José Happart lors d'un discours dans les Fourons, en mars 1979. © PAUL-HENRY VERSELE/PHOTO NEWS

Le 22 mai 1979, le jour où José Happart piégea le roi Baudouin

Les Fourons ? C’est du poison. Le dossier-piège par excellence. Le panneau dans lequel plusieurs gouvernements tomberont. Le terreau dans lequel seront plantés bien des actes de violence. Le symbole d’une Belgique paralysée et coupée en deux. C’est aussi sur le dossier des Fourons que le roi Baudouin commettra l’une des plus grosses gaffes de son règne. Le 22 mai 1979, il accepte de rencontrer José Happart, le héros des Wallons locaux. Il provoque alors une incroyable colère en Flandre. Aujourd’hui, la question se pose encore : comment donc le souverain a-t-il pu ainsi se laisser piéger ?

Le contexte est tendu. Le 20 mai, dans les Fourons, une fête flamande dégénère et de violents affrontements ont lieu. Pierres, bâtons, fourches… A en croire la presse, même un chien wallon aurait attaqué un citoyen flamand ! La presse, précisément, ne parvient pas à s’accorder sur l’identité des responsables. Au Nord, on estime que les Wallons ont transformé la fête en champ de bataille. Et on condamne José Happart, dont la seule présence est perçue comme un geste de provocation. Au Sud, par contre, on indique que ce sont les Flamands qui ont commencé – notamment en qualifiant les francophones de  » Franse ratten « … Quoi qu’il en soit, vingt-deux personnes sont arrêtées et cinq francophones sont placés sous mandat d’arrêt.

Deux jours plus tard, le roi Baudouin est en déplacement officiel à Verviers. Au cabinet du roi, on a négocié un accord avec Happart. Le leader fouronnais a promis de ne pas perturber la visite royale ; en échange, il a obtenu de pouvoir remettre le texte d’une pétition au monarque. Sur le bord de l’autoroute A27, à quelques encablures de Verviers, voilà donc que le convoi royal s’arrête. Encadré par des gendarmes, Happart s’avance. La rencontre devait être brève ; elle dure plusieurs minutes. Elle devait aussi rester secrète. Or, au sortir de son entretien, le Fouronnais contacte des journalistes…

Le lendemain, le Premier ministre est interpellé au Parlement. Wilfried Martens tente de relativiser la portée de l’événement, signalant que le roi était couvert par Georges Gramme, ministre de l’Intérieur. Ce faisant, Martens fait porter sur son collègue (originaire de la province de Liège…) la responsabilité de ce qui apparaît déjà comme une bourde capitale. Injuste : Martens ne l’admettra jamais, mais en réalité, il avait lui-même été informé et avait approuvé l’initiative…

Au Nord, la presse est furibarde, estimant que le geste royal est venu empoisonner la gestion du dossier fouronnais. A qui la faute ? A Gramme, évidemment. Mais l’entourage royal est aussi visé. Et particulièrement le chef de cabinet Jean-Marie Piret,  » fransquillon clérical intolérant « . Le cabinet tentera de réparer l’erreur : dès le 24 mai, une rencontre est organisée à Hasselt entre le chef de l’Etat et des Fouronnais flamands.

Mais le mal est fait. Piret est bientôt écarté du cabinet royal. Après 1980, Gramme ne retrouvera plus jamais de poste ministériel. Quant à Baudouin, en Flandre, son image sortira durablement écornée de la séquence.

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