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8 mai 1945, un jour de victoire toujours disputé

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

L’histoire retiendra que le 8 mai 2020, l’Europe était à nouveau en guerre. Que la bataille y faisait rage, au coeur d’une lutte planétaire contre un coronavirus dévastateur, sans encore de certitude quant à l’issue de l’affrontement. L’histoire retiendra que l’humeur n’était guère à se souvenir, pour s’en féliciter, de la fin d’un monstrueux conflit, il y a 75 ans.

8 mai 1945, jour de liesse. Le IIIe Reich baisse enfin pavillon, Hitler et ses sbires sont mis hors d’état de nuire. L’Europe peut se remettre à respirer après six ans de confinement sous la botte nazie. Il lui reste à négocier le retour à la liberté. A ne pas rater ce tournant du siècle. Les buts de guerre s’effacent devant les aspirations à la paix, la démocratie a triomphé des dictatures fascistes. Que demander, que vouloir de mieux ?

Mais l’affaire s’engage mal. La date même de la victoire désunit les vainqueurs, jette un froid entre Alliés. Moscou ne décolère pas, ne digère pas que le camp occidental lui ait volé la vedette. La première capitulation allemande a bel et bien été obtenue le 7 mai 1945, à 2 h 41 du matin, dans une salle d’école rémoise reconvertie en QG du général US Eisenhower. Le 8 mai est publiquement proclamé V-E Day (Victory in Europe Day) par l’Américain Truman, le Britannique Churchill et le Français de Gaulle. Furieux d’être ainsi court-circuité, Staline exige une seconde reddition de l’Allemagne hitlérienne, dans un Berlin désormais prise de guerre soviétique. Ce qui est chose faite le 9 mai, à l’heure de Moscou.

Septante-cinq ans plus tard, le contentieux est loin d’être aplani. La Russie, héritière de la défunte Union soviétique, soutient mordicus et aime le faire savoir que c’est à l’Armée rouge que le continent européen doit d’avoir pu terrasser le nazisme et son géniteur Adolf Hitler. Un vainqueur émergerait ainsi parmi les autres, ne fût-ce que par l’effroyable tribut humain payé par le peuple russe à la  » grande guerre patriotique « .

A peine libérée du joug nazi, l’Europe s’est retrouvée sur pied de guerre froide, entre puissances se regardant en chiens de faïence. L’ambiance s’en est vite ressentie à l’échelle du continent.  » Quant au retentissement de la victoire, le 8 mai 1945 ne ressemble en rien au 11 novembre 1918. En Grande-Bretagne, c’est le désenchantement qui domine. La France fête la victoire dans une sorte de gravité pathétique « , a écrit Maurice Vaïsse, spécialiste français des relations internationales ( 8 mai 1945. La Victoire en Europe, éd. Complexe, 2005).

Le Vif/L’Express, dans ce nouveau hors-série exceptionnel, invite à plonger au coeur des moments décisifs et à côtoyer les acteurs clés d’une course à l’abîme enrayée par l’effondrement du IIIe Reich. Cet heureux épilogue ne devait pourtant inspirer à l’un de ses principaux artisans, Winston Churchill, que ce commentaire désabusé :  » Combat glorieux où nous nous sommes engagés maladroitement pour en sortir de la même manière. « 

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