Si la BCE a relevé ses taux en juillet 2022, il a fallu attendre plusieurs mois avant que les banques commerciales lui emboîtent le pas. © getty images

Augmentation des taux d’épargne: peut-on vraiment à nouveau parler de rendement?

Après des années de rémunération plancher, les taux d’intérêt des comptes épargne repartent à la hausse dans un contexte d’inflation record. Une nouvelle dont les épargnants peuvent se réjouir, même si l’augmentation reste très timide. Mais peut-on vraiment à nouveau parler de rendement? On a fait le tour des banques.

Historique: c’est ainsi que l’on peut qualifier la remontée des taux d’intérêt directeurs de la Banque centrale européenne (BCE), en juillet 2022. Onze ans qu’un tel événement ne s’était plus produit! Deux mois plus tard, en septembre, l’institution européenne annonçait même une nouvelle augmentation de 0,75 point – la plus élevée de son histoire. D’autres hausses ont suivi en octobre et décembre 2022, la prochaine viendra en mars, a annoncé, le 2 février, la BCE.

L’inflation galopante au sein de l’Union européenne n’est pas étrangère à ce changement de cap. Pour la contenir, la BCE n’a eu d’autre choix que d’augmenter ses fameux taux d’intérêt directeurs (les taux qu’elle offre aux banques souhaitant se financer) afin de rendre l’emprunt plus coûteux, de freiner les dépenses et ainsi faire baisser la pression sur les prix. La mesure vise aussi à maîtriser les anticipations d’inflation et, notamment, la spirale prix-salaires dans laquelle la crainte d’une inflation de longue durée pousse les travailleurs à exiger des hausses salariales (hors indexation automatique) et leurs employeurs à augmenter les tarifs de leurs produits et services.

L’augmentation des taux d’épargne est moindre que celle des taux de la BCE entre autres parce que les banques se gardent une marge bénéficiaire.

De manière concrète, les décisions prises par l’institution européenne finissent par influencer l’économie par les banques qui placent ou empruntent de l’argent auprès d’elle. «Grâce à l’augmentation des taux de la BCE, les banques qui y déposent de l’argent perçoivent à nouveau des intérêts et redeviennent rentables, ce qui n’était plus le cas ces dernières années avec les taux négatifs (NDLR: avant les mesures de juillet, le taux de dépôt de la BCE était de – 0,5%), précise l’économiste Bruno Colmant, professeur et membre de l’ Académie royale de Belgique. Par un phénomène de capillarité, un peu comme des vagues, la hausse des taux de la BCE se répercute dans toute l’économie.»

Pour se démarquer des grandes, les petites banques augmentent plus vite leurs taux d'intérêt, explique l'économiste Bruno Colmant.
Pour se démarquer des grandes, les petites banques augmentent plus vite leurs taux d’intérêt, explique l’économiste Bruno Colmant. © belga image

Ainsi, les banques ont commencé par augmenter les taux d’intérêt des emprunts, notamment en raison de l’inflation. D’un autre côté, elles ont été contraintes de relever les intérêts de leurs comptes d’épargne puisque le taux de dépôt de la BCE est progressivement monté jusqu’à 2% en décembre 2022 – il grimpera même à 2,5% en mars, a annoncé la BCE le 2 février. Une bonne nouvelle pour les épargnants, même si les nouveaux taux d’intérêt offerts atteignent ou dépassent rarement 1% au total. «L’augmentation pratiquée sur les livrets d’épargne est évidemment moindre que celle mise en place par la BCE car les taux directeurs pourraient redescendre et parce que les banques se gardent une marge bénéficiaire plus ou moins importante», souligne Bruno Colmant.

L’inflation ralentit, la BCE ne devrait donc plus trop augmenter ses taux directeurs ni les banques leur taux d’épargne.

Pas d’envolée en 2023

Alors que la BCE a relevé ses taux pour la première fois en juillet 2022, il a fallu attendre plusieurs mois avant que les banques rendent l’épargne un tantinet plus attractive. L’enseigne flamande CKV fut la première à faire progresser ses taux de 0,25% à 0,70% le 1er octobre dernier, suivie par plusieurs autres petits acteurs. Les plus grandes institutions ont embrayé plus tardivement encore, avec des hausses souvent plus modérées (lire ci-après). Un phénomène tout à fait classique, estime Bruno Colmant: «Les petites banques sont toujours les premières à augmenter les taux d’intérêt de leurs comptes épargne car elles doivent se démarquer des grands noms qui proposent généralement davantage d’informatique, de services, etc. Pour rester attractives, elles doivent apporter ce surcroît d’intérêts.»

