Anne-Sophie Bailly

Edito | L’urgence? Plafonner les prix du gaz

Anne-Sophie Bailly Rédactrice en chef

Les 27 ne cessent de tergiverser sur un plafonnement des prix du gaz. En attendant, les Etats membres tentent vaille que vaille de colmater les brèches géantes. Notamment, en taxant les surprofits. Mais ça ne suffira pas.

C’est avec une certaine fierté, imagine-t-on, que la ministre de l’Energie, Tinne Van der Straeten (Groen), a déposé la proposition sur la table du gouvernement. Celle qui montre qu’enfin les choses bougent. Qu’après l’Allemagne ou la France, la Belgique vole, elle aussi, au secours de ses concitoyens. Qu’on a entendu la détresse de Jojo, le boulanger, de Marco, le pizzaïolo, des directeurs d’école et d’hôpitaux. Qu’on a compris que la colère gronde parmi la population et qu’on y répond.

La proposition, c’est donc celle que permet, depuis le 30 septembre, l’imprimatur européen: récupérer des milliards d’euros chez les producteurs d’énergie. Des milliards, en effet. Presque cinq, d’ailleurs. Car les surprofits engrangés par ces entreprises ne seront pas taxés à 20% ou 30% comme imaginé dans un premier temps mais bien à 100%. Et non pas à partir de 180 MWh comme le suggérait l’Europe, mais bien de 130 MWh. Et non pas pendant un, mais bien deux ans. Lente au démarrage, la Belgique a désormais mis le turbo. Plus vite, plus haut, plus fort. La devise olympique appliquée aux surprofits «made in Belgium» .

Désolés de nous répéter et de jouer les trouble-fête, mais taxer les surprofits ne ramènera pas les acomptes mensuels à des niveaux payables.

Désolés de nous répéter et de jouer les trouble-fête, mais tout cela ne ramènera pas les acomptes mensuels des consommateurs à des niveaux payables. Loin s’en faut. Cela ne réglera d’ailleurs ni l’urgence ni le fond du problème. Comme l’octroi de chèques ou la réduction de la TVA, cette mesure ne s’attaque qu’à la ligne finale de la facture. Toujours avec ce leitmotiv brandi «de devoir faire face à l’urgence». Le tarif social élargi excepté, on est en droit de se demander – un an et demi après le début de l’envolée des prix – à quelle urgence on a finalement répondu. L’inflation connaît une croissance à deux chiffres, dopée par des prix de l’énergie qui continuent leur folle ascension, et la récession s’installe partout en Europe.

Malgré cela, les Vingt-Sept n’ont pu s’entendre, la semaine dernière, sur un plafonnement des prix du gaz réclamé par la majorité des Etats membres. Quelques irréductibles, Allemagne en tête, rejettent l’idée, craignant pour la sécurité d’approvisionnement, dans une logique qui voudrait que plafonnement des prix = augmentation de la consommation = mise en péril des réserves constituées.

C’est donc là que se situe l’urgence: évaluer ce risque, examiner les autres solutions. Pour enfin agir sur le mécanisme de fixation des prix du gaz et de l’électricité. Sur le facteur déterminant de la facture. Pas sur sa dernière ligne. Sinon, on peut aussi continuer à creuser les déficits publics, à grappiller de l’argent à gauche et à droite pour colmater les brèches les plus urgentes. Tout en sachant pertinemment que ça ne suffira pas.

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