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Violences faites aux femmes : « Les douleurs des femmes ne sont pas prises en compte »

« On n’a pas conscience des violences faites aux femmes car on n’y fait pas du tout attention ainsi qu’à leurs conditions de vie en général », estime Sarah Sepulchre, professeure en communication à l’UCLouvain.

En cette Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, la professeure pointe un manque de prise de conscience, individuelle et collective, qui empêche une lutte efficace.

Être une fille, c’est apprendre à ne pas se plaindre, expose Mme Sepulchre. « Les douleurs des femmes ne sont pas prises en compte: si elles ont mal pendant leurs menstruations, on leur répond que c’est normal et qu’elles doivent arrêter de se plaindre. On ne s’intéresse pas à la vie des femmes », dénonce-t-elle.

Or, les victimes de violences sont nombreuses. Selon une enquête menée en 2016 par l’Institut wallon de la statistique (Iweps), 18 viols en moyenne sont commis quotidiennement en Wallonie. Plus d’une femme sur trois en Belgique a subi des violences physiques et/ou sexuelles depuis l’âge de 15 ans et une sur quatre a subi de tels gestes de la part son partenaire ou ex-compagnon, selon une enquête menée par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne en 2012.

Ces chiffres sous-estiment toutefois la réalité car seules les violences « avérées » sont prises en compte, comme lorsqu’une plainte est déposée. Or, « on sait qu’un nombre hallucinant de victimes ne portent pas plainte, soit parce qu’elles sont dans une situation où c’est compliqué, soit parce qu’elles ont intégré les violences », explique la professeure en communication. Une femme qui subit des attouchements dans le métro ne va pas forcément s’adresser à la police par exemple. En outre, certaines brutalités ne sont pas répertoriées, comme un suicide à la suite de violences conjugales.

Pour une lutte efficace, un état des lieux est dès lors nécessaire ainsi qu’une prise de conscience de l’ampleur du phénomène. Bien qu’initiée depuis Me Too, elle ne va pas encore assez loin, considère Sarah Sepulchre. « Il faut une prise de conscience individuelle et collective des violences. On n’en prend pas conscience parce qu’on n’y fait pas du tout attention ainsi qu’aux conditions de vie des femmes en général. » Jusque récemment, être tuée par son compagnon semblait rarissime alors qu’en France, « un jour sur deux, une femme meurt » de cette façon.

Sarah Sepulchre pointe que les mesures de lutte contre les violences faites aux femmes sont insuffisantes car « on ne comprend pas bien les mécanismes, on se voile encore la face ». Elle dénonce en outre que les femmes sont rendues responsables de la prévention des violences à leur encontre. « Or, elles sont victimes, ça devrait être à la société de les protéger. » Pour éviter d’être agressées, elles vont faire attention à la manière dont elles s’habillent, aux rues qu’elles empruntent… « Alors que c’est totalement erroné. Aux Etats-Unis, une étude sur la manière dont les femmes violées étaient habillées a montré qu’elles étaient le plus souvent vêtues d’un pyjama. Donc le vêtement ne compte pas mais en plus, les viols sont commis dans le cercle privé », relève Mme Sepulchre. « Les représentations qu’on a des violences ne sont pas la réalité. Le violeur est plus souvent quelqu’un qu’on connaît. »

Donner les outils pour se défendre, c’est justement l’objectif de l’association Garance, qui oeuvre pour la prévention des violences. L’ASBL argue que certains facteurs de risques rendent certains groupes – les femmes – plus vulnérables aux agressions. « Dès le plus jeune âge, les femmes reçoivent des messages sur leur physique et leur responsabilisation », explique Irene Zeilinger, directrice de Garance. « On leur dit qu’elles ne sont pas physiquement assez fortes pour se défendre, qu’il vaut mieux ne pas se défendre car ce serait prendre trop de risques. On leur tient aussi un discours sur leur responsabilité: quand il y a une agression, on cherche la faute chez la femme qui a mal géré l’émotion ou le désir de l’autre. »

La femme a souvent appris à fuir lorsqu’elle est confrontée à une telle violence. Le but de Garance est d’offrir d’autres stratégies, comme chercher de l’aide, confronter l’agresseur, calmer les choses… Elle organise notamment des cours de self-défense féministe.

A nouveau, la femme est rendue responsable de sa défense. « C’est le noeud du problème des luttes contre ces violences. Le problème est bien évidemment que les hommes sont violents mais c’est difficile, au niveau de l’analyse et des programmes, de travailler avec les hommes. C’est plus facile avec les femmes car elles sont motivées pour cela ne se produise plus », éclaire Mme Zeilinger.

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