Muriel Targnion, bourgmestre de Verviers. © Belga

Verviers: Hasan Aydin (PS) visé par une motion de défiance individuelle

Le PS verviétois est en feu. En cause: le comportement irrédentiste du président du CPAS, Hasan Aydin, et une escalade dans la violence verbale. Entretien avec la bourgmestre Muriel Targnion.

Des menaces, des insultes, des appels dans toute la Belgique et même en Turquie à venir manifester mardi prochain en soutien à Hasan Aydin (PS), président du CPAS de Verviers visé par une motion de défiance individuelle : la tension est très vive dans l’ancienne cité lainière.

Hasan Aydin, 47 ans, n’est pas n’importe qui. Un échevin des Travaux compétent sous l’ancienne législature, mais aussi un homme politique frustré, un solitaire. En 2012, bien qu’ayant récolté un nombre supérieur de voix de préférence, il avait accepté de céder sa place de bourgmestre à Muriel Targnion (PS). Aux élections communales de 2018, celle-ci, forte de son mandat exécutif, l’a largement devancé. Ce cadre bancaire au Grand-Duché de Luxembourg, reconverti dans une petite société de trading, toujours au Grand-Duché, selon le magazine Wilfried (printemps 2018), a alors réclamé le poste de président du CPAS.

Ses rapports avec ses collègues du Collège n’ont cessé depuis lors de se dégrader : dépenses non consenties, initiatives non concertées, problèmes de comportement. L’ensemble des griefs formulés par ses collègues de majorité (PS-MR-Nouveau Verviers) ont été couchés dans la motion de défiance individuelle signée, le 28 juin dernier par 21 des 24 membres du conseil communal de Verviers. La motion a obtenu la signature de 11 des 13 socialistes du conseil communal. Comme le veut le décret wallon, la motion de défiance sera soumise au vote du conseil communal le 7 juillet prochain. Une formule de rechange est déjà prête, mais les vagues de cette affaire sont énormes à l’échelle locale et risquent d’affecter le PS dans son entier.

Entretien avec la bourgmestre de Verviers, Muriel Targnion. Hasan Aydin n’a pas réagi à notre demande d’entretien.

Comment les choses ont-elles pu se dégrader à ce point avec le président du CPAS de Verviers?

C’est une histoire qui n’est pas récente. Cela fait un an et demi que les prises de position du président du CPAS mettent la Ville en difficulté d’un point de vue administratif. On a tenté d’atténuer ce conflit pour que le PS n’explose pas. A quatre reprises, la Région et le Centre régional d’aide aux commune (Crac) ont émis des avis défavorables sur des dépenses du CPAS, mais nous avons soutenu Hasan Aydin. En collège, il menaçait, si on ne le suivait pas, de ne pas voter les points litigieux en conseil communal. Depuis six mois, la tension était devenue plus forte. Il s’énervait, reclapait son ordinateur et quittait les réunions. Le 25 juin, alors que le collège était en visioconférence, il s’en est pris à l’échevin Sophie Lambert (PS) et à l’échevin Freddy Breuwer (MR) en sous-entendant que ce dernier était corrompu. Si nous n’avions pas été en visioconférence, les hommes en seraient venus aux mains. On en est arrivé à une rupture totale de confiance.

Tous les échevins vous ont-ils suivie ?

