Crise bancaire, investissements, taux d’intérêt : toutes les réponses à vos questions

Nathan Scheirlinckx
Nathan Scheirlinckx Journaliste au Vif

Depuis plusieurs semaines, des faillites bancaires secouent les marchés financiers. Avec quelles conséquences pour vos investissements ? Bernard Keppenne, Chief economist chez CBC Banque et Assurance, a répondu à vos interrogations en direct.

Assisterons-nous à une nouvelle crise bancaire, comme en 2008 ? Bernard Keppenne, Chief economist chez CBC Banque et Assurance, a répondu à vos questions en direct, entre 12h et 13h.

Question de Mélanie : « Comment expliquer cette panique bancaire, alors que tous les experts insistent sur le fait qu’il ne faut pas paniquer et que la situation n’est pas comparable à celle de 2008?« 

Il y a deux problèmes différents. La situation des banques aux Etats-Unis qui n’était pas contrôlée suite à la déréglementation sous l’ère de Trump en 2018. Et d’autre part, le cas particulier du Credit Suisse dont les difficultés étaient connues depuis un certain temps déjà. La remontée brutale des taux d’intérêt a fragilisé en particulier les banques américaines, qui avaient un modèle très simpliste de dépôts qui étaient « couverts » par des obligations d’Etat.

Il y a plusieurs différences avec 2008. D’abord les règles de l’accord de Bâle III qui sont imposées aux banques, avec des contraintes en terme de ratio de liquidités beaucoup plus exigeant que par le passé. Deuxièmement, le modèle des banques régionales aux USA tel que décrit au-dessus, qui n’était pas contrôlé en-dessous des 250 milliards de dollars de bilan. Cela est spécifique aux Etats-Unis. Troisième point : les banques systémiques en Europe sont toutes contrôlées par la Banque centrale européenne. Et quatrièmement, Credit Suisse est un problème suisse, pour faire simple.

Question de Bénédicte: Comment la confiance a pris une telle importance aux yeux des marchés financiers ?

Vu la rapidité avec laquelle aujourd’hui les sorties de fonds peuvent se faire, la confiance est devenue l’élément essentiel dans le secteur financier. Par la mise en place des pare-feux, les organes de contrôle ont assuré rapidement cette confiance qui a permis de connaitre des tensions sur les marchés de courte durée. On connait l’importance de la confiance car elle met du temps à être acquise et peut se perdre très rapidement.

Question d’Olivier: Les gardes-fou mis en place en 2008 ont-ils été respectés?

Les autorités de contrôle ont appris de la crise de 2008 en ne laissant pas les déposants pénalisés par les faillites d’une banque, pour le cas des Etats-Unis. Et pour la Suisse en agissant de façon concertée pour éviter la faillite du Credit Suisse. En Europe, les organes de contrôle ont simplement rappelé les règles existantes. Autrement dit, aucune intervention de la Banque centrale européenne et aucun besoin de devoir injecter des liquidités n’a été entrepris.

Question de Baudouin: Faut-il s’inquiéter de la situation actuelle des banques ? Une crise semblable à 2008 est possible ?

La situation actuelle est plutôt rassurante. Les organes de contrôle ont tiré les leçons de la crise de 2008. Les mesures ont été prises de manière rapide et efficace. Il y a aujourd’hui une certaine maturité des marchés, qui ont vite retrouvé une normalité et n’ont pas aggravé la situation. Ensuite, on n’est pas dans le contexte des subprimes comme en 2008, où les produits structurés des banques étaient concernés. Ici on a des acteurs qui ont failli, mais de façon très locale et limitée. Je vois beaucoup d’éléments rassurants pour le moment. Et la preuve que ça a été bien géré, les banques centrales n’ont pas hésité à relever les taux d’intérêt. Cela montre bien qu’on n’est pas face à une crise majeure.

Question de Nathalie: Est-ce que les banques belges sont assez solides pour vivre une nouvelle crise?

La réponse est oui, car elles sont contrôlées par la Banque centrale européenne. Leurs ratios de liquidités sont excellents et même supérieurs à la moyenne européenne. Il ne faut pas oublier qu’il ne reste que deux banques systémiques en Blegique, à savoir KBC et Belfius. Autrement dit, ING et BNP Paribas n’en font pas partie, même si elles sont d’origine belge. Pour rappel, une banque systémique est une banque qui par sa taille et/ou son activité pourrait mettre en péril l’ensemble du système financier ou d’autres acteurs majeurs.

