Uber: un accès facilité à la profession qui a des conséquences. © getty images

Le capitalisme racial, vecteur du succès d’Uber?

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

La sociologue Sophie Bernard explique pourquoi la société technologique compte une surreprésentation de chauffeurs racisés. Aubaine ou espoir déçu?

Uber déploie-t-elle un «capitalisme racial de plateforme»? Telle est la thématique intéressante et interpellante qu’approfondit la sociologue Sophie Bernard dans son essai #UberUsés (1). La chercheuse à l’Institut de recherche interdisciplinaire en sciences sociales (Irisso) de l’université Paris Dauphine se base sur une enquête auprès de plus de cent chauffeurs de véhicules, interrogés à Montréal, Londres et Paris.

Comment expliquer «la sur- représentation d’hommes racisés parmi les chauffeurs Uber»? Parmi les raisons, avancées par les personnes interrogées, figurent la promesse initiale de rémunérations élevées, la flexibilité des horaires (permettant de combiner ce travail avec un second emploi), l’opportunité d’accéder à l’indépendance (qui tranche avec le déclassement perçu dans les habituels emplois proposés aux immigrés) ou l’absence de barrières dans l’accès à la profession (sachant que la nationalité, l’imparfaite maîtrise de la langue et la difficulté de reconnaissance des qualifications étrangères peuvent être des obstacles à un engagement dans un job traditionnel).

Uber positionne toujours son activité dans le segment du marché où les barrières à l’entrée sont les plus faibles.

Pour autant, Uber développe- t-elle une politique spécifique à l’égard des personnes racisées? Sophie Bernard note qu’en France, des points d’information avaient été ouverts par la société américaine dans des communes populaires pour «faciliter la création d’entreprise de VTC» (véhicule de tourisme avec chauffeur). Plus généralement, «la plateforme positionne toujours son activité dans le segment du marché où les barrières à l’entrée du métier sont les plus faibles», indique l’autrice. Cette pratique s’explique par la nécessité pour Uber de disposer en permanence d’un réservoir de travailleurs potentiels.

Il n’empêche que l’embauche que permettent Uber et des plateformes du même type répond à une demande des travailleurs racisés, même si certains peuvent à terme déchanter au vu de l’abaissement des tarifs, des entraves à l’indépendance et de l’impact sur leur santé. «Si ces derniers n’étaient pas victimes de discriminations dans l’accès à l’emploi et dans la carrière, la plateforme ne disposerait pas de la main-d’œuvre corvéable qui lui est indispensable pour fonctionner», dénonce Sophie Bernard. Le capitalisme de plateforme ne constitue donc qu’une nouvelle manifestation du fait que les travailleurs racisés se voient assignés aux positions subalternes. L’enjeu premier est donc d’améliorer le sort des ces travailleurs «essentiels».

(1) #UberUsés. Le capitalisme racial de plateforme, par Sophie Bernard, PUF, 304 p.
(1) #UberUsés. Le capitalisme racial de plateforme, par Sophie Bernard, PUF, 304 p. © National
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