© dr

Un 1er Mai à Charleroi : j’y étais, et tout est vrai

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

C’est pas simple, un 1er-Mai à Charleroi, surtout quand il fait froid, qu’il y a Marine Le Pen à l’Est et Stéphane Moreau à l’Ouest et que du coup tout le monde a mal à son socialisme comme dit tout le monde.

En plus, tôt le matin enfin vers dix heures il y a d’abord les syndicalistes qui parlent sur le Boulevard Devreux avant de s’en aller devant la statue de Jules Destrée et puis au Rockerill où il y a le concert gratuit d’un groupe de rap c’est très bien mais il est liégeois le groupe de rap « y a rien à faire ils sont pas malins mais que veux-tu ? » qu’on nous dit dans l’oreille.

Il y a Vincent Pestieau le secrétaire général de la FGTB de Charleroi qui veut bien faire pour donner la parole à son camarade des cheminots, qui est namurois, mais qui est dit-il un supporter des Zèbres du Sporting mais le problème c’est qu’à Charleroi le club des ouvriers c’est l’Olympic alors il y a des trotskystes qui sont supporters de l’Olympic et qu’ils ont raison et alors ils huent le cheminot de Namur qui supporte les Zèbres, « y a rien à faire ils sont pas malins mais que veux-tu ? » qu’on nous dit dans l’oreille.

Et puis il y a Antonio Cocciolo qui vient de Lambusart comme Chantal Mouffe et qui est marxiste comme Chantal Mouffe et qui est le patron des métallos carolos qui dit qu’en France chez les électeurs d’extrême droite il y a bien sûr des employés et des cadres mais aussi des travailleurs, et derrière lui le responsable de la centrale des employés et des cadres se dit que ses employés et ses cadres à lui ils sont bien des travailleurs pourtant, « y a rien à faire ils sont pas malins mais que veux-tu ? » qu’on nous dit dans l’oreille.

Et puis il y a et c’est la première fois depuis longtemps trois syndicalistes carolos qui ont pris la parole un Premier-Mai sans dire du mal du PS ni de Paul Magnette qui est là devant eux et qui est content mais c’est peut-être aussi parce qu’il n’y a pas grand-monde et que les types du PTB ne sont pas très nombreux alors il peut s’encourir à l’Université du Travail où il doit faire son discours comme chaque année depuis quelques années, mais cette année encore plus que les autres années tout le monde à mal à son socialisme.

Il y a dehors un fils de ministre-président wallon qui doit avoir trois ans et qui tient sa maman et un ballon rouge et qui veut savoir pourquoi la couleur du parti de papa c’est le rouge et sa maman demande pourquoi au journaliste comme ça en passant et le journaliste ne le sait pas mais de toute façon tout le monde a mal à son socialisme et puis le ministre-président rentre dedans.

Et là, dedans, il y a la jeune qui représente les jeunes qui sont indignés et qui dit qu’elle a mal à son socialisme à cause de Nethys et de Publifin parce que Nethys et Publifin camarades ce ne sont pas nos valeurs et qui est très applaudie et même acclamée.

Il y a Eric Massin qui est président de la Fédération qui représente les socialistes carolos qui sont indignés et qui dit qu’il a mal à son socialisme à cause du gouvernement MR/N-Va qui ne sont camarades rien que des méchants et des crapuleux et que la gauche n’est pas morte et qui est applaudi mais moins que la jeune et moins que le chef.

Il y a Jean-Pascal Labille qui représente les socialistes liégeois indignés qui dit qu’il a mal à son socialisme à cause d’autres socialistes liégeois qui sont très méchants camarades et qui doivent dit-il se trouve une autre auberge pour aller se remplir la panse et qui est aussi applaudi qu’Eric Massin au moins.

Il y a Paul Magnette qui représente tout le monde et qui a mal à son socialisme parce qu’il y a un vieux militant qui va mourir et que ce vieux militant qui était une grande gueule et une tête dure a demandé à être euthanasié le 2 mai avec un drapeau rouge en main, parce qu’il avait, et tout le monde se racle la gorge et puis applaudit très très fort, et puis les discours sont finis et tout le monde va à la Maison des Huit-Heures pour boire du scotch au fût et manger des pains saucisses au ketchup et puis là-bas on fait des blagues sur la rue Conquête à Jumet –mais m’fi à Djumet c’est dins toutes les rues qu’on kette hein –et il y a un ancien député qui a mal à son socialisme et qui est encore en train de chercher la rue Conquête à Jumet sur Google maps.

Et là il y a même un neveu qui a seize ans et qui vient de s’inscrire au parti qui ne veut pas faire une photo avec son tonton et Paul Magnette parce qu’il attend dans la file pour reprendre son deuxième pain saucisse au ketchup et puis que Paul Magnette est parti depuis longtemps quand il le reçoit, son pain saucisse au ketchup, mais de toute façon sur sa montre connectée il reçoit un sms de sa maman qui lui dit, au neveu, « ne bois pas » et ça met mal son tonton alors ils rentrent mais sûrement pas à la rue Conquête parce que ces histoires de « ne bois pas » dans la montre connectée un 1er-Mai après-midi devant la Maison des Huit-Heures, eh ben franchement, ça leur a fait mal à leur socialisme.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire