
Au Danemark, les boîtes aux lettres vont se volatiliser: quel futur pour le courrier en Belgique?
La baisse structurelle du volume de courrier à traiter couplée à l’essor de l’e-commerce met les opérateurs postaux devant des choix parfois cornéliens. En Belgique, bpost tente d’innover après des années de stratégie erratique.
C’est acté: les quelque 1.500 boîtes aux lettres rouge vif de la poste (PostNord) danoise, disséminées aux quatre coins du pays, vont être démantelées d’ici la fin de l’année, a annoncé cette semaine l’entreprise, qui distribuera sa dernière lettre à la fin de cette année. Une décision attendue après que Postnord ait perdu l’exclusivité de la distribution du courrier suite à la libéralisation du marché —ce qui signifie que c’est un autre opérateur, en l’occurrence DAO, qui s’en chargera.
Comme beaucoup d’autres opérateurs postaux, PostNord, également active en Suède, se recentre sur la distribution de colis, dont l’essor est intrinsèquement lié au développement de l’e-commerce. «Les Danois sont de plus en plus « digitaux » et ce qui était autrefois envoyé par courrier est désormais reçu numériquement par la grande majorité des gens. Cela signifie qu’il reste très peu de lettres au Danemark. En effet, le volume des lettres a diminué de plus de 90% depuis l’an 2000 et continue de baisser rapidement» a fait valoir Postnord, qui a remarqué qu’«en revanche, les Danois achètent en ligne comme jamais auparavant. Cela crée un besoin croissant de livraisons rapides et efficaces pour les colis danois, et chez PostNord, nous sommes bien équipés pour y répondre. C’est pourquoi nous nous concentrons désormais sur l’amélioration de nos services là où les Danois en ont le plus besoin: les colis.»
Même dans les bureaux de poste on revoit la stratégie, plus personne ne vient y acheter 50 timbres.
Porte-parole de bpost
Mais la transformation s’annonce particulièrement tendue sur le plan social, puisque cette réorientation stratégique s’accompagne d’un plan de licenciement massif qui devrait concerner le tiers des effectifs de PostNord, soit environ 1.500 personnes (sur 4.600). Environ 2.200 travailleurs s’occupent actuellement du courrier —700 d’entre eux devraient être réaffectés.
En Belgique, le problème ‘courrier’ pas réglé
Les problèmes liés à la baisse du volume de courrier à traiter se posent avec insistance à l’ère numérique. En Allemagne, la poste —liée à DHL— a annoncé là aussi un plan social (8.000 emplois supprimés), avec la volonté d’économiser dans le milliard d’euros en réduisant les coûts de structure. En cause, la chute du volume de courrier publicitaire —et donc des revenus qui y sont liés—, alors que le volume de colis à traiter continue d’augmenter.
Evidemment, la Belgique ne fait pas exception en matière de rationalisation des coûts liés à la distribution du courrier. En témoigne le mouvement de grève chez bpost ces derniers jours, qui a suivi l’annonce de la réorganisation des tournées. Mais pas question de lâcher ce pan du business, même en déclin. «On est encore fournisseur d’un service postal. Il y a 90 lettres envoyées par an par habitant, en moyenne», tempère une porte-parole, qui ne cache pas que le «courrier est en déclin, on ne va pas se le cacher. Même dans les bureaux de poste on revoit la stratégie, plus personne ne vient y acheter 50 timbres…»
La stratégie, justement, n’a jusqu’ici pas porté ses fruits, avec des résultats mitigés ayant entraîner une petite dégringolade en Bourse (l’entreprise a perdu un cinquième de sa valeur et indiqué qu’elle ne distribuerait pas de dividendes cette année). De mauvais augure alors que, théoriquement, l’année prochaine devait être pour bpost l’aboutissement d’un grand plan de modernisation prenant en compte la nouvelle réalité digitale. Ce plan —baptisé connect 26—, qui actait la perte de vitesse de la distribution du courrier et la montée en puissance de l’e-commerce, a fait long feu: selon nos informations, il a peu à peu été abandonné au gré des crises et des changements à la direction de l’entreprise.
Business to business
Reste qu’au niveau stratégie, l’activité colis est loin d’être à l’abandon, nous dit-on, «mais avec l’acquisition de Staci (NDLR: en 2024) on va vraiment développer les volets b-to-b (NDLR: business to business)» —un segment sur lequel l’entreprise semble miser beaucoup.
Désormais, le boss Chris Peeters, sans doute conscient que la concurrence s’annonce rude sur le front ‘colis’, «aimerait aussi offrir d’autres services notamment en matière de digital, par exemple en matière d’aide auprès de personnes peu digitalisées. C’est le cas à Jurbise, on peut aller demander de l’aide pour effectuer des démarches administratives. On essaie de voir si c’est possible ailleurs: il y a un projet pilote à Anvers en ce moment», ajoute la porte-parole, qui fait valoir la présence physique des quelque 656 bureaux de poste sur tous le territoire: une force dont il est attendu que l’entreprise tire parti, d’une façon ou d’une autre. En attendant, il faut bien continuer à distribuer le courrier…
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