Ozark Henry
Piet Goddaer, alias Ozark Henry, aussi élégant que la réédition de son album Birthmarks. © Philippe Cornet

Ozark Henry réédite son album Birthmarks, sorti il y a plus de vingt ans

Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Inspiré par la perte de sa mère, Birthmarks, troisième album d’Ozark Henry, paraît en 2001, le jour des attentats sur les tours jumelles du World Trace Center. Il est aujourd’hui réédité en un double vinyle avec bonus. Epanoui, comme son auteur.

Ozark Henry n’a pas changé. A 52 ans, toujours un rien fashion victim et d’une gentillesse débonnaire, Piet Goddaer (son nom à la ville) affiche toujours sa belle gueule finement nuancée. Comme sa musique archimélodique qui tente d’autres pistes, moins conviviales. Celles qui confèrent une personnalité à son porteur. Pour le reste, Piet est content. Fier, on le pense, d’avoir convaincu Sony Music de rééditer son album de 2001 dans un très beau double 33 tours en vinyle blanc transparent (1), à une époque où le pressage doit vaincre l’embouteillage des usines alors que le coût des matières plastiques flambe. La version CD devrait suivre. «Au départ, évoque le Courtraisien, le projet était attaché à la série Rewind proposée aux artistes par l’ Ancienne Belgique. Il s’agissait de réinterpréter sur scène l’un de nos albums classiques.» C’était il y a à peu près quatre ans. Covid faisant, le concert n’aura finalement lieu qu’au printemps 2023. Ultime date d’une tournée qui, d’ici là, passera par une trentaine de salles, y compris francophones.

Tout semble perdre un peu de son identité. Désormais, l’image bouffe tout. Le contenu, on s’en fout.

«En fait, j’ai débuté en live en Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB). A la sortie de mon premier album, en 1996, j’ai sollicité une salle près de chez moi – le Limelight, à Courtrai – mais on m’a répondu que le disque était un rien trop bizarre… On m’a alors parlé du Botanique, qui m’a accueilli avec enthousiasme.» Un quart de siècle plus tard, Ozark/Piet reste, avec dEUS et Daan, l’un des Flamands rock qui ont tissé un vrai lien sentimental, voire charnel, avec la FWB. D’ailleurs, en Flandre, Birthmarks a longtemps été considéré comme le premier album du chanteur, alors qu’il en avait déjà sorti deux sur le label indépendant Double T. Souvenir indie doux-amer. «Ce disque était une façon de rendre hommage avec amour à ma mère, emportée par un cancer de la peau.»

Birthmarks, double vinyle, chez Sony Music.
Birthmarks, double vinyle, chez Sony Music. © National

Mieux qu’Oasis et Blur

Alors que David Bowie, excusez du peu, lui fait savoir qu’il aime sa musique, Ozark Henry vit un événement surprenant: «Sur mon second LP, This Last Warm Solitude, la chanson Summer Junkie, pas vraiment radiophonique, décroche la première place du Tip Sheet, le classement des radios anglaises, devant Oasis et Blur.» Prémices habituelles de ce qui doit logiquement devenir un hit commercial, sauf que le label belge d’Ozark, Double T, fait faillite. Ses rêves anglais partent en fumée. Piet porte malgré tout aujourd’hui un regard philosophe sur cet épisode: «J’aurais pu rencontrer le succès au Royaume-Uni, c’est vrai. Ça n’a pas eu lieu mais d’autres pays, comme les Pays-Bas ou l’Italie, ont accueilli ma musique. Du côté de Rome, j’ai eu un top 40 avec I’m Your Sacrifice et puis, il y a eu ce duo avec la chanteuse Elisa qui a bien fonctionné sur We Are Incurable Romantics. L’album Stay Gold a dû se vendre à 60 000 exemplaires en Italie, un pays qui aime les choses bien faites.» Ozark Henry reste bien l’un des plus gros vendeurs de rock belge au fil des ans, Piet précisant que son plus beau chiffre de vente d’albums, « se situe entre 150 000 et 200 000 copies».

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Les deux décennies qui séparent les deux sorties de Birthmarks mettent en avant le talent insulaire du Courtraisien et ses chansons qui glissent facilement dans l’oreille grâce à sa voix princière et des bilboquets mélodiques, à l’image de Word Up, Rescue ou Sweet Instigator. A l’album original, la chic réédition ajoute des remixes, deux live et une nouvelle version de SweetInstigator, partagée avec l’actrice et chanteuse néerlandaise Ellen ten Damme.

Grandir encore

Quant au reste, face aux changements et traumas de l’industrie du disque des quinze, vingt dernières années, Piet reste lucide: «Auparavant, tu pouvais gagner ta vie en étant juste auteur ou compositeur. C’était la recette du répertoire d’Elvis ou de la Tamla Motown. Aujourd’hui, tout le monde se considère comme auteur-compositeur, mais non! Parce qu’on est dans la logique (? ) d’une industrie qui ne gagne plus systématiquement de l’argent avec les disques, elle essaie donc de trouver d’autres moyens d’y parvenir.. Comme prendre une partie des cachets de l’artiste ou de son merchandising, ce qui entraîne aussi une baisse, une banalisation, de la qualité. Tout semble perdre un peu de son identité. Désormais, l’image bouffe tout. Le contenu, on s’en fout. Personnellement, j’ai l’impression d’encore grandir artistiquement, de ne pas avoir atteint mon “plateau”…» C’est sûr, pour Ozark Henry, la série continue.

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