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L’Europe ne dépend pas que du gaz russe: d’où vient le gaz que l’on consomme?

Mailys Chavagne

Avec seulement 10% du gaz consommé produit dans les États membres, l’Europe reste dépendante pour sa consommation d’énergie, et pas seulement du gaz russe… Quelles sont ses autres sources de gaz?

L’Europe n’est pas productrice de gaz, c’est bien là tout le problème. Car à l’heure où la Russie est devenue l’ennemi public n°1, frappée par des sanctions économiques qui sont loin de plaire au Kremlin, Vladimir Poutine a pris la décision de couper les vannes de Nord Stream, gazoducs reliant la Russie à l’Allemagne. Plus question de livrer du gaz aux Européens tant qu’ils soutiendront activement l’Ukraine. Et la récente attaque ayant abimé lesdites infrastructures, provoquant ainsi des fuites, n’a rien arrangé à la situation.

« La Russie est prête à reprendre les livraisons » via le système de gazoduc Nord Stream 2 non affecté par des explosions, a néanmoins annoncé le dirigeant russe. « La balle est dans le camp de l’UE, si elle le veut, elle n’a qu’à ouvrir le robinet ».

Une décision qui a un impact non négligeable sur l’approvisionnement en gaz de l’Union européenne puisque la Russie en est le principal fournisseur (41% du gaz importé en 2019). En attendant, l’offre se raréfie, la demande continue d’augmenter… et les prix aussi.

Sur fond de tensions russo-ukrainiennes, l’Union européenne multiplie les démarches pour tenter de diversifier au maximum son approvisionnement en gaz. Des projets concrets ont déjà vu le jour, d’autres sont en cours de développement. Mais où trouver les 155 milliards de m3 de gaz d’habitude fournis par la Russie?

Diverses sources d’approvisionnement

Il n’existe que deux façons d’acheminer du gaz: le transporter sous pression dans des gazoducs ou condensé à l’état liquide par la mer (GNL).

Selon la Commission européenne, « d’ici fin 2022, tous les États membres devraient avoir accès à au moins trois sources de gaz, y compris l’accès direct ou indirect au marché mondial du GNL. » Un objectif qui va dépendre de contrats conclus avec d’autres États. Voici ce qui a déjà été développé ou qui est en cours de développement:

Le GNL, principale solution

Parmi les solutions envisagées par l’Union européenne, le GNL est devenu le nouvel enjeu géostratégique du marché de l’énergie. Il s’agit de gaz naturel liquéfié transporté par voie maritime sur des navires méthaniers. Selon la Commission européenne, « toutes les régions d’Europe continentale ont une connexion directe ou indirecte à un terminal de GNL. Actuellement, il y a plus de 20 terminaux GNL en Europe, dont 4 en France. »

L’Union européenne souhaite néanmoins multiplier le recours à cette énergie. Raison pour laquelle Ursula von der Leyen et Joe Biden ont récemment conclu un accord pour que les Américains fournissent, dès cette année, 15 milliards de m3 supplémentaires de GNL à l’UE. D’autres pays sont également devenus des partenaires GNL importants de l’Europe: le Nigeria, le Qatar, l’Algérie, l’Egypte. Au total, l’Union européenne aurait accru de 60% environ ses importations de gaz naturel liquéfié (GNL).

Des investissements dans plusieurs gazoducs

Pour autant, le transport du gaz via gazoducs reste une méthode d’approvisionnement essentielle pour l’UE. « L’Europe a investi dans 115 gazoducs et interconnecteurs depuis 2014« , explique la Commission européenne dans un communiqué. Le Fonds européen de développement régional (FEDER) a ainsi permis de moderniser et construire plus de 1000 km de gazoducs de transport fin de 2015.

Au cours des 5 dernières années, la Pologne en particulier a bénéficié du financement de l’UE, avec notamment l’ouverture de l’interconnecteur GIPL (Pologne, Lituanie), du gazoduc Baltic Pipe (Pologne, Danemark et Norvège) et de l’interconnecteur Pologne-Slovaquie (inauguré en août).

La Grèce et la Bulgarie ont également achevé la construction longtemps retardée d’un gazoduc entre les deux pays (interconnecteur Grèce-Bulgarie, IGB), dont la capacité devrait être portée à 5 milliards de m3.

Le hub méditerranéen

Depuis la découverte d’un champ gazier important dans la région, le gaz méditerranéen est lui aussi devenu un enjeu géopolitique important. L’Algérie en est notamment l’un des principaux acteurs. Aujourd’hui troisième fournisseur de gaz naturel derrière la Russie et la Norvège, l’Algérie tente de devenir le « hub du gaz » de l’Europe. Multiplication des accords de partenariat pour l’exploration, augmentation des flux gaziers vers l’Italie, déploiement sur l’axe africain pour le transport du gaz… L’État déploie les efforts pour se positionner sur le marché international du gaz.

Plusieurs autres projets financés par l’UE visent également à développer l’acheminement du gaz en provenance d’Israël, d’Egypte et de Chypre:

  • le gazoduc “Cyprus East Med”: le projet, actuellement en cours de conception, transportera du gaz naturel depuis les réserves de gaz offshore du bassin levantin jusqu’en Grèce. Là, le gazoduc se reliera aux projets de gazoducs Poseïdon (interconnexion entre la Grèce et l’Italie) et IGB (interconnexion entre la Grèce et la Bulgarie) pour acheminer du gaz dans ces deux régions.
  • le terminal GNL “CyprusGas2EU”: normalement opérationnel dès 2023, le projet vise la construction d’infrastructures d’importation, de regazéification, de stockage et de canalisation de gaz naturel liquéfié (GNL) au large de Limassol (ville côtière au sud de Chypre) afin de mettre fin à l’isolement énergétique actuel de Chypre.

Le corridor gazier Sud

Le corridor gazier sud-européen, opérationnel depuis 2021, est un projet de plusieurs gazoducs qui permet d’acheminer 10,5 milliards de mètres cubes de gaz naturel par an depuis le bassin caspien vers l’Europe (et en particulier l’Italie, la Géorgie, la Grèce et la Bulgarie). Cela représente environ 2% de la demande gazière européenne. Ce corridor gazier part de l’Azerbaïdjan et rejoint l’Italie.

Afin de renforcer la coopération entre l’Union européenne et l’Azerbaïdjan, un nouveau protocole d’accord a même été signé. « L’Azerbaïdjan a déjà augmenté ses livraisons de gaz naturel à l’UE et cette tendance se poursuivra: cette année, jusqu’à 4 milliards de mètres cubes de gaz supplémentaires seront fournis et, d’ici à 2027, les volumes devraient plus que doubler », déclare Kadri Simson, commissaire chargée de l’énergie. Chaque année, ces gazoducs devraient transporter au moins 20 milliards de mètres cubes de gaz.

Stocker le gaz pour passer l’hiver

Outre la diversification des sources, l’Union européenne mise également sur les stocks de gaz pour garantir la sécurité d’approvisionnement dans les États membres. Elle ainsi imposé aux dirigeants européens de remplir, au 1er novembre 2022, « les installations de stockage souterrain de gaz à hauteur de 80% au moins de leur capacité ».

Un objectif aujourd’hui largement atteint puisque sur l’ensemble des pays européens, les stocks de gaz sont remplis à 91,64% (capacité totale de 1140 TWh, soit 27% de la consommation annuelle des pays de l’UE). La Belgique fait partie des bons élèves en la matière: chez nous, les stocks sont remplis à 100%.

De quoi garantir un hiver sans soucis? Pas si sûr… Si un pic hivernal tardif surgit en mars, cela pourrait causer des difficultés d’approvisionnement, prévient l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Car même avec des niveaux de gaz satisfaisants, si on consomme de grandes quantités ces prochains mois pour faire face au froid, rien ne dit que les États membres parviendront à refaire facilement leurs stocks d’ici l’hiver 2023-2024. Et on ne pourra sans doute pas compter sur le gaz russe…

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