En 1997, Daniel Cardon de Lichtbuer devient le premier président du CA de Child Focus. © Belga

Le 31 mars 1998, les débuts tendus de Child Focus

En Belgique, c’est une institution. Connue de tous, jouissant d’une excellente réputation, Child Focus a les parfaits atours du chevalier blanc. Au service des disparus, aux côtés de leurs proches, la fondation lutte contre les abus et dénonce leurs auteurs. Elle forme, informe, soutient, prévient. Mais il n’en a pas toujours été ainsi. Child Focus est née dans un contexte de crise. A dû lutter pour s’imposer. A été largement contestée. On aurait tendance à l’oublier, mais ses débuts furent très compliqués.

Tout commence par un traumatisme. En août 1996, Marc Dutroux est arrêté. Deux mois plus tard, 300 000 citoyens s’unissent en une formidable  » marche blanche « . Silencieusement, ils disent leur peur, clament leur détresse, expriment leur désir de changement. L’événement est le symptôme d’une société qui se fendille en même temps qu’il vient contester le poids des autorités traditionnelles. Le Premier ministre Jean-Luc Dehaene est mal pris : s’il n’est pas le mieux placé pour intervenir, il se doit pourtant de réagir.

Il faut créer du neuf, avec des hommes nouveaux. A Washington, un Center for Missing and Exploited Children existe. Il servira de modèle. Jean-Luc Dehaene s’adresse à Daniel Cardon de Lichtbuer, ex-patron de la BBL. Lui offrant une subvention de 40 millions de francs, il lui confie aussi la tâche de mettre sur pied une structure belge. Pour compléter son enveloppe, l’ancien banquier s’en va frapper à la porte des grosses sociétés. Avec l’aide de parents de victimes et d’experts, il construit vaillamment sa petite entreprise. Le 24 juin 1997, il peut tenir son premier CA. Et c’est le début des problèmes.

Les attaques portent sur trois aspects. La date fixée pour la réunion tout d’abord. Elle correspond au jour du deuxième anniversaire de la disparition de Julie et Mélissa. Beau symbole ? Pour certains parents, c’est plutôt une injustifiable récupération ! La figure de Cardon ensuite. On lui reproche ses liens avec la finance, son ancrage dans l’establishment, son positionnement idéologique. Au journal télévisé de la RTBF, François De Brigode en vient même à l’interroger sur son éventuelle appartenance à l’Opus Dei ! Troisième difficulté pour la fondation : trouver sa place sur un terrain déjà très occupé – voire miné. Constitués par des familles de victimes, divers associations et comités blancs existent déjà. Ils voient dans l’organe à naître une entité technocratique et une rivale. Le cas de Jean-Denis Lejeune deviendra emblématique. Dans un premier temps, le médiatique papa de Julie entend créer une structure alternative. Il change ensuite d’avis, et finit par rejoindre Child Focus. Mais en 2005, il quittera l’organisation dans un contexte difficile.

Le 31 mars 1998, sous le statut de fondation d’utilité publique, Child Focus voit enfin le jour. La machine est lancée. En six mois, plus de 400 dossiers sont ouverts. En mars 1999, la presse salue  » une  » créature  » gouvernementale qui a gagné son indépendance et prouvé son utilité. En 2008, la même presse souligne que le centre, pour ses dix ans,  » fait désormais partie des institutions de notre pays « .

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