Anne-Sophie Bailly

United colors of Belgium (édito)

Anne-Sophie Bailly Rédactrice en chef

« Abattre une statue, c’est une chose. Se battre pour l’humain, c’en est une autre. » L’éditorial d’Anne-Sophie Bailly, rédactrice en chef du Vif/L’Express.

Faut-il déboulonner les statues de Léopold II? Rebaptiser le tunnel bruxellois qui porte son nom? Modifier les intitulés des plaques de rue? Le débat agite la Belgique. Il n’est pas neuf, mais a ressurgi avec force dans la foulée du meurtre de l’Afro-Américain George Floyd à Minneapolis, asphyxié par un policier blanc, et de la mobilisation internationale autour du mouvement Black Lives Matter qui a suivi.

Pour les uns, ces statues, symboles de la colonisation du Congo et des exactions commises par des Belges contre les populations locales, doivent disparaître de l’espace public. Elles sont un rappel constant et insoutenable de la souffrance infligée par un roi colonisateur, « génocidaire », à tout un peuple.

Pour les autres, déboulonner une statue ou un buste est un acte de vandalisme qui efface un pan de l’histoire et qui, « au lieu d’apaiser une histoire controversée, risque, au contraire de radicaliser les propos ». Des solutions alternatives comme une remise en contexte avec plaques explicatives ou l’ajout d’une dimension artistique auraient leur faveur.

Réouverture du débat

Chacun se fera son opinion sur le sort à réserver à ces kilos de bronze et de pierre bleue. Mais accordons à ce déboulonnage et ces tags au moins un mérite, celui d’avoir rouvert les débats.

Sur le passé colonial de la Belgique, tout d’abord. On parle maintenant de mettre en place une commission « vérité et réconciliation » chargée d’un travail de mémoire sur les responsabilités de Léopold II et de ses agents au Congo, de voir quand et comment la Belgique pourrait présenter des excuses et de rendre enfin obligatoires les cours sur cette partie de notre histoire dans tous les réseaux et toutes les filières de notre enseignement.

Ce serait aussi l’heure de faire les comptes. Car le célèbre « la colonie ne doit rien coûter » est devenu pour nombre de particuliers et d’entreprises présents sur place à l’époque une véritable poule aux oeufs d’or. Pas pour le peuple congolais.

De rouvrir aussi, et même surtout, le débat sur le racisme en Belgique. La diversité au sein des entreprises n’est toujours qu’un voeu pieu. Notre pays est le plus mauvais élève de la classe européenne en ce qui concerne le taux d’emploi des immigrés d’origine non européenne. Même la loi sur les mystery calls n’a pas permis de faire avancer la cause. Et si l’on regarde du côté des emplois à plus haute valeur ajoutée, on ne parle même plus de plafond de verre mais de barrière à l’entrée. Même constat dans la discrimination au logement. Refuser un logement à quelqu’un à cause de ses origines est interdit. Mais monnaie courante. Quant au plan interfédéral de lutte contre le racisme, il n’a toujours pas été adopté par la Belgique.

Au quotidien, et dans toutes les statistiques officielles, le constat est le même. La Belgique a encore beaucoup, beaucoup à faire pour lutter contre le racisme et la discrimination. Le chemin à parcourir pour aboutir à une société plus inclusive est encore long et devra mobiliser forces et énergies.

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