devenu un des malades les plus fébriles en Europe. Sa situation est semblable aux conditions qui ont mené à la crise des années 70. »

épargne Geert Noels
L’économiste Geert Noels, CEO d’Econopolis, n’est pas tendre envers la gestion de la dette de la Belgique.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire