Alexia Bertrand aurait pu devenir ministre de la Justice, mais souhaite "finir le boulot" au Budget

« Une attitude revancharde »: des heureux et des mécontents après la désignation d’Alexia Bertrand

Benjamin Hermann
Benjamin Hermann Journaliste au Vif

Alexia Bertrand, jusqu’alors cheffe de groupe MR au parlement bruxellois, remplace Eva De Bleeker au poste de secrétaire d’Etat au Budget et à la Protection des consommateurs. Au MR, certains saluent la nouvelle, certains en profiteront. Mais d’autres font part d’une certaine stupeur, face à ce qui est perçu comme un coup bas d’Alexia Bertrand… et de l’Open VLD.

La libérale flamande Eva De Bleeker aura donc payé le prix de la récente polémique sur le budget, qui l’a fragilisée ces derniers jours, puisqu’elle a démissionné ce vendredi du poste de secrétaire d’Etat au Budget. Une « erreur matérielle », pour reprendre les termes d’Alexander De Croo, ou un excès de transparence, c’est selon.

Pour rappel, Eva De Bleeker a été pointée du doigt après la diffusion de tableaux budgétaires prévoyant un déficit supérieur à ce qui avait été annoncé au Parlement : de 1,3 milliard pour 2023 et 1,7 milliard en 2024. Après une séance plénière et une commission parlementaire délicates, jeudi à la Chambre, elle a jeté l’éponge ce vendredi.

A la surprise générale, c’est la désormais ex-députée bruxelloise francophone d’opposition Alexia Bertrand qui a prêté serment en fin d’après-midi au Palais.

Une membre du MR pour remplacer une Open VLD : l’information initiale pouvait surprendre politiquement, mais ne posait formellement pas de problème, puisque la parité linguistique ne concerne que le conseil des ministres, par conséquent pas les secrétaires d’Etat.

C’était sans compter sur une autre information surprenante, confirmée en fin d’après-midi par le cabinet du Premier ministre : Alexia Bertrand est nommée non pas par le MR, mais par l’Open VLD. Elle en devient même une membre à part entière, a confirmé la principale intéressée. Et elle se présentera sur une liste des libéraux flamands en 2024, en étant susceptible d’y attirer ses électeurs.

Cela n’empêche pas les nationalistes flamands de considérer ce choix comme un déséquilibrage linguistique : « 11 francophones et seulement 9 néerlandophones », a tweeté le député fédéral Sander Loones (N-VA).

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Mécontentement en perspective à l’Open VLD

La désignation aura peut-être le don de provoquer quelques crispations chez les libéraux flamands, qui vivent en quelque sorte ce que les rangs parlementaires du MR vécurent avec la désignation d’Hadja Lahbib au portefeuille des Affaires étrangères en juillet. A la différence non négligeable qu’Alexia Bertrand est beaucoup plus clairement identifiable comme libérale que l’ex-journaliste de la RTBF (qui a entretemps pris sa carte de parti au MR, cela étant). Mais, à l’inverse, qu’elle pouvait apparaître comme émanant de la société civile, pas d’un autre parti.

Au cabinet d’Alexander De Croo, on explique la décision par le fait que « on devait trouver quelqu’un capable de faire le job directement. Une personne compétente, opérationnelle rapidement, en bonne relation avec le cabinet du Premier ministre ». Le choix, précise-t-on, est bien celui du seul Open VLD. La communication est venue du 16 rue de la Loi, pas des deux partis concernés, ce qui en dit long sur l’absence de concertation.

Le président du MR a rapidement calmé le jeu, sur Twitter. « La désignation d’Alexia Bertrand prouve que nous sommes des libéraux avant tout. Alexia aura les cartes Open VLD et MR car les deux formations politiques partagent le même idéal de liberté et de progrès », a écrit Georges-Louis Bouchez. Ce qu’Alexia Bertrand a nuancé les choses lors d’une conférence de presse donnée en fin de journée : elle ne sait pas encore si elle restera membre des deux partis.

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Mécontentement évident du MR

Ça, c’est pour la façade. Parce qu’il se confirme en coulisses qu’on la trouve saumâtre, auprès d’une bonne part des libéraux francophones. « Celui au MR qui vous dira qu’il était au courant ou que cette décision était concertée, il raconte n’importe quoi. Nous avons tous été surpris par l’annonce », confie une personnalité du MR. Alexia Bertrand a expliqué en fin de journée avoir cherché à prévenir son ex-président de parti, en vain. Egbert Lachaert, président de l’Open VLD, indique en avoir parlé avec son homologue francophone, qui estimait que c’était un bon choix, explique-t-il.

