Réunion d'affaires James Jameson, ami de Cecil Rhodes, en négociation avec l'homme d'affaires et marchand d'esclaves Tippo Tip, qui collabora avec Stanley dans ses explorations. © GETTY IMAGES

Des esclaves, de l’ivoire et des armes

A partir de 1850, le trafic d’armes à feu, d’ivoire et d’êtres humains chamboule l’équilibre du pouvoir dans tout le bassin du Congo. Les rois d’hier cèdent la place à de nouvelles dynasties marchandes. Dans un contexte éminemment fluctuant, les nations européennes en profiteront pour explorer et coloniser toute la région.

Les Tchokwés s’imposent dans le sud du Congo

Le Congo que colonisera Léopold II dans les années 1880 prend forme tout au long du XIXe siècle. Le commerce d’ivoire et d’esclaves pénètre de plus en plus profondément dans le bassin du fleuve. Les armes vendues sur place bouleversent les rapports de force locaux et de nouveaux royaumes voient le jour, dont les Tchokwés.

Au début du siècle, les Tchokwés étaient un simple peuple de chasseurs menant une existence nomade dans le Nord-Est de l’actuel Angola. A partir des années 1840, les Tchokwés vendent de plus en plus d’ivoire à des intermédiaires traitant à leur tour avec des sociétés portugaises basées sur la côte Atlantique. Récoltant en outre le caoutchouc dans la forêt, les Tchokwés échangent ces matières premières contre des fusils et de la poudre. En accroissant leur arsenal, ils déploieront la chasse aux éléphants tout en développant considérablement leur puissance militaire jusqu’à s’imposer comme une force incontournable.

La surexploitation finit toutefois par épuiser les ressources de caoutchouc, les défenses d’éléphant se raréfiant simultanément. Les Tchokwés migrent alors vers le nord, longeant les cours du Kwango et du Kasaï à la recherche de nouveaux terrains de chasse et de forêts riches en caoutchouc. Ils atteindront ainsi le puissant royaume de Lunda, régnant depuis le XVIIIe siècle sur le sud des bassins du Kasaï et du Sankuru dans le Congo actuel. Au départ, la venue des Tchokwés est acceptée par les Lundas qui leur permettent de s’adonner à la cueillette et à la chasse moyennant la cession d’une partie de leur ivoire et de leur caoutchouc aux dirigeants locaux.

Avec l’expansion commerciale qui fait gagner le peuple Tchokwé en richesse et en puissance, le rapport de force avec les Lundas tourne à son avantage. Cédant progressivement à ces derniers la chasse et la récolte, les caravaniers tchokwés transportent leurs produits vers la côte et en reviennent chaque fois avec plus d’armes et de munitions. En conséquence, le commerce d’hier est remplacé par des pillages et des demandes d’impôts : pourquoi payer des défenses d’éléphant ou du caoutchouc quand il suffit de s’en emparer par la force ? Les Lundas ne pouvant plus rivaliser avec les Tchokwés et leur arsenal, ceux-ci s’approprient une province après l’autre. Et dans un royaume de plus en plus morcelé, ils parviendront à museler toute opposition en attisant la concurrence interne entre les diffé-rentes factions lundas. Grâce à des alliances avec différents clans, ils se rendent maîtres de vastes parties du royaume lunda, jusqu’à la capitale Musumba.

Raid de trafiquants esclavagistes swahilis (1893) Ce type d'illustration tend à légitimer la colonisation du Congo aux yeux de l'opinion publique européenne. Elle est indispensable pour libérer les peuples autochtones de l'esclavage.
Raid de trafiquants esclavagistes swahilis (1893) Ce type d’illustration tend à légitimer la colonisation du Congo aux yeux de l’opinion publique européenne. Elle est indispensable pour libérer les peuples autochtones de l’esclavage.© CREATIVE COMMONS

Les Nyamwezis et Swahilis colonisent l’Afrique orientale

Dans le puissant royaume de Kazembe, situé dans l’ancienne province du Katanga, le siège du pouvoir était installé entre la rivière Lwapula et le lac Moero. Assujetti au royaume Lunda, le Kazembe versait au roi lunda une taxe annuelle sous forme de produits comme le sel et probablement aussi d’esclaves. Jusqu’aux années 1830, le Kazembe fournit également des esclaves, de l’ivoire et du cuivre aux comptoirs portugais implantés le long du Zambèze à partir de leur colonie du Mozambique, des commerçants bisas servant d’intermédiaires. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, les Kazembes devront faire face, comme les Lundas, à des concurrents étrangers.

