Patrick Dewael

« Une circonscription fédérale est un élément clé d’un état fédéral »

Patrick Dewael Patrick Dewael (Open VLD) est chef de fraction à la Chambre.

« Une circonscription fédérale est un élément clé d’un état fédéral qui renforce le lien entre les citoyens et le gouvernement », écrit Patrick Dewael (Open VLD). « Ce qui explique du même coup pourquoi les nationalistes y sont opposés ».

Comme convenu dans l’accord gouvernemental, la commission parlementaire sur la circonscription fédérale s’est réunie pour la première fois ce jeudi. L’Open VLD, qui a déjà confirmé son point de vue lors de son Congrès d’avenir en novembre 2013, défend le projet. Pas par impulsion de modernisation exagérée, ni par belgicisme dépassé, mais parce que nous croyons qu’une circonscription fédérale est un élément clé d’un état fédéral qui renforce les liens entre les citoyens et le gouvernement, ce qui explique du même coup pourquoi les nationalistes y sont opposés.
Le sujet a déjà fait couler beaucoup d’encre. À présent, il est temps que les partis politiques annoncent la couleur. Un grand nombre d’entre eux hésitent, n’osent pas se prononcer, ou y sont opposés pour des raisons évidentes. Cependant, il est remarquable que les présidents des Jeunes des partis de la majorité institutionnelle soient pour, hormis au PS. Par contre, le premier ministre Elio Di Rupo (PS) s’est déclaré en faveur de la circonscription fédérale et il n’est certainement pas le seul. En ce qui nous concerne, la question n’est pas si on instaure une circonscription fédérale, mais quand et comment. C’est pourquoi au sein de la commission nous plaidons pour un débat ouvert, pas uniquement sur le principe, mais également sur les modalités. C’est la seule façon de dépasser la théorie et de tester la faisabilité politique en pratique.

Pour nous, la circonscription fédérale ne relève pas du tour de passe-passe électoral. Elle est basée sur un principe démocratique fondamental, à savoir qu’un gouvernement doit acquérir sa légitimité sur base d’un mandat électoral acquis dans tout le pays. Aujourd’hui les partis se présentent dans seulement une partie du pays et conduisent des négociations pour le gouvernement fédéral sur cette base-là sans qu’ensuite les électeurs aient l’occasion de sanctionner les politiques de l’autre côté de la frontière linguistique ou de les récompenser pour leur politique. Une telle méthodique « confédérale » électorale maintient évidemment l’image d’un pays composé de deux démocraties chapeautées par un gouvernement « non démocratique ».

L’instauration ou – si vous préférez – le redressement de la démocratie fédérale offre la solution. La politique belge sera basée sur de véritables majorités politiques et idéologiques, ce qui n’est pas seulement nécessaire, mais également logique, car la politique fédérale vaut pour tout le pays. Si le gouvernement applique des baisses de charges linéaires, il le fait également pour l’indépendant liégeois. Et, tout comme leurs compatriotes d’Anvers, les Bruxellois peuvent apprécier la politique d’asile et de migration efficace de Maggie De Block.

Et si les politiques fédéraux rendent des comptes à tous les Belges, la surenchère populiste incommodante et les luttes simulées cesseront automatiquement des deux côtés de la frontière linguistique. Il est bien possible que les programmes économiques du PS et de la N-VA diffèrent radicalement, mais quoi qu’on prétende : il est impossible aujourd’hui de faire un choix démocratique entre les deux.

Il faut changer cette donnée. Une circonscription fédérale oblige les néerlandophones et les francophones à dialoguer entre eux au lieu de s’insulter. La perception et le conflit feront place au contenu et à la collaboration. Ainsi, Open VLD et MR plaident ensemble en faveur d’une réforme fiscale. Par conséquent, si la famille libérale gouverne après le 25 mai, l’électeur saura à quoi s’en tenir. Si les groupes aux intérêts divergents ont le droit de se montrer durs dans les négociations, le citoyen et la démocratie n’ont aucun intérêt à la falsification actuelle du débat et de la lutte politique.

En réalité, une circonscription fédérale est indispensable à une entité fédérale, tout comme un toit à une maison. L’un ne va pas sans l’autre – à moins qu’on ait l’intention de détruire l’autre lentement mais sûrement. Nous proposons d’appliquer notre logique non seulement à la Chambre, mais également au parlement européen. Concrètement, nous élirons 21 membres belges dans tout le pays. Ainsi, nous renforçons le poids de nos partis dans leurs fractions européennes respectives et le débat portera sur l’Europe et l’idéologie, pas sur une lutte électorale interne. Il n’y a que cinq autres pays, principalement de grands pays européens, qui subdivisent leur pays en plusieurs circonscriptions. La France centralisatrice constitue un exemple. Mais en Allemagne fédérale chaque parti dispose d’une liste de 96 candidats pour toute la République fédérale. La prochaine étape est la circonscription européenne qui permettra aux candidats de se présenter dans toute l’Europe. Un Britannique, un Belge ou un Bulgare pourra alors vraiment choisir entre Martin Schulz et Guy Verhofstadt pour la présidence de la Commission.

Au vu du 25 mai, tout tourne autour de la question de l’avenir nous souhaitons pour notre société, pour notre pays, pour l’Europe. Nous voulons nous débarrasser de l’idée que les politiques puissent prendre des décisions par-dessus de nos têtes. Elio Di Rupo est wallon, José Manuel Barroso est portugais ; en tant que Flamand, il n’y a pas moyen de les juger directement. Une circonscription fédérale recrée le lien entre le citoyen et le gouvernement, elle comble l’écart démocratique. Et les élections traiteront à nouveau de choix politiques et idéologiques, pas d’intérêts (sub)nationaux, ce qu’un parti libéral défend. Forcément.

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