SE SOUVENIR DE LA GRANDE GUERRE

Les sociétés n’ont jamais autant commémoré. Le 50e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale a certes constitué un tournant mais c’était sans compter la vague du centenaire de la Grande Guerre.

Longtemps négligée par le calendrier commé-moratif et la recherche, la Grande Guerre a opéré un singulier retour à la faveur de l’effondrement du communisme et de la guerre en ex-Yougoslavie. Un peu partout, chercheurs et sociétés ont investi le terrain. De nouveaux musées ont vu le jour, de nouvelles contributions ont été publiées alors que dans le même temps disparaissaient les derniers témoins. En 2008, le 90e anniversaire témoignait déjà de ce dynamisme. Mais on était loin de la déferlante qui allait se déployer à partir de 2014. Le phénomène est international même si toutes les sociétés chamboulées par la guerre ne s’y sont pas investies de la même manière. Néanmoins, aujourd’hui, quatre ans plus tard, peu de pays y ont totalement échappé.

UN OBSERVATOIRE DU FÉDÉRALISME BELGE

Dans le contexte belge, ces commémorations ont été multiples, du local à l’international, du culturel au politique, du témoignage aux productions scientifiques. Fédéralisme oblige, les instances en charge de ces commémorations ont, elles aussi, été multiples. A certains égards, on peut parler d’une concurrence entre les entités fédérées ; dans cette optique, on peut d’ailleurs considérer les commémorations comme un excellent observatoire du fonctionnement du fédéralisme à la belge.

Pour la Flandre, l’investissement a débuté très tôt. Les premières réflexions remontent à 2006. La Fédération Wallonie-Bruxelles lui a ensuite emboîté le pas. Pour la Flandre, l’importance des commémorations était à la fois politique – inscrire la Flandre sur le plan international – mais aussi et surtout économique – attirer un maximum de visiteurs par le biais du tourisme de mémoire. Sans surprise, c’est donc avant tout l’expérience (multiculturelle) du front qui a été mise en évidence.

En Belgique francophone, on s’est plutôt concentré sur l’expérience nationale d’une société occupée. La Région bruxelloise a voulu valoriser l’expérience de la capitale, plus grande ville occupée sur le front occidental. Le pouvoir fédéral a été le moins généreux : les moyens alloués étaient faibles. Il a surtout insisté sur son rôle de coordination et a finalement joué un rôle de premier plan, en 2014, dans les deux grandes cérémonies du 4 août en Wallonie et du 28 octobre en Flandre. Quant à la Communauté germanophone, difficile pour elle de s’investir dans cet événement puisque son territoire n’était pas encore belge.

Sans surprise, les commémorations ont explosé en 2014. Un peu partout, on s’est souvenu des circonstances de l’entrée en guerre et intéressé aux premiers mois de l’occupation. Certaines manifestations se sont même apparentées à des formes de reenactment, telles la reconstruction du pont flottant sur l’Escaut qui, en octobre 1914, avait permis aux civils de fuir vers les Pays-Bas ou encore le Front de lumière qui s’est déployé tout au long de la zone de front, de Nieu-port à Ploegsteert.

Le foisonnement de 2014 s’est fort logiquement quelque peu essoufflé. L’actualité politique et l’impact des attentats y ont indirectement contribué. Mais, au-delà, il est évident que les sociétés ne pouvaient en permanence vivre sous un régime commémoratif aussi intense. Les sociétés, comme les responsables politiques, aiment les symboles, les événements clé, les dates symboliques. Il est manifeste qu’une nouvelle vague se concentre sur la fin de la guerre et la difficile construction de la paix. Le 11 novembre 2018 fera certainement date. Jamais encore les sociétés n’auront commémoré avec autant de faste cet anniversaire.

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