Vers 1830, les premiers marchands arabo-swahilis parviennent aux frontières du Kazembe. Ils viennent de très loin, leur territoire d’origine se trouvant à quelque mille trois cents kilomètres de là, sur la côte orientale de l’Afrique où la culture swahilie est née de la rencontre entre les Arabes et les tribus côtières de l’Est. Arrivant par petits groupes, les Swahilis achètent des esclaves et de l’ivoire aux chefs kazembes locaux. Ces produits sont acheminés vers le littoral par des caravanes qui en rapportent d’autres marchandises ainsi que des armes à feu. Leurs comptoirs se muant petit à petit en véritables places fortes, les Swahilis soumettent les chefs l’un après l’autre après avoir bénéficié de leur hospitalité. Développant ainsi leur pouvoir politique, les Swahilis domineront entre les années 1850 et 1860 des portions toujours plus vastes du royaume Kazembe.

M'siri Roi du Garenganze.
M’siri Roi du Garenganze.

Les Swahilis ne sont pas les seuls à vouloir s’accaparer le Kazembe. Depuis la rive orientale du lac Tanganyika, les Nyamwezis se lancent eux aussi dans le négoce caravanier entre le Kazembe et la côte orientale. Acheteurs de cuivre et d’ivoire, ils sont initialement bien accueillis dans le royaume où ils importent de nouvelles marchandises.

A l’instar des Swahilis, les Nyamwezis ne tardent pas à convertir leur supériorité militaire et commerciale en domination politique. M’siri, un ambitieux chef Nyamwezi, édifie son propre empire Garenganze couvrant des pans entiers du Kazembe plus des parties des terres lundas et lubas. A son apogée, le royaume de Garenganze s’étend du fleuve Lwalaba à la rivière Lwapula. M’siri n’a pas seulement acquis tous ces territoires par ses conquêtes mais il a su tirer parti de tensions internes dans les royaumes voisins en concluant des alliances avec des chefs tribaux soucieux de s’émanciper de leurs anciens monarques. Il place en outre habilement ses pions dès que surgissent des questions de succession.

Le royaume de Garenganze a étendu son emprise grâce à l’ivoire vendu par M’siri en échange d’armes à feu et de munitions. Une fois armé, le nouveau souverain impose un tribut en ivoire à ses vassaux ou fait main basse sur les défenses de ses voisins. Le cuivre et les esclaves capturés lors de campagnes militaires constituent également d’importantes sources de revenus. Les caravanes de M’siri vont jusqu’à Zanzibar, sur la côte est swahilie, et jusqu’à Benguela sur la côte ouest portugaise. Un périple de plus de deux mille kilomètres aller-retour.

Au nord, les Lubas ont mis en place un système de tributs et d’impôts extrêmement développé. Riches en ivoire et en cuivre, ils vendent ces denrées à des marchands étrangers, notamment swahilis et nyamwezis. Mais vers 1860, ces derniers emploieront leurs armes pour occuper de force plusieurs parties du royaume. Ayant perdu le contrôle des ressources de cuivre et d’ivoire, les Lubas n’ont plus de quoi s’équiper pour contrer la menace des Swahilis et de M’siri. L’ancien royaume s’effondre. Le roi perdant le soutien de ses vassaux et de ses sujets, les nouveaux conquérants se partagent son empire. M’siri prenant le sud, les Swahilis envahissent tout le bassin du Lwalaba jusqu’aux chutes Boyoma, au-delà desquelles coule l’imposant fleuve Congo.

