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Violences conjugales: ne pas les rendre publiques, les invisibiliser conduit à les normaliser

Le Vif

A l’approche de la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes qui se tiendra le 25 novembre, Denis Goeman, porte-parole du parquet de Bruxelles, a accepté mercredi d’expliquer le peu de communication sur les violences intraconjugales dans les faits divers transmis quotidiennement aux médias. En réaction, Sylvie Lausberg, présidente du Conseil des femmes francophones de Belgique, a plaidé jeudi pour que ces violences entre conjoints soient traitées de la même manière que les autres agressions.

Dans la pratique, les parquets avisent systématiquement les médias des meurtres dans le contexte conjugal. Pour les seules violences, il arrive que des polices communiquent sur certains faits, qui ne sont pas souvent repris par les médias. A Bruxelles par exemple, la zone de Bruxelles-Nord informait par le passé assez régulièrement les journalistes de faits marquants en la matière, mais depuis que l’information est centralisée au niveau du parquet de Bruxelles, cela ne se fait plus. « Je suis appelé de 5 à 10 fois par nuit pour des violences intrafamiliales de toutes natures », remarque Denis Goeman. « Il s’agit de contextes familiaux particuliers, qui ne concernent pas l’intérêt général, et je n’ai jamais de questions de journalistes sur les plaintes de femmes contre leurs maris. »

Sylvie Lausberg se montre critique sur ce manque d’intérêt à communiquer au niveau du parquet et de la presse : « l’invisibilisation des violences envers les femmes contribue à légitimer ces violences. Répondre qu’il s’agit d’une question familiale ne tient pas compte de la loi Lizin de 1998, qui sort les violences conjugales de la sphère privée et familiale, pour les considérer comme des violences de genre qui concernent la société toute entière. » « Hors du cadre familial, les agressions remontent par voie de presse lorsque leur violence est notable. Dans cette même logique, les faits marquants de violence entre conjoints, comme les menaces et agressions avec arme ou encore les séquestrations, pourraient être communiqués ».

Selon Sylvie Lausberg, le fait de ne pas le faire porte à croire que cela fait partie de la vie des gens dans l’esprit des autorités judiciaires, que c’est normalisé: « ne pas briser ce silence démontre un aveuglement par rapport à un fléau de société qui coûte énormément sur le plan humain mais aussi budgétaire. On a estimé le coût des violences conjugales à 288 millions d’euros par an dans le monde du travail, auxquels s’ajoutent les coûts en santé et en accueil. En Belgique, il y a environ 40.000 procès verbaux pour des violences conjugales chaque année, soit peut-être 15% des faits, et donc le monde judiciaire a matière à communiquer. Estimer que cela appartient au domaine familial, c’est se moquer des femmes qui subissent cela au quotidien, comme si on considérait que cela faisait partie des aléas de l’existence. » Elle avance qu’environ 70% sont classés sans suite.

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