Aujourd’hui, l’ensemble des banques ont mis à jour leurs taux d’intérêt. Et demain? Faut-il s’attendre à une stagnation ou à de nouvelles hausses? Sauf événement majeur inattendu, la réponse dépendra, a priori, de l’inflation. Celle-ci a déjà ralenti au cours des derniers mois et, après une année 2022 à 9,59%, le Bureau fédéral du plan prévoit une inflation limitée à 5,3% en Belgique en 2023.

A l’échelon européen, l’inflation est estimée à 6,3% cette année. C’est largement supérieur à l’objectif de 2% à moyen terme fixé par la BCE. Cette dernière a prévenu que ses taux d’intérêt directeurs pourraient continuer de progresser régulièrement dans les prochains mois et elle l’a confirmé en annonçant son intention de procéder à une nouvelle hausse de 50 points de base (0,5%) en mars. Ses différents taux varieront ainsi entre 2,5% et 3,25%, des chiffres qui n’avaient plus été atteints depuis 2008. Bruno Colmant estime toutefois que ces nouvelles hausses devraient avoir peu d’impact sur les taux d’intérêt des comptes d’épargne: «L’inflation ralentit, la BCE ne devrait donc plus augmenter énormément ses taux directeurs et il n’y aura probablement pas de hausse chez les banques commerciales, ou très peu

La Banque centrale européenne, basée à Francfort, n’avait plus augmenté ses taux d’intérêt directeurs depuis onze ans.
La Banque centrale européenne, basée à Francfort, n’avait plus augmenté ses taux d’intérêt directeurs depuis onze ans. © getty images

Dans une des grandes banques belges, on confirme en effet suivre de près l’évolution du marché sans avoir pour l’instant de projet concret de réajustement des taux – notamment parce que les taux d’intérêt du marché sont actuellement très volatils.

D’une banque à l’ autre

En attendant, l’épargnant se contentera des taux existants, très inférieurs à l’inflation. En Belgique, certains comptes d’épargne atteignent, voire dépassent, 1% ou 1,5%. Mais il faut être attentif aux conditions: parfois l’épargne est limitée mensuellement ou les intérêts sont conditionnés par un montant minimal ou maximal de dépôt.

Bon à savoir également: si vous puisez régulièrement dans votre épargne, mieux vaut privilégier un bon taux de base plutôt qu’une bonne prime de fidélité, car celle-ci n’est octroyée que sur les montants placés sur le compte de manière ininterrompue pendant douze mois au minimum.

Alors quels taux proposent les différentes banques implantées chez nous? Petit tour d’horizon…

Belfius

Belfius fut la première grande banque belge à remonter ses taux d’épargne, le 2 janvier 2023. Le taux de base est passé de 0,01% à 0,35%, alors que la prime de fidélité a augmenté de 0,10% à 0,15%. En parallèle, la banque a inauguré un nouveau compte d’épargne, Belfius Fidelity, qui privilégie les économies à plus long terme. Pour ce produit, le taux de base n’est que de 0,15% mais la prime de fidélité s’élève à 0,65%, soit un taux total de 0,8% contre 0,5% pour le compte d’épargne classique de la banque.

KBC

KBC a emboîté le pas à Belfius le 8 janvier. Le taux de base a bondi de 0,01% à 0,35% et la prime de fidélité de 0,10% à 0,25%. Soit un taux total de 0,6%. Le compte Start2Save, qui repose sur un ordre mensuel d’épargne automatique, a vu son taux d’intérêt de base évoluer de 0,01% à 0,15% et sa prime de fidélité de 0,10% à 0,75% (taux global: 0,9%). Le dépôt y est de maximum 500 euros par mois mais le compte n’est pas soumis à une limite de solde.

ING

ING a relevé ses taux d’épargne à partir du 9 janvier dernier et a, par la même occasion, lancé un nouveau produit: l’ING Compte d’épargne. Ce dernier propose un taux de base de 0,35% assorti d’une prime de fidélité de 0,65%, soit un total de 1%. Ce compte favorise l’épargne à long terme et n’implique pas de montant maximal. ING a aussi relevé les taux de son compte Epargne Tempo, qui s’élèvent désormais à 0,7% pour le taux de base comme la prime de fidélité (soit un total de 1,4%). Comme l’ING Compte d’épargne, ce produit n’est pas soumis à des dépôts minimaux, par contre les versements mensuels y sont limités à 500 euros (sans solde maximal au total) et les versements ou retraits en espèces ne sont pas possibles.

Si vous puisez régulièrement dans votre épargne, mieux vaut privilégier un bon taux de base plutôt qu’une bonne prime de fidélité.