Routes de l'esclavage vers 1880 Carte montrant les sources d'approvisionnement en esclaves et les voies de distribution.
Routes de l’esclavage vers 1880 Carte montrant les sources d’approvisionnement en esclaves et les voies de distribution.© GETTY IMAGES

Les Soudanais convoitent le Nord du Congo

Tandis qu’une partie grandissante des royaumes lunda, luba et kazembe sont occupés par les Tchokwés, Nyamwezis et Swahilis, les premiers marchands soudanais font leur entrée au nord du Congo. A partir des années 1870, de petits groupes de négociants soudanais achètent de l’ivoire et des esclaves aux peuples Zandé, Abandia et Mangbetu qui règnent depuis le XIXe siècle sur le bassin de l’Uele. Des marchandises sont importées depuis Khartoum, coeur du commerce soudanais. Les armes sont les articles les plus demandés. La plupart des commerçants soudanais travaillent pour le puissant seigneur de guerre Zubeir Pacha, nommé gouverneur dans le sud du Soudan par le khédive d’Egypte. Après lui, son fils Soliman prendra le contrôle de la région et du commerce à longue distance.

Nederlandse handelshuis Dès 1857, la Compagnie hollandaise déploie depuis son siège de Banana, dans l'estuaire du Congo, les activités de la future Nieuwe Afrikaansche Handels-Vennootschap (
Nederlandse handelshuis Dès 1857, la Compagnie hollandaise déploie depuis son siège de Banana, dans l’estuaire du Congo, les activités de la future Nieuwe Afrikaansche Handels-Vennootschap ( » Nouvelle compagnie commerciale africaine « ) au long des côtes de l’Atlantique.© WIKIMEDIA COMMONS

Dans le Nord du Congo, les Soudanais établissent leurs zéribas (camps fortifiés). Après s’être contentés d’acheter de l’ivoire et des esclaves aux chefs de tribus zandés, abandias et mangbetus, ils seront bientôt en nombre suffisant pour se procurer ces denrées convoitées par la force. Au fil du temps, les pillages feront place à un système de prélèvement de tributs. Lassés d’endurer les razzias successives des trafiquants soudanais, les chefs locaux se soumettent l’un après l’autre en troquant leur sécurité contre un quota annuel d’esclaves et d’ivoire. Cette stratégie s’avère parfois très profitable.

Avec le soutien des Soudanais, certains chefs étendent leur emprise aux dépens de leurs rivaux. En divisant pour mieux régner, les Soudanais s’imposent facilement et asseyent leur domination sur tout le bassin de l’Uele au sud duquel seront lancées de plus en plus d’expéditions, jusqu’à frôler les terres des Swahilis dont le royaume se prolonge jusqu’aux chutes Boyoma.

Commerce outre-Atlantique

L’ouest du futur Congo indépendant de Léopold II – et Congo belge par la suite – connaît un destin moins tumultueux qu’au nord, au sud et à l’est du bassin fluvial. Les anciens royaumes y seront épargnés par les conquêtes des commerçants étrangers. Longtemps après son apogée, le séculaire royaume du Kongo conserve son emprise depuis la côte jusqu’à l’arrière-pays autour de l’estuaire du fleuve. Dans ces provinces, le roi ne règne pas sans partage. Le vrai pouvoir est aux mains de la noblesse locale. Mais en dépit des divisions politiques, le commerce n’y est pas moins florissant.

La prospérité du royaume congolais reposant essentiellement sur la traite d’esclaves avec les marchés européens, cette source de revenus se tarira progressivement dès 1840, la flotte britannique longeant la côte Atlantique pour arrêter les navires négriers. En 1851, les ports du Brésil, destination finale de la plupart des esclaves du bassin congolais, ferment un à un. Mais le trafic négrier se poursuit encore dans les innombrables criques de l’estuaire du Congo. Boma – la future capitale coloniale de Léopold II – abrite notamment un important marché clandestin. La vente illégale d’êtres humains prospèrera encore pendant longtemps. Cuba, entre autres, continuera à importer des esclaves du Congo jusqu’en 1868. De leur côté, les Africains de la côte achètent eux-mêmes de plus en plus d’esclaves issus de l’intérieur. Le trafic s’affaiblit néanmoins, la demande d’ivoire et de caoutchouc grimpant parallèlement. Sur la côte Atlantique, Britanniques, Français, Néerlandais et Portugais échangent ces denrées contre leurs produits finis – fusils, balles et poudre en tête.

