Le Dracula d’Yngvild Aspeli se concentre sur Lucy, une des premières victimes du vampire à son arrivée en Angleterre. © Christophe Raynaud de Lage

Le Dracula de la compagnie Plexus Polaire: ni vivant ni mort

Estelle Spoto
Estelle Spoto Journaliste

Parmi les innombrables adaptations du roman de Bram Stoker, le Dracula de la compagnie Plexus Polaire tire le meilleur avantage de la marionnette en tant que créature à la fois vivante et inanimée. A voir au 140.

«Pourquoi la marionnette? La vraie question est: pourquoi pas la marionnette? , répond du tac au tac la metteuse en scène Yngvild Aspeli quand on l’interroge sur les motivations de son mode d’expression scénique préféré, auquel elle s’est formée à l’Ecole nationale supérieure de Charleville-Mézières (Esnam) et dont elle use avec intelligence dans son Dracula, à voir prochainement à Bruxelles. La marionnette peut prendre de nombreuses formes et utiliser de multiples techniques, mais elle permet toujours de se placer comme hors de soi-même, d’ouvrir une autre perspective.»

Le mythe de Dracula ouvre un petit espace de doute qui suffit à nourrir nos peurs.

Avec ses marionnettes à taille humaine dont les manipulateurs sont parfois dissimulés dans l’ombre et parfois visibles tout en endossant certains personnages ou en en créant des doubles, ce Dracula, adapté de l’immortel roman de Bram Stoker (1897), sème le trouble. Qui est humain et qui ne l’est pas? Qui manipule qui? Où est la frontière entre le réel et l’imagination? Entre la raison et la folie? Autant de questions qui collent parfaitement au sujet de cette adaptation: le comte Dracula, ni mort ni vivant, aussi séduisant que terrifiant. «Je trouvais que c’était très approprié parce qu’avec la marionnette, on sait que ce n’est pas vrai, mais on choisit quand même d’y croire, poursuit la metteuse en scène norvégienne, installée en France. Le mythe de Dracula a ce même genre de pouvoir: il ouvre un petit espace de doute qui nous fait penser que c’est peut-être vrai, et qui suffit à nourrir nos peurs.»

Outre le changement de regard généré par ses marionnettes évoluant dans une ambiance néogothique marquée de quelques touches contemporaines, ce Dracula déplace également le point de vue en choisissant de se concentrer sur un des rares personnages féminins du récit de Stoker: Lucy, une des premières victimes du vampire quand il arrive en Angleterre. Un changement de focale certainement pas innocent à l’ère post-MeToo, dans une histoire où la morsure du monstre, qui à la fois attire et effraie, se lit sans mal comme une métaphore de la découverte de la sexualité. «Même dans le roman de Stoker, on voit finalement très peu Dracula, précise Yngvild Aspeli. On le voit toujours par les yeux de quelqu’un d’autre. C’est une figure qui reste insaisissable, et c’est cela qui fait sa force, son mystère.»

Dracula, au 140, à Bruxelles, les 9 et 10 février.

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