La chaîne mène la vie dure à ses concurrents Trafic, Blokker et autres Flying Tiger. © belga image

6,8 milliards de chiffre d’affaires : comment les magasins Action se sont imposés en Belgique

Laurence Van Ruymbeke
Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

A la tête de plus de deux cents magasins en Belgique, la chaîne low cost séduit toujours plus de consommateurs. En cause: un pouvoir d’achat au régime. Et une stratégie rodée, très efficace.

De l’adoucissant Soupline framboises et fleurs (2,99 euros)? Une boîte de 24 marqueurs (2,99 euros)? Une scie à main (3,79 euros)? Un phare pour vélo (2,99 euros, pile incluse)? Un Bouddha de jardin, avec éclairage solaire (6,95 euros)?

– Mamaaaaaaaaaaan, je veux des chiiiiiiiips!

Ça tombe bien: il y en a aussi, ici. A 0,99 euros. Il est 9h30 à peine dans cette boutique Action de Schaerbeek et aucune des allées n’est vide en ce mitan de mois de juillet. Des familles y déambulent, des pensionnés, des gens pressés. Certains ont glissé dans leur caddy qui une manne à linge en osier, qui une pelle en plastique pour les vacances à la plage, qui du dentifrice. On entend des portables sonner. Au dehors, les places de stationnement sont déjà largement occupées, par des voitures de tout style et de toutes marques.

En chiffres

• Chiffre d’affaires: 6,83 milliards d’euros en 2021 (5,56 milliards en 2020).

• Bénéfice brut: 828 millions d’euros en 2021 (609 millions en 2020).

• Ouverture du premier magasin en Belgique: 2005.

• Nombre de magasins en Belgique en 2022: 207.

• Nombre de salariés en Belgique: 5 000 environ.

• Nombre d’implantations en Europe: 2 071.

• Nombre de salariés en Europe: 68 000.

– Je suis devant les paniers en métal, dit une voix mâle qui parle à une autre, sortie d’un portable branché sur haut-parleur. Il y en a seize, à 4,98 euros. Je te les prends?

– Oui, ce sera parfait pour le magasin, répond la voix à distance.

L’homme s’empare aussitôt des corbeilles, ravi, et se précipite vers les caisses. A cette heure-ci, deux sont ouvertes et les clients piétinent. Dans la file, on entend parler toutes les langues.

– Un renfort caisse est demandé pour la caisse 4.

Aussitôt, les mines se détendent et les files se décomposent pour mieux se recomposer. Ainsi va la vie dans l’une des deux cents boutiques Action que compte le pays. Une enseigne aux lettres bleues qui voit la vie en rose: l’évolution de son chiffre d’affaires en témoigne. Malgré un contexte économique compliqué. Et un pouvoir d’achat en berne.

Embellir la vie aussi

C’est précisément la clé du succès d’Action. Le slogan de cette chaîne d’origine néerlandaise est limpide: «Petits prix, grands sourires.» Sur les six mille références présentes en magasin, 1 500 sont vendues à moins d’un euro. Le prix moyen de l’assortiment ne dépasse pas deux euros. Nombreux sont les clients qui s’y rendent d’abord pour des raisons économiques et pour des achats de base, comme du papier toilette ou du liquide vaisselle, pour lesquels ils souhaitent dépenser le moins possible. Pour autant, Action ne joue pas la carte du misérabilisme en matière de positionnement. L’enseigne tend plutôt à proposer à tous les clients des objets, même dispensables, qui permettent d’embellir la vie sans se ruiner. Soucieuse de séduire sa clientèle bigarrée, la chaîne garnit chaque semaine ses rayons de 150 nouveaux produits, répartis en quatorze catégories permanentes: bricolage, papeterie, jouets, produits d’hygiène et de beauté, produits d’entretien, jardin, alimentation, multimédia, décoration, animaux de compagnie…

L’enseigne mise beaucoup sur le fun shopping. Les consommateurs vont parfois y flâner, sans idée précise d’achat.