Commerce et piraterie

Esclaves, ivoire et caoutchouc rejoignent l’Atlantique par deux routes principales. Les caravaniers zombos se fournissent notamment dans le bassin du Kwango, à des centaines de kilomètres de la côte, et y acheminent leurs marchandises via Mbanza-Kongo, capitale du royaume du Kongo. De leur côté, les Bobangis – un peuple de pêcheurs versé dans le commerce et la piraterie – transportent en pirogue sur le fleuve Congo des esclaves et de l’ivoire achetés ou volés au coeur du Kongo. Leur réseau s’étend des bassins de la Lulonga et la Mongala, au plus profond de la jungle congolaise, à Pool Malebo, à quatre cents kilomètres de la côte ouest.

Dès 1850, le Congo entame une profonde métamorphose. Les commerçants s’enfoncent toujours plus loin à l’intérieur des terres pour se procurer de l’ivoire et des esclaves. Leurs armes à feu contribueront à substituer de nouveaux empires commerciaux aux anciens royaumes. Mais la plupart auront une vie bien éphémère : la France, le Royaume-Uni, le Portugal et le roi Léopold II se partageront bientôt les riches ressources de leur immense bassin fluvial.

Des esclaves, de l'ivoire et des armes
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Fin de la traite du  » bois d’ébène « 

Dans la première moitié du XIXe siècle, la plupart des puissances européennes ont aboli la traite négrière. L’empire portugais sera le dernier à l’interdire dans les années 1850, mais la traite des esclaves africains ne diminue pas réellement pour autant. Malgré les efforts des Britanniques, qui interceptent les négriers et font pression sur les dirigeants africains et arabes pour faire cesser la traite, la demande ne décroît ni en Afrique ni au Moyen-Orient. La valeur marchande des esclaves ayant néanmoins baissé, le commerce africain se tourne dès lors vers de nouveaux débouchés pour acquérir certains produits finis en Europe, dont des textiles et des armes. Le négoce de l’ivoire et – dans une moindre mesure – du caoutchouc connaît ainsi une expansion sans précédent.

Des esclaves, de l'ivoire et des armes
© HO.1927.488.1, COLLECTIE KMMA TERVUREN; FOTO J.-M. VANDYCK, KMMA TERVUREN

Impact de l’évolution du matériel de guerre

A partir de 1860, la plupart des pays européens commencent à remplacer les vieux fusils à silex et à percussion par des modèles à cartouches et chargement par la culasse. Les marchands européens reprennent les stocks d’armes périmées et les écoulent sur le marché africain, avec des tonnes de poudre et de balles. Ces armes et munitions y sont de plus en plus prisées. Elles servent même de monnaie d’échange : de véritables fortunes seront bâties en les troquant contre de l’ivoire et des esclaves. Plus largement, elles augmentent considérablement la puissance des royaumes africains. L’accès aux armes à feu donne de plus en plus d’influence politique. Des marchands lourdement équipés vont supplanter les anciens royaumes du Congo, trop faiblement équipés. Grâce à leur supériorité militaire, ils établissent bientôt de nouveaux empires.

Marché de l'ivoire Dar es Salaam
Marché de l’ivoire Dar es Salaam© WIKIMEDIA COMMONS

L’or blanc

Le bassin du Congo se livrait déjà à l’exportation d’ivoire depuis le XVIe siècle, mais cette activité n’atteint son apogée que dans la seconde moitié du XIXe siècle avec l’explosion de la demande sur les marchés d’Europe, de Chine et d’Inde. L’ivoire est un matériau facile à travailler, relativement tendre et très durable. Il sert à fabriquer toutes sortes de produits : remèdes, meubles, instruments, sculptures, crosses d’armes à feu, pièces d’échecs, boules de billard… De l’ouest à l’est du Congo, le prix des défenses va rapidement quadrupler. Les troupeaux d’éléphants étant éradiqués par la surexploitation, marchands et chasseurs s’aventurent de plus en plus profondément à l’intérieur des terres à la recherche de leur précieux or blanc.

