Joe Biden
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Faut-il s’attendre au retour du protectionnisme américain?

Bertrand Candelon
Bertrand Candelon Professeur de finance à l'UCLouvain et directeur de la recherche Louvain-Finance.

Pour limiter l’effet de l’inflation qui sévit aux Etats-Unis, l’administration Biden a fait voter par le Congrès, en août dernier, l’Inflation Reduction Act (IRA). Et a déclenché l’ire des dirigeants européens et asiatiques…

L’Inflation Reduction Act (IRA) est une loi qui vise à réduire le déficit public américain de 238 milliards de dollars, notamment par le biais d’une réforme des systèmes fiscal et de santé. Elle prévoit également de consacrer un budget sans précédent de 400 milliards de dollars à la transition climatique et aux énergies renouvelables. Un exemple parmi d’autres: un ménage américain pourra recevoir jusqu’à 7 500 dollars de crédit d’impôt pour l’achat d’un véhicule électrique.

Si ces mesures semblent sensées d’un point de vue économique, elles ont provoqué l’ire des dirigeants européens et asiatiques, qui considèrent l’IRA comme la première étape vers un retour au protectionnisme américain. En effet, les crédits d’impôt sur les investissements verts seraient limités aux voitures et batteries fabriquées aux Etats-Unis, pénalisant les importations. Après les protestations de plusieurs gouvernements et de la Commission européenne, ces conditions d’octroi des primes ont toutefois été suspendues jusqu’à mars prochain. Et ce 1er février, Ursula von der Leyen dévoilait son plan « Green Deal » pour développer l’industrie des technologies propres en Europe, en réponse à l’IRA.

Historiquement, le protectionnisme américain a toujours été important. Il atteignit son paroxysme au début des années 1930 avec le Smoot-Hawley Tariff Act, qui augmenta les droits de douane sur les importations de plus de vingt mille types de biens. La raison de cette politique? Rendre artificiellement les industries locales plus compétitives, afin que les Etats-Unis réalisent des excédents commerciaux.

Après la Seconde Guerre mondiale, la donne changea. Le protectionnisme suivit une tendance à la baisse, aboutissant en 1995 à la création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qui regroupe aujourd’hui quasiment l’ensemble des pays de la planète, y compris la Chine, depuis 2001. La libre circulation des biens et des services eut des effets positifs sur le développement de presque tous les Etats. Les pays émergents bénéficièrent de la diminution des tarifs douaniers, avec pour effet d’augmenter leurs recettes budgétaires, de stimuler leurs innovations et de favoriser leur croissance – plus récemment, un projet de zone de libre-échange à l’échelon africain a été lancé, qui devrait à son tour dynamiser l’économie du continent. Les Occidentaux, eux, eurent accès à des biens de consommation à des prix avantageux, ce qui leur permit d’accroître leur pouvoir d’achat, tandis que leurs entreprises disposèrent d’un plus vaste marché pour écouler leurs produits.

La libre circulation des biens et des services a pourtant eu des effets positifs sur le développement de presque tous les Etats.

Il ne faudrait évidemment pas occulter les risques que peut engendrer l’abandon du protectionnisme, parmi lesquels la disparition d’activités stratégiques nationales, avec pour conséquence une plus grande interdépendance entre les pays, la répercussion plus rapide des chocs financiers ou encore l’augmentation de la concurrence entre les entreprises. Sans compter que la répartition des bénéfices découlant du libre-échange ne se fait pas équitablement entre les différentes classes au sein d’une population.

Il est logique qu’après chaque crise économique suivie de récession, l’idée du protectionnisme resurgisse dans les débats. Reste à espérer que l’IRA ne constituera pas la première étape d’un retour à la guerre commerciale avec ses séquences de mesures de rétorsion, dommageables à la croissance non seulement en Europe mais aussi aux Etats-Unis.

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