Pierre Havaux

Vent du Nord de Pierre Havaux: ce flamand-là ne mènera pas à l’emploi (chronique)

Pierre Havaux Journaliste au Vif

« Il ne faudrait pas que le flamand occidental contrarie l’enseignement du néerlandais. »

Cocorico. Au bout de dix-huit ans de combat, enfin la consécration, merci Macron. Mi-décembre, le West-Vlaams est entré au patrimoine français des langues régionales. Pour le dialecte de la Flandre française, c’est la porte ouverte à l’intégration dans les programmes des écoles primaires et secondaires, la perspective d’y cohabiter avec la langue française au sein d’un enseignement bilingue.

Proficiat. Sauf qu’en Flandre versant belge, la nouvelle a un goût amer, un goût de trop peu. Car est resté à quai, exclu de la fournée, le néerlandais standard, celui de référence, qui s’enseigne et s’utilise officiellement aux Pays-Bas comme au Suriname, à Curaçao comme à Aruba, aux Antilles néerlandaises comme en Belgique, mais qui peine à faire son trou dans les classes du nord de la France. Hé oui, la Flandre française n’est pas (encore) l’Alsace où les variantes dialectale – l’alsacien – et écrite – l’allemand standard – communient dans le statut de langue régionale. La déception était donc palpable chez Jan Jambon (N-VA), ministre-président flamand en charge de la Culture, invité depuis les bancs nationalistes du parlement flamand à commenter la récente décision française, certes « compréhensible d’un point de vue historique et sous l’angle de la valorisation identitaire de la Flandre française« .

La sauvegarde du patrimoine, c’est bien joli, mais il serait aussi bon de viser à l’efficience, et c’est là où le chef du gouvernement flamand se fait du souci pour une vraie percée du néerlandais dans cette contrée de l’Hexagone. Et qu’il se dit que sans doute y avait-il mieux, ou plus prioritaire, à faire que d’autoriser l’apprentissage à l’école de la République d’un dialecte d’une utilité plus que douteuse lorsqu’il s’agira de se lancer un jour dans la vie professionnelle. Il ne faudrait tout de même pas que le flamand occidental, mû par cet élan, en vienne à contrarier l’enseignement du néerlandais, celui qui peut ouvrir les portes de l’emploi, celui dont la maîtrise est un atout autrement précieux pour accéder à un marché flamand du travail en manque criant de bras et qui lorgne la force de travail française.

C’est donc décidé: avec l’implication du ministre de l’Enseignement Ben Weyts (N-VA), les autorités flamandes sensibiliseront le ministre français de l’Education et les responsables des Hauts-de-France à l’importance de réserver un meilleur accueil au néerlandais en leur rappelant, en termes évidemment diplomatiques, que « le West-Vlaams ne se pratique plus que de manière très limitée en Flandre française, qu’il diffère très fortement du néerlandais standard mais aussi des dialectes parlés en province de Flandre-Occidentale ». Et Jan Jambon d’annoncer qu’il n’engagera pas le dialogue les mains vides mais avec, dans sa serviette, la proposition de confier au futur Office public du flamand occidental, outre sa mission de servir la cause du West-Vlaams, la tâche de faire la publicité pour le néerlandais standard dans les écoles. La Nederlandse Taalunie, bras armé de la promotion de la langue de Vondel à l’échelle internationale, se mobilisera aussi pour la soutenir dans sa difficile conquête du marché français, en particulier des Hauts-de-France. Le flamand, c’est bien, le néerlandais, c’est tout de même mieux.

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