L'irruption soudaine du télétravail dans les foyers oblige à repenser l'équilibre vie privée-vie professionnelle. © GETTY IMAGES

Une bonne nouvelle dans une année pourrie: faire sauter le verrou du télétravail

Le télétravail est devenu la nouvelle normalité. Avec ses nouveaux rites et rythmes. En moyenne, deux jours à distance épaulés par la fée digitale. Le reste de la semaine au bureau, du présentiel réinitialisé autour d’un mieux-être ensemble. Une chance à saisir tant par les entreprises que leurs employés.

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C’est fou ce que la crise du coronavirus aura fait sauter comme verrous. L’un des plus emblématiques restera le télétravail. Jusqu’aux (cov) ides de mars, il n’était que le privilège de certains travailleurs et le doux rêve de beaucoup d’autres. Une pratique dont les employeurs se méfiaient, aussi. A une vitesse virale, le lockdown a imposé le travail à distance et en solo, au coeur de notre quotidien, au coeur de nos foyers. Une transition violente aux réalités éclatées, selon qu’on habite une spacieuse villa ou un petit appartement en ville. Mais, surtout, l’expérimentation éclair et à grande échelle d’un nouveau mode d’organisation du travail.

Pour garder leur personnel ou recruter, les employeurs devront être créatifs et réinvestir dans la convivialité pour éviter toute perte d’identification à l’entreprise.

Pour les entreprises et leurs employés, cela a tâtonné, parfois bugué. Il a fallu recourir au système D, huilé à la méthode Coué et à la bonne volonté empirique. Pour enfin trouver la stabilité autour d’un éventail de nouvelles habitudes (visioconférences, communication digitale généralisée… ) et méthodes de management (autonomie d’organisation des employés, fixation d’objectifs, effacement du contrôle au profit d’un rapport de confiance…).

Quête d’un nouveau bien-être

Mais pour beaucoup de travailleurs confinés, ce fut surtout l’apprentissage physique et psychologique d’un nouveau rapport entre vies professionnelle et privée (au risque de porosité amplifié) couplé à la quête d’un nouveau bien-être. Evidemment, cette bascule a été une période de stress extrême. A celui du risque sanitaire ambiant en mode montagnes russes s’est ajouté celui, psycho-social, du changement de paradigme professionnel total. L’employé solo, chez lui, face à son écran, plus autonome mais aussi plus responsabilisé a connu une surcharge mentale, une pression inédite, de nouvelles marques à trouver. Mais aussi la perte du lien social réel avec ses collègues, sa vie conviviale en entreprise. Après deux vagues corona et de télétravail forcé, le temps est venu de décanter et de retenir le meilleur de la séquence « full homeworking ».

Appeler à durer

Plusieurs enquêtes le confirment, le travail à distance (chez soi ou dans des « bureaux tiers » façon coworking) est une tendance lourde appelée à s’inscrire dans la durée. En septembre, une enquête du SPF Mobilité et de Vias (l’Institut belge pour la sécurité routière) indiquait que 90% des employeurs prévoient de poursuivre dans la voie du télétravail. De son côté, une étude Acerta/KU Leuven donnait le télétravail 50% plus populaire qu’avant la pandémie.

D’autres sondages le placent – ainsi que la digitalisation, indispensable levier de son efficacité – bien haut dans les priorités des sociétés (pas toutes égales face au défi).

Le télétravail constituerait donc une vraie solution d’avenir. Mais pas d’office la meilleure, et certainement pas appliquée à 100%, comme le souligne Laura Couchard, conseillère juridique chez Acerta: « Oui, les employeurs estiment que le télétravail a une influence positive potentielle sur le travail autonome et orienté résultats ainsi que sur l’équilibre vie privée-vie professionnelle. Toutefois, ils pensent aussi qu’il peut avoir un impact négatif sur la cohésion sociale, l’esprit d’équipe et le leadership. Il est donc essentiel de veiller à un bon équilibre entre ce que souhaite l’organisation et ce que désire l’individu. » D’où la nécessité d’établir des accords clairs formalisant la politique de travail à domicile.