Résultat: le consommateur qui n’imaginait pas tomber sur cette magnifique tapette à mouches, ce sèche-cheveux ou cette bougie au parfum irrésistible y succombe rapidement. «Action mise beaucoup sur le fun shopping, confirme Martijn Martens, analyste chez Gondola. Les consommateurs vont parfois y flâner, sans idée précise d’achat.» Certains parents s’y rendent d’ailleurs avec leurs enfants, enchantés du billet de 5 euros reçu pour acheter «ce qu’ils veulent». «Ce sont clairement des visites plaisir, précise Myriam Blanpain, administratrice-déléguée de AddRetail, qui débouchent sur des achats d’impulsion.» D’autant que l’enseigne modifie sans cesse son offre en fonction des saisons et des envies du client. En revanche, elle ne mise pas sur la production locale: l’approvisionnement, généraliste, est le même partout.

Le bouche-à-oreille est efficace. Dès que la chaîne ouvre une nouvelle boutique, les consommateurs s’y présentent en masse.

Ce qui lui permet d’écraser ses prix. Car Action achète en très grosse quantité des produits qu’elle revend dans tous les pays où elle s’active. Elle obtient ainsi des prix d’achat particulièrement intéressants. Quelque 50% des articles proposés proviennent d’Asie et autant d’Europe. «L’enseigne affiche ses efforts en matière environnementale, en proposant à l’achat des produits labellisés», détaille Martijn Martens. Ce qui peut paraître peu cohérent sur le plan écologique puisqu’elle mise par ailleurs sur des achats impulsifs, non nécessaires. Action vend des produits de grandes marques, notamment en hygiène, santé et alimentation, des marques propres et d’autres, peu connues. «Si vous avez besoin de décorations de Noël, peu vous importe la marque, relève Myriam Blanpain. Regardez le nombre de gens qui vont se fournir là au moment des fêtes!»

Les magasins s’implantent de plus en plus au cœur des centres commerciaux, notamment dans les grandes villes.
Les magasins s’implantent de plus en plus au cœur des centres commerciaux, notamment dans les grandes villes. © belga image

Action veut entrer dans les centres-villes

Les implantations des magasins Action – toujours d’une superficie d’environ 1 000 m2 – sont choisies de manière à garder les coûts fixes sous contrôle. Longtemps situées dans des zonings commerciaux, en bordure de ville, elles doivent obligatoirement présenter des facilités de stationnement. Aujourd’hui, les magasins s’implantent de plus en plus au cœur des centres commerciaux, notamment dans les grandes villes. C’est d’ailleurs là que le groupe espère poursuivre son développement en Belgique. Il compte ainsi, à terme, disposer d’implantations dans chacune des communes bruxelloises.

Contrairement à la tendance observée depuis la première vague de Covid, Action n’a pas opté pour la vente en ligne. Mais son catalogue, régulièrement renouvelé, est consultable sur la toile. La notoriété de l’enseigne ne semble pas en souffrir. «Gérer une boutique en ligne a un coût, souligne Myriam Blanpain. Or, Action n’aurait aucun intérêt à devoir vendre ses produits plus cher. La chaîne mise plutôt sur le fait qu’une fois dans le magasin, les consommateurs achèteront plus que prévu.» Et cela fonctionne. Car les clients, notamment ceux qui sont attentifs à leurs dépenses en carburant, ont tendance à rentabiliser leur présence sur place en faisant des courses plus volumineuses. «Le succès d’Action montre combien le bouche-à-oreille est efficace. Dès que la chaîne ouvre une nouvelle boutique, les consommateurs s’y présentent en masse», remarque Myriam Blanpain.

Le fonds d’investissement britannique 3i, actionnaire majoritaire d’Action depuis 2011, se frotte les mains. L’enseigne lui a, à ce jour, rapporté 2,8 milliards d’euros de dividendes. On est loin de la petite boutique ouverte en 1993 à Enkhuizen, dans le nord des Pays-Bas. Trente ans plus tard, la chaîne mène la vie dure à ses concurrents que sont Trafic, Blokker et autre Flying Tiger. «Avec le recul du pouvoir d’achat actuel, Action va encore prospérer», pronostique Martijn Martens. Ses ventes avaient déjà augmenté de 11% entre 2020 et 2021… «Petits prix, grands sourires.»

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