BNP Paribas Fortis

BNP Paribas Fortis est la dernière grande banque belge à avoir relevé ses intérêts, avec des hausses entrées en vigueur le 1er février 2023 – y compris dans ses filiales Fintro et Hello bank!. L’ augmentation y est aussi plus timide qu’ailleurs: le taux de base est passé de 0,01% à 0,15% mais la prime de fidélité a été maintenue à 0,10% (taux global: 0,25%). Le solde maximal est plafonné à 250 000 euros par compte, sans quoi le montant excédentaire passe sur un compte de dépôt dont les intérêts sont nuls. En parallèle de l’augmentation de ses taux, BNP Paribas Fortis propose un nouveau produit, également disponible chez Fintro et Hello bank!: le compte épargne Plus. Plus avantageux, il prévoit un taux de base de 0,50% et une prime de fidélité de 0,75% (total: 1,25%). Le montant pour bénéficier de ces intérêts est limité à 100 000 euros.

Et chez les autres?

La plupart des banques installées chez nous ont rehaussé les taux d’intérêt de leurs comptes d’épargne, souvent même avant les grandes institutions. En ce moment, la Santander Consumer Bank est celle qui offre le taux global le plus élevé: 1,60% proposé par son compte Vision Max (0,8% de prime de base et 0,8% de prime de fidélité), mais seulement pour les dépôts situés entre 125 000 et 200 000 euros. En dessous et au-delà de cette fourchette, la prime de fidélité reste de 0,8% mais le taux de base chute à 0,05%.

D’autres banques offrent des taux d’au moins 1%, comme CPH avec son Carnet CPH Dépôts (0,2% d’intérêt de base et 0,8% de prime de fidélité) ou MeDirect avec son compte Fidelity Epargne (0,2% de taux de base et 1% de prime de fidélité).

A la Deutsche Bank, les taux globaux des comptes d’épargne déjà existants atteignent désormais 0,5% et la banque a lancé un nouveau produit, DB Silver Account, dont la prime de fidélité s’élève à 0,6% et un taux de base qui augmente en fonction du dépôt. Les montants de moins de 50 000 euros n’obtiennent que 0,01% d’intérêt de base mais ils grimpent à 0,4% pour les dépôts supérieurs à 250 000 euros, ce qui permet d’atteindre un taux global de 1%.

Chez Crelan, les taux globaux varient de 0,5% à 0,6% selon les montants placés alors que chez AXA, les deux comptes start2bank et start2bank épargne fidelity proposent chacun un taux de base de 0,35% et une prime de fidélité de 0,25% (0,6% au total).

Beobank a, elle, augmenté ses taux début février. Ils sont passés à 0,4% pour le compte Classique et à 0,5% pour les comptes Fidelity Plus, Excellence et Jeunes. Le nouveau compte Save Plus permettra d’atteindre 0,5% pour les dépôts inférieurs à 50 000 euros, et 1,05% pour ceux supérieurs à ce montant (0,25% de taux de base et 0,8% de prime de fidélité). Le compte Step Up permet aussi d’atteindre 1,05% avec une limite d’épargne de 750 euros par mois.

Enfin, Argenta a aussi relevé ses taux en février, offrant désormais des intérêts globaux de 0,6% sur ses comptes Maxi et e-épargne. Le compte d’accroissement a, quant à lui, fait son retour dans l’offre de la banque avec un taux de base de 0,15% et une prime de fidélité de 0,75% (total 0,9%). Les transferts sur ce compte sont limités à 500 euros mensuels et le solde total à deux millions d’euros.

Le compte à terme, une bonne alternative?

Pour ceux qui n’ont pas besoin d’accéder librement à leur épargne et veulent faire fructifier leur argent sans forcément l’investir, le compte à terme reste une option. Celui-ci a l’avantage, généralement, d’offrir des intérêts plus élevés ; en contrepartie, il faut s’engager à déposer son argent pour une durée prédéterminée sans possibilité d’y accéder avant le terme (ou à des conditions désavantageuses). La durée du dépôt est flexible et peut varier de quelques jours à plusieurs années. Toutefois, pour profiter d’intérêts avantageux, il est souvent préférable de placer son argent pour une longue période. Les taux bruts peuvent, par exemple, dépasser les 2% pour des placements en euros à cinq, sept ou dix ans. Certaines institutions comme la Deutsche Bank proposent des taux bruts de 2% dès six mois, à condition que le dépôt soit de 50 000 euros minimum. Si les comptes à terme peuvent proposer des taux intéressants, il ne faut pas perdre de vue qu’un précompte mobilier de 30% est dû sur l’ensemble des intérêts perçus, alors que dans le cadre d’un compte d’épargne réglementé, ce taux s’élève à 15% et ne s’applique que sur la tranche supérieure à 980 euros d’intérêts annuels (1 960 euros pour un compte avec deux titulaires).

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