Chasse à l'ivoire Durant la période coloniale, l'Afrique est devenu un terrain de jeu pour les chasseurs d'ivoire. L'ivoire du Congo transitait notamment par Dar es Salam, sur la côte arabo-swahilie d'Afrique, y compris après la colonisation européenne.
Chasse à l’ivoire Durant la période coloniale, l’Afrique est devenu un terrain de jeu pour les chasseurs d’ivoire. L’ivoire du Congo transitait notamment par Dar es Salam, sur la côte arabo-swahilie d’Afrique, y compris après la colonisation européenne.© GETTY IMAGES

Hamed ben Mohammed el-Murjebi, alias Tippo Tip.
Hamed ben Mohammed el-Murjebi, alias Tippo Tip.© GETTY IMAGES

Tippo Tip

Hamed ben Mohammed el-Murjebi, alias Tippo Tip, est né vers 1837 à Zanzibar. Ce petit archipel proche de la côte swahilie d’Afrique de l’Est a joué pendant des siècles un rôle central dans le commerce entre l’Afrique, l’Arabie et les pays de l’océan Indien. Comme de nombreux Swahilis, Hamed est issu d’une lignée de marchands d’origine arabe qui, par des mariages et métissages successifs avec des membres de l’élite africaine, est à la source de la culture et de la langue afro-arabe swahilie.

A partir des années 1860, des expéditions lourdement armées s’enfoncent depuis la côte swahilie vers l’intérieur des terres à la recherche d’esclaves et d’ivoire. Leurs membres restent éloignés de leurs foyers durant des mois, voire des années. Par le lac Tanganyika, elles sont toujours plus nombreuses à atteindre le bassin du fleuve Congo. C’est le chemin emprunté par Hamed, qui s’établit vers le milieu des années 1870 à Kasongo, sur la rivière Lwalaba, où il s’impose bientôt comme le plus puissant marchand de la région. D’où le surnom de Tippo Tip, dû au claquement de son fusil.

De Kasongo, Tippo Tip étendra peu à peu son influence jusqu’au nord du Congo. Dans les années 1880, il s’y est bâti un empire en concluant des alliances avec d’importants chefs congolais et soumettant par la force les tribus moins enclines à se défendre. Si d’autres marchands swahilis tentent, eux aussi, de faire de même, Tippo Tip parvient à transformer ses concurrents en vassaux. Comme à ses alliés et aux peuplades congolaises assujetties, il leur soutire un tribut sous forme d’ivoire ou d’esclaves qu’il fera conduire par ses caravaniers à Zanzibar.

La maison de Tippo Tip se trouve à Zanzibar.
La maison de Tippo Tip se trouve à Zanzibar.© WIKIMEDIA COMMONS

En 1876, Tippo Tip rencontre l’explorateur Henry Morton Stanley, dont il guidera l’expédition jusqu’aux chutes Stanley, les actuelles chutes Boyoma. C’est par son biais que Léopold II apprendra l’existence de Tip, avec lequel il envisage de collaborer dès 1882. Mais il faudra attendre 1887 pour qu’une alliance mutuellement profitable soit conclue entre les deux souverains. L’Etat indépendant du Congo (EIC) n’ayant pas les moyens de diriger le Congo oriental, le souverain confie ce rôle à Tippo Tip en tant que wali (gouverneur) de Stanley Falls. De son côté, celui-ci s’assure ainsi un puissant allié qui le fournit en armes et lui achète son ivoire et ses esclaves – vu ses besoins croissants de porteurs et de soldats, l’EIC emploie beaucoup de Noirs soi-disant affranchis. A la fin des années 1880, Tippo Tip est au sommet de son pouvoir. Son empire est pourtant proche de la chute. L’EIC lui fournit trop peu d’armes et n’achète pas assez d’ivoire et d’esclaves. Les marchands swahilis se soustraient peu à peu à son autorité. Les tensions entre les troupes de Léopold II et les Swahilis s’accroissent de jour en jour. L’EIC occupe une part de plus en plus vaste du territoire swahili et négocie directement l’ivoire et les esclaves auprès des chefs congolais. En 1890, Tippo Tip fuit la situation explosive qui le menace au Congo. Il n’y remettra plus jamais les pieds.

Hamed est de retour à Zanzibar lorsque l’armée de l’EIC se lance à la conquête du Congo oriental. Cette campagne durera de 1892 à 1894. Les Swahilis ont deux options : partir ou se ranger dans le camp de Léopold II. Tippo Tip meurt en 1905 sur son île natale, à un âge avancé. Il laissera une passionnante autobiographie, traduite en allemand, en anglais et en français.

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