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Yves Leterme et ‘la prostitution économique d’un ancien premier ministre’

Tex Van berlaer
Tex Van berlaer Collaborateur Knack.be

Jonathan Holslag, politologue à la VUB, ne goute que peu le dernier choix de carrière de l’ancien premier ministre, Yves Leterme. Ce dernier va travailler pour un holding chinois. « C’est indigne d’un ancien premier ministre ».

Après avoir travaillé quelques années pour l’ONG internationale IDEA, l’ancien Premier ministre Yves Leterme rejoint désormais le holding chinois ToJoy qui investit dans le capital-risque. Il co-présidera le fonds d’investissement et exercera la fonction de président pour l’Europe de l’Ouest où ToJoy a l’intention de se développer.

Si d’autres personnalités politiques ont été recrutées, dont l’ancien président serbe Boris Tadic, ce nouveau changement de carrière de celui qui fut Premier ministre de Belgique ne plait guère au politologue de la VUB Jonathan Holslag.

Selon cet expert en relations internationales, c’est même un très beau coup des Chinois.

« Il est de plus en plus évident que les Chinois s’achètent des réseaux politiques. De cette façon, ils ont accès à différents niveaux de pouvoir, ce qui leur permet de voir où se trouvent les opportunités. Ce n’est pas le seul pays à le faire, mais les fonds chinois sont le résultat d’une concurrence déloyale de la Chine. Si vous avez un peu d’honneur et de dévouement envers votre pays, vous ne participez pas à ce jeu de dupe. C’est indigne d’un ancien premier ministre, c’est de la prostitution économique. Leterme défend son choix en arguant que sa position lui permet de déterminer les priorités du holding. Pas vraiment percutant comme argument « , dit Holslag. « Jusqu’à quel point peut-il être crédule et opportuniste ? Leterme fait semblant d’ignorer que son poste est financièrement lucratif. Il ferait mieux d’admettre qu’il le fait pour l’argent », précise le politologue.

Donald Trump

Mais qu’est-ce que ToJoy exactement ? « Ce n’est ni le holding le plus important ni le plus stratégique de Chine, mais il s’appuie sur d’énormes réserves de capitaux chinois », précise Holslag. « Les Chinois s’emploient surtout actuellement à diversifier leur portefeuille d’investissement. Ils veulent un accès aussi large que possible aux entreprises technologiques, à l’immobilier, à l’énergie, aux soins de santé, etc. Or la décision de Leterme intervient au moment même où les États-Unis, poussé par Donald Trump, intensifient la guerre économique avec la Chine. Trump vient d’interdire aux entreprises américaines d’utiliser des équipements de télécommunications fabriqués à l’étranger. Une mesure qui vise clairement Huawei, une entreprise chinoise de plus en plus controversée.

Holslag y voit aussi la énième preuve d’une Union européenne en roue libre. « La faiblesse de l’Europe, et de la Belgique, c’est que nous sommes très bons quand il s’agit de définir sur papier une vision politique commune, mais que dans les faits c’est encore les dissensions internes qui dominent. La Belgique n’a pas de politique économique vis-à-vis de la Chine. Nous montrons une fois de plus notre côté le plus faible. Le fait que Leterme rejoigne un holding chinois montre à quel point il est facile pour les Chinois d’intégrer une élite politique. Je suis curieux de voir ce que le CD&V a à dire sur la reconversion d’un des membres de son parti. Cela me dérange énormément qu’une partie de notre classe politique passe ainsi d’une fonction à une autre. Cela nourrit la méfiance à l’égard de la classe politique. »

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