Le télétravail peut être une bonne chose si l’on en comprend les limites

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Léon-Philippe Parez, chez QIMS, un cabinet de conseil en coaching et formation, abonde dans le même sens : « Le télétravail peut être une bonne chose si l’on en comprend les limites: le déficit de socialisation et une redéfinition délicate de la frontière entre privé et professionnel. Le bien-être du personnel ne pourra se développer que dans des entreprises qui recourent au télétravail mais limité à deux jours par semaine, maximum trois. Par ailleurs, pour garder leur personnel ou recruter, les employeurs devront être créatifs et réinvestir dans la convivialité pour éviter toute perte d’identification à l’entreprise. »

La digitalisation, un outil

Mais ne s’expose-t-on pas au virus de la déshumanisation en boostant le télétravail épaulé par une digitalisation reine? A ce propos, un chiffre d’un sondage mené cet été pour Oracle et Workplace Intelligence auprès de télétravailleurs sur les cinq continents laisse songeur: 68% des personnes interrogées se disaient favorables à parler de leurs problèmes d’organisation, de stress et d’anxiété à… un robot plutôt qu’à leur manager! Quatre-vingts pour cent désirant même disposer d’un robot comme soutien psychologique ou conseiller… Digitalisation, robotisation, essor de l’intelligence artificielle sont des réalités qui infusent à toute allure. Mais notre coach expert en bien-être au travail préfère positiver: « La digitalisation n’est qu’un outil, pas une fin en soi. A terme, les métiers et les entreprises qui éviteront le piège de la déshumanisation seront ceux où il y a de l’empathie, de l’émotion. D’où la nécessité pour les organisations d’ébaucher de nouvelles formes de lien social: les échanges autour de la machine à café ou les pauses cigarette d’avant doivent être remplacés par des modalités innovantes organisées sciemment et destinées à fidéliser les talents. Le bonheur au travail n’est possible que s’il participe d’un équilibre. Les changements violents en cours vont vivre des ajustements, menant à un nouvel équilibre. Et ce dernier devra être envisagé comme dynamique. En mouvement, à l’image de notre société. Pour bien le vivre autant y mettre une bonne dose de créativité, d’humour et de convivialité. »

Les défis

Viv(r)e l’équilibre! Présentiel et distanciel, humain et digital, individuel et collectif, fixe et nomade, personnalisé et global, sens et résultats… La liste est longue des curseurs essentiels au monde du travail de demain. Mais attention, pour bâtir un avenir réussi, ces binômes ne fonctionneront pas en mode duel mais bien dual. Leur harmonie ne pourra être le fruit que d’un équilibre permanent et complémentaire à rechercher entre ces facettes faussement contradictoires de la réalité du travail. L’épanouissement des personnes tout autant que la prospérité des entreprises dépendra de la fusion réussie de ces yin et yang. Il faudra certes des talents conjugués d’alchimiste et de funambule pour avancer sur ce fil tendu. De cet équilibre maîtrisé dépendront la capacité des individus et des entreprises à mieux vivre ensemble. Mais plus libres.

Être… humain Bien des employés et des employeurs ont pris conscience, en moins d’un an, qu’une réinitialisation rapide de codes et méthodes figés était possible. Et que la priorité, c’est l’être humain, à délivrer de son éternel statut d’outil de production. Comme bien des professions, celles de la santé en tête, le voilà légitimement décrété « essentiel ». Un modèle économique expire, vive un nouveau paradigme où le bien-être du travailleur devient le paramètre de référence pour fixer les modes et codes du travail qui baliseront le nouvel équilibre professionnel en gestation. Dans la boîte à outils: télétravail, digitalisation plus performante et maîtrisée, mobilité repensée, agilité et autonomie renforcées, management réformé… Et surtout, un travail qui fait sens. Ça, seul l’humain en connaît la vraie valeur.

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