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Vers un report du procès des attentats de Bruxelles? « On en est à se demander si cela va commencer en décembre, ou plutôt en 2030 »

Le Vif

« Je pense qu’il faut revenir à l’essentiel, rappeler dans quelles conditions un procès doit se tenir », a réagi Me Virginie Taelman, conseil de l’accusé Bilal El Makhoukhi, à la suite de l’annonce d’un probable report du procès des attentats du 22 mars 2016 en raison de l’impossibilité de reconstruire les boxes rapidement. « On nous dit de part et d’autre qu’il faut absolument mettre du verre partout. Je crois qu’on peut réfléchir à une solution pragmatique. A-t-on besoin de construire quelque chose qui soit à ce point sécuritaire quand on voit déjà toute la sécurité qui est mise en place? », a-t-elle interrogé.

« J’ai du mal à croire qu’on doive absolument tout reporter », a poursuivi Me Taelman.

« Comme je l’ai déjà dit, je pense que, quand on a prévu la construction de ces boxes, on devait prévoir une alternative et ne pas partir du principe que la justice allait les valider. Je suis très fortement interpellée par cela. S’il faut qu’on patiente un peu, on patientera un peu. C’est dommage mais c’est une réalité. La justice a déjà rappelé qu’il fallait que ce procès se passe dans des conditions sereines. L’objectif, c’est de se dire qu’il faut être prêt pour le 13 octobre et de voir ensuite ce que l’on peut faire pour être prêt à cette date. »

« Hallucinant », « Perdre la face », « jeu sale »

L’avis de la pénaliste est partagé par sa consœur, Me Delphine Paci, l’avocate de Salah Abdeslam. « Nous devons revenir à l’essentiel et ne pas penser qu’il faut nécessairement de la sécurité à outrance. Les accusés sont transférés dans des conditions compliquées et ils sont fouillés quand ils arrivent ici », a-t-elle déclaré. « Ce qui est surtout hallucinant, c’est qu’on ait pu un jour imaginer que ces boxes allaient être acceptés tels quels, alors qu’ils violent à peu près tous les articles de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme ».

Me Sébastien Courtoy, conseil de Smail Farisi, a également réagi et n’a pas mâché ses mots. « Je pense que le ministre de la Justice et le procureur fédéral devraient démissionner, parce qu’il est clair maintenant que le procès ne peut pas débuter le 10 octobre », a-t-il lâché. « On en est à se demander si cela va commencer en décembre, ou plutôt en 2030, ici ou sur la Lune… Nous sommes en train de perdre la face au niveau international. Je défends ici quelqu’un qui est libre depuis six ans, acquitté pour son rôle présumé dans les attentats à Paris, et qui espère que sa misère va enfin prendre fin. Sans parler des victimes, qui doivent être vraiment très optimistes pour croire encore qu’il y aura bientôt un procès. »

Le pénaliste a par ailleurs dénoncé un « jeu sale qui se déroule actuellement entre le ministère de la Justice et la magistrature ».

Les familles des victimes sous le choc

« Cela nous a rendu malades lorsque nous avons appris que le procès pouvait être retardé. Ce que nous vivons est juste incroyable et insupportable ». C’est en ces termes que la famille d’une victime décédée le 22 mars 2016 a interpellé l’association Life4Brussels, après avoir pris connaissance d’un article de presse qui annonçait le possible retard du procès.

L’organisme n’a pas tardé à réagir, lui aussi, en réponse à ce possible report du procès. « Comment en l’espace de 3 années, il n’a pas été possible au SPF Justice, de prévoir un nombre de places suffisant pour les victimes qui souhaitent assister aux audiences, ainsi que des box qui respectent la convention européenne des droits de l’Homme ».

Au-delà de l’appréciation de la légalité des box, des représentants de l’ASBL Life4Brussels avaient pris place dans les box des accusés lors d’une visite du Justitia, afin de pouvoir se rendre compte notamment de la possibilité de communiquer avec une personne en dehors du box. Force est de constater que cela était très compliqué. « Comment se fait-il que le SPF Justice n’ai pas pu faire ce même constat ? », s’interroge l’ASBL.

Pas prêt d’ici le 10 octobre

Jeudi, la présidente de la cour d’assises de Bruxelles a lu en audience publique un courrier du SPF Justice, qui déclare ne pas être en mesure de procéder aux transformations des boxes des accusés d’ici le 10 octobre, date de constitution du jury. Vendredi, la présidente a rendu un arrêt stipulant que ces boxes, individuels et complètement fermés, devaient être démontés, car ils violent plusieurs principes de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et libertés fondamentales. Lesdits boxes ne permettent notamment pas aux accusés de parler directement à leurs avocats.

Selon Laurence Massart, cette dernière n’a elle-même pas le pouvoir d’imposer au SPF Justice la nouvelle configuration du box des accusés. La présidente a dès lors laissé le soin à l’administration de procéder comme les autorités publiques le souhaitaient, tant que ce réaménagement répond aux principes garantissant un procès équitable.

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