Toute la journée du dimanche 28 juin, j’ai eu des contacts avec les chefs de file de la majorité MR et Nouveau Verviers, ainsi qu’avec les membres du PS verviétois. Le soir, 21 des 24 des conseillers communaux de la majorité ont signé une motion de défiance individuelle visant Hasan Aydin. Au sein du groupe socialiste, la majorité était atteinte avec 11 signatures sur 13. Seul l’échevin Antoine Lukoki (PS) n’a pas signé. Mais depuis, les signataires de cette motion, quel que soit leur parti, sont assaillis de messages de menace et font l’objet d’intimidations. Cela n’épargne pas la femme et les enfants du membre du conseil communal, Saïd Naji, qui était pressenti pour remplacer l’échevin qui prendra la présidence du CPAS à la place de Hasan Aydin. Cela fait très peur. On a aussi appris que la télévision turque de Belgique appelait à venir manifester à Verviers lors de la réunion du conseil communal, mardi prochain, qui doit adopter la motion de méfiance individuelle. Selon la police, des billets d’avion seraient proposé en Turquie pour venir se joindre à la manifestation qui pourrait réunir entre 1 000 personnes et 2000 personnes. Or Hasan Aydin est Belge. Je ne l’ai jamais considéré autrement. C’est très grave, deux élus démocratiquement élus vont peut-être renier leur signature, tant la pression sur eux est forte. Ils ne répondent même plus à mes appels. On est tous atterrés. Cela ne remet pas en cause la majorité qui a demandé le remplacement de Hasan Aydin.

Hasan Aydin a blâmé sur sa page Facebook « toutes les insultes » proférées ces derniers jours. L’échevin Freddy Breuwer (MR) s’est entendu traiter de « Sale juif! » par un manifestants. La Ligue belge contre l’antisémitisme a décidé de porter plainte.

« Sale juif ! », c’est très différent de « sale con » : sa réprobation n’est pas suffisante. En outre, il était dans la foule des manifestants, le 29 juillet dernier, avant la réunion du conseil communal, et il désignait qui était qui. Deux de mes collègues se sont fait huer, la police a dû les protéger. Ils l’ont ressenti comme une incitation à la haine. Pourquoi Hasan Aydin a-t-il fait ça ? Pourquoi, dès le lendemain des élections communales, nous a-t-il tous, notamment mon entourage et moi, bloqués sur sa page Facebook ?

Peut-être parce qu’il n’est pas devenu bourgmestre?

En 2012, il avait obtenu entre 150 et 200 voix de préférence de plus que moi, mais il sortait d’un mandat d’échevin et moi de députée régionale wallonne. Mais cette fois-ci, en 2018, j’ai obtenu environ 3 000 voix et lui 2 300, bien qu’il ait été le deuxième sur la liste, selon notre accord de 2015. Je lui ai laissé logiquement le choix de son échevinat, mais il a préféré partir au CPAS, qui n’est pas le poste le plus confortable, je l’en avais averti. Le président du CPAS est un peu comme le deuxième bourgmestre, il est seul face à son administration…

Jeudi dernier, le 2 juillet, vous avez été convoqués tous les deux au siège local du PS en vue d’une médiation menée par trois membres régionaux du PS, dont un élu malmédien d’origine turque. Qu’en est-il sorti?

En réalité, plus qu’une médiation, c’était une prise de connaissance du dossier. Personne, au-delà de Verviers, n’était au courant de nos démêlés.

Avez-vous prévenu le PS national de la décision de remplacer Hasan Aydin?

Je n’ai pas eu le feu vert du PS. Lorsque j’ai expliqué notre problème aux instances nationales, elles m’ont répondu de prendre mes responsabilités. Je suis très consciente que notre décision va à l’encontre des intérêts du PS , mais cette personne était devenue infréquentable. Sans Hasan, on va perdre quelques sièges en 2024, mais on en perdrait davantage si les disputes avec lui se poursuivaient. Il nous reste quatre ans, on peut se relever. On n’a plus de vie avec lui. La Ville est en difficulté. Va-t-on devoir licencier du personnel à la Ville parce que le président du CPAS veut procéder à de nouveaux engagements?

Il se dit qu’Hasan Aydin prépare à son tour une motion de défiance contre vous ou votre majorité, ce qui a permis au député fédéral Malik ben Achour (PS), hostile à l’éviction de Aydin, d’annoncer qu’il n’en votera aucune. Pour le PS qui a sans doute déjà perdu une partie de l’électorat turc à Saint-Josse et dans la Région de Bruxelles-Capitale, n’est-ce pas un nouveau coup dur?

Cette crainte est ce qui nous a rendu très conciliants, mais Hasan Aydin en a déduit à tort qu’il pouvait faire tout ce qu’il voulait.

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