Les membres de Modul, lors de leur dernière mise au vert. © DR

Modul, collectif d’accompagnement de spectacles

Elles étaient deux. Ils sont six. La structure est clairement mouvante. «Non, modulable!», précise Meryl Moens, coordinatrice de Modul. Un collectif autogouverné d’accompagnement de spectacles.

C’est l’histoire de deux filles qui comprennent un manque. Celui, patent, de la production de spectacles. C’est aussi l’histoire d’une envie. Celle de mettre en lumière les métiers de l’ ombre, nécessaires pour qu’un spectacle advienne.

Nous rencontrons deux membres de Modul, structure qui porte des spectacles, actuellement en tournée ou récemment (Home, Piletta Remix, Angles morts…), un vendredi d’automne rougeoyant dans leurs nouveaux locaux, «sous le grand arbre du parc Jacques Brel», comme nous l’avait indiqué Anne Festraets. Dans une ancienne chocolaterie sur les hauteurs de la commune de Forest, en réalité. A l’ombre de l’arbre, Meryl Moens, coordinatrice générale du collectif, évoque Modul comme un arbre à palabres – «un lieu mouvant, de partage de paroles et de ressentis, de supports de différents ordres, psychologiques autant que techniques, dans lequel on injecte à la fois des éléments concrets et des choses plus philosophiques». «Il existe une image archétypale de la production, poursuit-elle. Mais ce terme se retrouve autant dans l’entrepreneuriat qu’à l’usine. Ce qui nous a amenées à nous poser la question: qu’est-ce que la production, le productivisme?»

Dans la production de spectacles, il faut se poser la question du rapport au temps et à l’argent public.

Quand elle dit «nous», Meryl Moens parle des débuts de Modul, lorsqu’elles étaient deux, elle et une amie et collègue, sur la création de spectacles, petits et plus gros, toutes deux aux fers avec des problématiques de production, ordinateur sur les genoux, dans les coulisses ou les salles qui les accueillaient. De là, elles bricolaient, cogitaient, essayaient de comprendre comme elles pouvaient, tentaient de fluidifier les choses à l’instinct. Elles se posaient la question du temps, du rapport au temps. Donc, à l’argent. «Parce qu’il faut, dans la production de spectacles, se poser cette question temporelle, et du rapport à l’argent public», insiste-t-elle. Et défendre l’improduction: Modul a d’ailleurs écrit un manifeste sur le sujet, à ses débuts, de façon volontairement ironique. Parce que se poser cette question de l’improduction, c’est aborder les questions de la contradiction de l’art vivant, productivité contre temps long de création et donc, improductivité financière relative. «C’est la spécificité des arts de la scène, s’écrient en chœur Anne et Meryl. Tu lèves des fonds sur une utopie, pour quelque chose de fugace.»

Les Oiseaux Rares, fiction documentaire de Anne Festraets, donne la parole aux jeunes migrants. Lauréat du Label Impact 2023.
Les Oiseaux Rares, fiction documentaire de Anne Festraets, donne la parole aux jeunes migrants. Lauréat du Label Impact 2023. © MARGOT BRIAND

Fondements humains

Celles et ceux qui structurent Modul ne sont pas pour autant de doux utopistes. Meryl Moens a travaillé, à sa sortie de l’Insas, au projet Mons 2015, puis au Manège où elle a baigné dans la politique culturelle, compris les rouages de la production, des essentiels techniques autant qu’humains pour qu’un spectacle fonctionne. Ça forge une femme, et particulièrement une femme de théâtre.

Très vite après avoir tâtonné en coulisses, et posé les bases de Modul (en 2015-2016), elle rencontre Anne Festraets. Anne, c’est la tête bien faite – études en musicologie et arts des spectacles – et les mains dans le cambouis, sous le capot des compagnies et des vies – dramaturgies diverses, accompagnements techniques et logistiques, puis passage à Fedasil, le tout accompagné d’un sens artistique qu’elle développe depuis peu dans son projet personnel, Les Oiseaux rares, colibri sensible qui rend la parole aux Mena (les mineurs étrangers non accompagnés), comme ceux qu’elle a rencontrés dans son travail avec les migrants.

Puis la structure s’est développée. Michel Van Slijpe en est, depuis 2018, le coordinateur financier. Celui qui «fait parler un tableau Excel comme on parle de Koltès», dixit Meryl, a aussi à cœur d’accompagner concrètement les plus jeunes et s’occupe, notamment, du pôle «formations aux productions». Citons encore Sasha Lampole, ancienne productrice du Cabaret Mademoiselle, Olmo Missaglia, créateur sonore pour Home de Magrit Coulon, metteur en scène d’Una Foresta, logisticien technique, et Sara Amari, artiste performeuse circassienne.

Una foresta de Olmo Missaglia, a été créé à la Biennale de Venise cet été.
Una foresta de Olmo Missaglia, a été créé à la Biennale de Venise cet été. © MARGOT BRIAND

Couteau suisse

Les décrire toutes et tous, c’est dire Modul: un ensemble de personnes aux chemins multiples, artistes et/ou producteurs et/ou dramaturges et/ou amoureux de spectacles. Chez Modul, pas de casquette, mais des affinités. Et une transversalité voulue. Les choses sont décidées en groupe, chaque projet que le collectif, ou une personne du collectif, souhaite accompagner (souvent par affinité élective) est compris, débattu, accueilli en commun, lors de longues «réunions-palabres». La structure permet au spectacle accompagné et à sa productrice ou son producteur désigné l’accès à une boîte à outils transparente, soit un ensemble de documents administratifs (contrat-type de cession de droit, contrat-type d’artiste pour tel pays, etc.), d’objets logistiques et techniques (décors, camionnette partagée pour mutualiser les coûts financiers et écologiques des déplacements, connaissances de régie…) ou un «chat» qui relate pas après pas les étapes d’un projet en formation/production/voyage.

Modul est un rêve né d’un besoin concret de mutualiser des forces en présence et de comprendre les besoins parfois flous d’un secteur multiple par ses intervenants, ses impératifs, ses formats. Quand nous avons quitté Anne et Meryl, elles se remettaient, sous l’arbre à palabres, à cogiter pour le dossier de contrat-programme.

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