Visite royale au Congo: coup de froid au Katanga

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

Philippe et Mathilde ne reçoivent pas à Lubumbashi un accueil de la population aussi chaleureux et démonstratif qu’à Kinshasa. En cause, le programme peu inspiré des souverains au Katanga, la défiance croissante de la province minière à l’égard du pouvoir central et les « regrets » du roi pour les blessures du passé colonial jugés insuffisants.

Après la chaleur kinoise, la fraicheur katangaise. Au propre comme au figuré. Philippe et Mathilde sont arrivés le 10 juin à Lubumbashi, après deux journées intenses passées à Kinshasa. L’accueil des souverains belges dans la grande ville du sud-est du Congo s’est révélé nettement moins chaleureux et massif que celui qui leur a été réservé dans la capitale congolaise. A Kinshasa, la mobilisation avait touché non seulement les militants des partis associés au pouvoir, mobilisés pour faire la claque sur les grands boulevards et devant le Palais du peuple où le roi de Belges a prononcé un discours, mais aussi bien d’autres habitants de la mégalopole.

« Cette visite royale est inopportune, estime un journaliste katangais. Elle nous dérange comme un cheveu dans la soupe. On peut d’abord épingler le programme. Le roi des Belges et son épouse commencent leur séjour à Lubumbashi par une visite à l’école privée belge, établissement très coûteux réservé aux enfants d’ultra-privilégiés noirs et blancs. L’écrasante majorité de la population n’a pas accès à de telles écoles et beaucoup de parents peinent à financer la scolarité de leurs gosses. Cette visite donne à penser que la Belgique et sa monarchie n’ont pas pris la mesure des conditions de vie misérables de la plupart des familles katangaises. » Notre interlocuteur ironise aussi sur les travaux d’asphaltage de l’avenue qui conduit à l’école, chantier entrepris à la va-vite, à peine trois jours avant l’arrivée des souverains.

Des « regrets » insuffisants

Autre reproche formulé par plusieurs sources à Lubumbashi : le roi Philippe n’a pas été plus loin que des « profonds regrets » pour les blessures occasionnées par la colonisation.

« Nous attendions plus, signale un universitaire : des excuses et des réparations. Nous voudrions aussi que la Belgique reconnaissance sa pleine responsabilité dans l’assassinat de notre premier Premier ministre Patrice Lumumba, liquidé à une cinquantaine de kilomètres de Lubumbashi. Les souverains belges n’ont pas prévu de se rendre sur les lieux du drame, alors qu’il se situe sur la route qui mène à un projet qu’ils visitent ce 11 juin. » Des Katangais déplorent aussi que la Belgique ne dénonce pas plus explicitement et vigoureusement les incursions militaires rwandaises au Nord-Kivu. « Cette guerre dans l’Est de la RDC n’en finit pas et la Belgique, grande puissance (sic) sur la scène internationale, n’entreprend rien de concret pour y mettre un terme ». 

Le discours prononcé par le roi à l’université de Lubumbashi, le 10 juin après-midi, a suscité peu d’enthousiasme parmi le corps professoral et les étudiants, malgré les chauffeurs de salle survoltés et une sono tonitruante. Seuls les quelques mots du souverain dit en swahili ont été acclamés. « Nous savions que l’accueil serait à la mesure de votre hospitalité légendaire », a déclaré le souverain, ce qui a fait sourire certains spectateurs. « Pourquoi la Belgique, modèle d’Etat fédéral, ne pousse pas le pouvoir congolais à prendre la voie du fédéralisme ? demande un prof. Plus de 60 à 70 % des recettes de l’Etat central viennent du Katanga, qui voit peu la couleur de cet argent. La mauvaise gestion du pays par le président Félix Tshisekedi et son clan incite de plus en plus de Katangais à rêver d’une autonomie territoriale plus large, voire d’une indépendance. »    

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