Pierre Havaux

« Un ministre a droit à un certain standing »

Pierre Havaux Journaliste au Vif

Un ministre, ça doit forcément rencontrer du beau linge, fréquenter des gens très importants : des chefs de gouvernement, des chefs d’Etat ou des CEO très haut placés. Un ministre qui se déplace doit donc le faire avec un minimum de classe. La logique dérange ceux qui font profession de défendre les damnés de la terre. C’est le cas du député régional Jos D’Haese.

La semaine dernière, le jeune chef de groupe PVDA (PTB flamand) au parlement flamand a mis la traque aux privilèges à l’ordre du jour de la séance plénière. Avec la ferme intention de porter le fer dans le parc automobile des neuf huiles ministérielles flamandes, riche en limousines de leasing aux marques toutes prestigieuses Audi, BMW, Mercedes.

Prié de s’expliquer en lieu et place de son ministre-président Jan Jambon (N-VA), le vice-ministre président Ben Weyts (N-VA) a un peu, beaucoup, pris la mouche.  » Vous nous décrivez comme des profiteurs décadents. Stop avec les contre-vérités !  » Piqué au vif par tant de populisme de bas étage, celui qui est aussi ministre de l’Enseignement est alors sorti de son texte pour passer la vitesse supérieure.  » Vous pouvez dire qu’il s’agit de véhicules de luxe, tout à fait d’accord avec vous. Mais je pense qu’un ministre a droit à un certain standing. Nous pourrions rouler en Toyota Corollo (sic) ou venir en train ou en bus. Votre grand exemple, le dirigeant nord-coréen, se déplace en train, son train personnel. Je ne trouve pas cela très inspirant.  » La majorité applaudit à la tirade et Ben Weyts n’est pas mécontent de la façon plaisante dont il a cloué le bec de ce communiste impertinent.

Sauf que bardaf, c’est l’embardée. En apprenant le bon mot du ministre, le petit monde des fanas de Toyota a ri jaune. Il s’est enflammé, mobilisé et il s’est alors mis à pleuvoir des tweets indignés par tant de mépris non voilé.  » Weyts ne sait pas de quoi il cause « ,  » scandaleux, ridicule de s’exprimer ainsi « . Il faut ne s’être jamais assis au volant d’une Toyota pour se montrer aussi insensible aux charmes de la  » Corollo  » dixit Ben Weyts.

Dans les journaux, sur les sites d’info et sur les réseaux sociaux, on en a bien profité pour prendre la pose au côté de sa Toyota chérie, de préférence lorsqu’elle a pris un délicieux coup de vieux. Les incollables sur la marque japonaise se sont empressés de dérouler sur la Toile le catalogue riche en modèles de luxe parfaitement adaptés au standing de ministre. Comme tout finit en chanson, on a exhumé pour l’occasion  » Toyota Carina « , un hit de facture flamande du début des années 1990 sur lequel on a dû se trémousser très fort aux quatre coins de Flandre. Et pour limiter la casse, l’ami Ben, lui, a sauté à pieds joints sur le carnaval d’Alost pour s’y afficher en garagiste de la marque japonaise.

Pour le coup, le ministre N-VA a eu la vista. Plein pot, droit dans le mur, juste à l’heure où la réputation de l’homme politique touche le fond chez le Belge qui le trouve, pêle-mêle, corrompu, incapable, déconnecté de ce que vit la société. De mémoire de commentateur au Morgen,  » il doit y avoir longtemps qu’un ténor politique n’a fait de manière aussi hautaine la différence entre lui et l’homme ordinaire qui doit travailler dur afin d’épargner pour une voiture « . Touche pas à ma Toyota : maintenant la N-VA sait pourquoi.

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