On veut sauver la face, donner l’impression que la décision a été prise dans un esprit de « famille libérale ». « C’est un règlement de compte de l’Open VLD. Quand vous prenez la peine de ne pas aller chercher la personne dans vos propres rangs parlementaires, quand vous allez la chercher dans un autre parti, dans un autre groupe linguisitique, c’est que vous avez soupesé la chose », peste une personne qui compte, au MR.

La déception d’Alexia Bertrand après la désignation de Hadja Lahbib en juillet n’était un secret pour personne. « Pour moi, il faut interpréter cette décision dans la suite de ces éléments-là. Bref, c’est une attitude revancharde », ajoute une source au MR.

Ce libéral n’y va pas avec le dos de la cuillère. « C’est un coup de p… de la part de l’Open VLD. Ils ont saisi l’opportunité d’aller chercher Alexia Bertrand, mais aussi de régler quelques comptes », alors que les relations se sont crispées entre MR et Open VLD. Et qu’un agacement de certains libéraux flamands en l’endroit de Georges-Louis Bouchez est perceptible.

 « C’est un coup de p… de la part de l’Open VLD. Ils ont saisi l’opportunité d’aller chercher Alexia Bertrand, mais aussi de régler quelques comptes. »

« Je ne comprends pas la décision d’Alexia. C’est vraiment du court-termisme. Comment peut-on se déclarer candidate au poste de ministre-présidente bruxelloise et quelques mois plus tard, faire ce choix-là ? », s’étonne un cador du parti. Il est devenu inimaginable qu’Alexia Bertrand brigue la ministre-présidence sous l’étendard du MR, après ce qui est qualifié de coup dans le dos. Elle se présentera sur une liste Open VLD, pouvant accessoirement lui rapporter des voix francophones, alors même qu’elle figurait encore dans l’opposition à la région face à ce parti, avant de le rejoindre. Sera-ce au fédéral? A la Région bruxelloise, puisqu’elle a été élue sur une liste francophone, elle ne pourra plus l’être sur une liste néerlandophone.

Alexia Bertrand, soit dit en passant, avait déjà tiré la liste Open MR aux communales en 2018, à Woluwé-Saint-Pierre. Mais, commente une source libérale, « par rapport au combat de défense des francophones à Bruxelles, qui a toujours été un combat libéral, c’est une surprise négative, voire un peu plus que ça », regrette-t-on au MR.

De ce point de vue, d’autres personnalités du MR bruxellois pourraient y voir une sorte d’opportunité, la voie se dégageant quelque peu pour des libéraux tels que David Leisterh ou Valérie Glatigny. Au niveau fédéral, à Bruxelles, le leadership de Sophie Wilmès ne devrait pas être contesté et Hadja Lahbib représente désormais un atout supplémentaire pour le MR. L’un dans l’autre, l’idée qu’Alexia Bertrand rejoigne l’Open VLD peut aussi clarifier le jeu et faciliter la tâche de Georges-Louis Bouchez. « Mais vraiment, je ne comprends pas sa stratégie », confie-t-on chez les libéraux, où les messages de surprise se sont échangés entre téléphones, ce vendredi.

Quelques indulgents, en façade?

D’autres libéraux francophones se montrent moins amers. « Félicitations ! Je sais que tu seras à la hauteur de la tâche énorme qui est désormais la tienne », a par exemple fait savoir David Leisterh, le président du MR bruxellois. Message similaire de son homologue à la Région wallonne, Adrien Dolimont, sur Twitter : « Le budget n’est pas une mince affaire, je sais de quoi je parle. Bon travail à toi, je me réjouis de nos futures collaborations ».

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« Honnêtement, c’était un peu une surprise, mais je considère que c’est une excellente nouvelle. Même si c’est toujours dommage quand on assiste à la démission d’un membre du gouvernement », exprime une autre source au MR. « Alexia est extrêmement compétente, c’est une femme politique de grande qualité, parfaitement bilingue », étant d’ailleurs native d’Anvers. « Je peux vous dire que dans le groupe WhatsApp du bureau du MR, ce sont des félicitations qui sont exprimées, il n’y a pas de rancœur du tout », explique cette personnalité libérale. « C’est une libérale, bruxelloise, polyglotte. C’est très bien. Et vous pensez bien que ce type de décision est concertée », assure un libéral, contredisant assurément d’autres échos qui parviennent du même parti. 

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