Question de Nadine: Concrètement, quelles conséquences peut avoir cette crise bancaire actuelle pour Monsieur et Madame tout le monde ?

Je peux très bien comprendre l’inquiétude étant donné le souvenir douloureux qu’a laissé la crise financière de 2008. Mais aujourd’hui, nous ne sommes pas dans une crise financière. La panique a été contenue et maitrisée. Cependant, on ne peut pas exclure que cette petite tension n’incite pas les banques à réduire un petit peu les crédits aux ménages et aux entreprises. Mais clairement, ça ne modifie pas les intentions d’épargne en Belgique, ce qui prouve la solidité de notre système.

Question de Jallo: S’il y a une crise, qui sera indemnisé? Qui ne le sera pas? Jusqu’à qu’à montant?

En Europe, des nouvelles règles sont d’application depuis la crise de 2008 en cas de faillite d’une banque. Le principe de base est clairement qu’un Etat ne peut plus intervenir et utiliser l’argent des contribuables pour sauver les banques. Pour couvrir la faillite de la banque, on va donc solliciter les actionnaires en premier lieu. Il ne faut pas oublier que détenir une action présente toujours le risque de défaut de l’émetteur et donc d’avoir le risque de perdre la totalité de son investissement. Si le montant des actionnaires n’est pas suffisant, on va solliciter alors les détenteurs des obligations de la banque en question (tous les types d’obligations). Si le montant n’est toujours pas suffisant, on pourrait alors solliciter les déposants pour les montants excédant les 100.000 euros (rappelons qu’il y a une garantie pour les dépôts d’un tel montant en Europe). Et si nécessaire, il y a encore un fonds européen alimenté par les banques qui pourra intervenir en raison d’un certain pourcentage.

Question de Ibadete: Que deviendra mon crédit hypothécaire si ma banque fait faillite ?

Si on est dans le cas du Credit Suisse, racheté par une autre banque, les crédits sont repris par cette dernière et continuent à courir tout à fait normalement. En cas de non-reprise de la banque, on pourrait avoir le curateur qui demande le remboursement des crédits. C’est une hypothèse peu réaliste vu tous les pare-feux mis en place par les autorités de contrôle aujourd’hui.

Question de Laurent: Les taux vont-ils augmenter ?

Compte tenu de l’inflation sous-jacente dans la zone européenne qui continue de progresser, la BCE devrait encore augmenter ses taux de deux fois 0.25% d’ici la fin de l’été. Concernant les Etats-Unis, il y aura encore probablement une hausse de taux de 0.25% au mois de mai. La suite dépendra de la situation économique mais à priori les taux devraient rester inchangés aussi bien en Europe qu’aux Etats-Unis, jusqu’à la fin de l’année.

Question d’Olivia: Que financent réellement nos investissements ? Y a-t-il un devoir de transparence de la part des banques, ou peuvent elles nous faire croire qu’elles financent des projets « verts » alors qu’elles financent l’industrie fossile ?

Il y a un devoir de transparence de la part des banques, étant donné qu’elles ont pris un certain nombre d’engagements de ne plus financer certains secteurs. Comme par exemple le charbon, les armes et la pornographie. Je précise bien que ça concerne toujours la situation européenne. Les banques sont contrôlées par la Banque centrale européenne, qui vérifie les encours par rapport aux engagements des banques. Lorsqu’une banque émet un emprunt vert, elle doit définir de façon très précise les projets qui seront financés avec ce dernier. En plus de cela, les banques émettent des rapports de sustainability dans lequels elles définissent très précisément leurs engagements, leurs projets et ce qu’elles font pour réduire leur part des investissements, et notamment dans les énergies fossiles. Ces rapports sont publics et accessibles très facilement sur les sites des banques.

Question d’Elya: J’aimerais acquérir de l’or vu que j’ai un peu d’épargne, pour pouvoir mettre de côté, au cas où. Comment m’y prendre ?

Rappelons que l’or est aussi fluctuant que n’importe quel autre actif financier. Mais il ne rapporte aucun intérêt et représente des coûts en terme de transaction et de détention, qui rendent cet investissement peu attractif. Cela doit s’envisager uniquement comme un complément d’un investissement plus général (actions, obligations, liquidités).

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