Mélanie Geelkens

Une sacrée paire de pages par Mélanie Geelkens: il y a un « biais de genre chez les personnes contribuant à Wikipédia » (chronique)

Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

L’existence d’un biais de genre chez les personnes contribuant à Wikipédia fait consensus. C’est écrit sur Wikipédia. Non seulement les biographies féminines sont minoritaires, mais en plus celles-là sont statistiquement plus courtes, moins fouillées.

Sa date de naissance est indéterminée. Mais elle ne doit plus être de prime fraîcheur, avec une carrière pareille: présidente de Lituanie, maire de Marrakech, évêque homosexuelle (NDLR: Eva Brunne, photo), PDG de Yahoo, rédactrice en chef de The Economist, directrice de Scotland Yard, Meilleur ouvrier de France en soudure, lauréate du prix Pritzker… Quel parcours, vraiment. Une femme! Et encore, celles et ceux qui ont rédigé sa biographie (satirique) sur Wikipédia, en épluchant la flopée d’articles rédigés à son propos, ont dû omettre quelques étapes. Il ne leur a en revanche pas échappé, en se fiant à Mecano, qu’elle était en couple avec une femme, malgré les déclarations d’amour récurrentes de Serge Lama ou de Michel Sardou.

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Mieux vaut en rire. Et puis, ça fait une page féminine de plus, sur l’encyclopédie en ligne qui célèbre cette année ses 20 ans. Et ce n’est pas une de trop car, niveau parité, le cinquième site Web le plus consulté au monde n’a pas grand-chose à fêter. 18% de biographies de femmes (sur sa version française) en 2020 et vous voudriez qu’on vous prépare un gâteau, avec ça, Jimmy Wales (1)? Parce que si la représentativité s’est améliorée, ces dernières années (16% en 2016), ce n’est pas vous qu’il faut féliciter. Ni les gars qui passent leur temps libre à rédiger de nouveaux articles.

Vous savez, ces mâles blancs, là. Qui composent 87% des contributeurs. Bien éduqués, faut pas le nier. Des études les décrivent comme « intellectuels de centre- gauche », majoritairement. Des chercheurs, des documentalistes, des historiens, des bibliothécaires… Alors merci pour votre contribution au savoir universel depuis 2001, les gars. Grâce à vous, y a cent fois plus de trucs à apprendre dans ces pages virtuelles que dans l’Encyclopædia Universalis. Par contre, nul ne vous congratulera pour votre sexisme. « L’existence d’un biais de genre chez les personnes contribuant à Wikipédia fait consensus. » C’est écrit sur Wikipédia. Non seulement les biographies féminines sont minoritaires, mais en plus celles-là sont statistiquement plus courtes, moins fouillées. Elles mentionnent bien plus fréquemment des mots comme « mariage », « divorce », « famille » et « enfant ». Parce que, bien sûr, savoir avec qui couche une Prix Nobel ou combien de mioches a eu une actrice, ça vous affûte indispensablement la connaissance.

Mais ils se marrent sous cape, les mâles blancs. En se disant que s’ils font le job, c’est parce que si peu de meufs sont capables de s’y adonner. Et ils n’ont pas tout à fait tort: créer ou éditer une page, purée que c’est compliqué. Mais la technique, ça s’apprend – désolée, messieurs, les cerveaux féminins n’ont rien d’atrophié, consultez les statistiques de diplomation des universités. D’ailleurs, de plus en plus de femmes s’y mettent, poussées par des initiatives comme Les sans Pages, pendant francophone des Women in Red ; des associations qui se sont donné pour mission de combler le manque, par exemple en organisant des « wikithons », des soirées où des volontaires rédigent massivement des biographies exclusivement féminines.

Ce qui ne s’apprend pas, toutefois, c’est le temps libre. Celui dont les hommes disposent davantage, pour regarder le foot ou écrire sur le sujet une encyclopédie en ligne, parce qu’ils doivent moins mettre les enfants au lit, repasser leurs chemises ou éplucher les carottes. Tant qu’il y aura toujours une femme, derrière eux, pour assumer tout ça, la parité ne pourra jamais s’améliorer. Sur Wikipédia comme dans tous les autres recoins de la société.

(1) Cofondateur de Wikipédia en 2001.

Bon anniversaire, les débuts de l’égalité salariale!

C’était il y a pile un siècle: en 1921, la Belgique (deux ans après la France) alignait le traitement des institutrices sur celui des instituteurs. C’est peut-être un détail pour vous mais pour la parité, ça veut dire beaucoup. Pour la première fois, la rémunération était officiellement détachée du sexe du travailleur. Ce qui a ouvert la voie à ce long et lent processus qui voudrait qu’ « à travail égal, salaire égal ». Car faut-il rappeler la persistance de l’écart salarial? Bon, d’accord, une dernière fois: selon Statbel, en 2020 les femmes ont gagné 6% de moins que les hommes.

Les Fugitives en librairie

Elles ont quitté famille, travail et parfois enfants pour fuir. Leur pays, la misogynie, les discriminations, l’islam wahhabite rigoriste qui dicte ses lois en Arabie saoudite. Hélène Coutard, journaliste au magazine français Society, leur consacre un livre, publié le 4 février: Les Fugitives (Seuil). Le récit de quinze Saoudiennes qui, un matin, ont fait comme si elles se rendaient au boulot ou au cours d’anglais, alors qu’elles prenaient en réalité un taxi vers l’aéroport. Destination un monde supposé meilleur.

La phrase

« Le privilège numéro 1 des privilégié.e.s, c’est de ne pas savoir qu’ils ou elles le sont et, par extension, de ne pas déconstruire ceux-ci. » Lu sur « Je ne veux pas d’enfant », un compte Instagram aux 17 500 abonnés sur le mouvement Childfree, qui entend déconstruire les injonctions faites à ceux et (surtout) celles qui ne veulent pas devenir parents.

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