Carte blanche

Uccle, un laboratoire de la droite libérale

À Uccle comme ailleurs, les élections d’octobre prochain constituent l’occasion, pour l’opposition, mais aussi pour les citoyens, de dresser le bilan de l’action menée, depuis six ans, par la majorité communale.

Je profite de cette occasion pour porter un nouveau regard sur une commune qui, trop souvent, fonctionne à deux vitesses. En premier lieu, et de façon exemplaire, Uccle constitue un laboratoire de la droite libérale. L’objectif à peine voilé est de privilégier une certaine classe de la population : les « Sans Difficulté Financière » (les SDF, comme d’aucuns les appellent). Ensuite, il y a tous ceux qui souffrent de vivre dans une commune conçue et administrée pour les « riches ».

Tandis que les premiers résident dans des quartiers où la majorité libérale investit massivement, les autres – à Uccle-centre notamment – se voient complètement délaissés et renvoyés à leur précarité. Une précarité à laquelle beaucoup sont aveugles. Justement, le propos de ce texte est de mettre l’accent sur des dynamiques saillantes, mais très largement négligées. Nous verrons à la fois comment et pourquoi.

Une commune en crise

Mon analyse reste que l’actuelle majorité uccloise s’est montrée incapable d’aborder de façon responsable, ni surtout de comprendre la crise sociale et économique qui mine notre commune. À mes yeux, cette crise s’inscrit dans un paradoxe. D’une part, l’actuelle majorité dépense sans compter – et au mépris de toute réalité financière. D’autre part, pour compenser ses dépenses somptuaires, la majorité s’est fondée sur toute une série de règlements en multipliant les taxes. Je pense spécialement au nouveau plan de stationnement qui touche d’abord les citoyens les moins favorisés et s’apparente, comme on l’entend parfois, à du « racket ».

Reconnaissons combien notre commune, forte de sa qualité de vie, a toujours été très appréciée des Bruxellois. Les espaces verts et les lieux de culture, mais aussi les centres sportifs et les écoles y sont particulièrement prisés. Il fait bon vivre à Uccle ! Nombreux sont d’ailleurs les « expats », cadres de grandes entreprises ou fonctionnaires internationaux, qui y ont élu domicile. Dès lors, depuis plusieurs années, la sociologie de la commune s’est profondément transformée. Pour maintenir son « standing », et pour renforcer cette dynamique sociologique pourtant sclérosante, la commune d’Uccle s’est livrée à des investissements de luxe dont le projet « U » (le futur centre administratif communal est censé remplacer l’ensemble des bâtiments administratifs actuels) constitue l’exemple le plus révélateur.

Le problème reste que, d’un côté, les recettes ne suivent pas, et que, de l’autre, la grande part de la population uccloise se trouve systématiquement tenue à l’écart de choix municipaux destinés aux seuls privilégiés.

Faire payer les pauvres

La majorité libérale a voulu baisser les taxes sur le travail. Pourquoi pas ! Mais faute de courage politique, le manque à gagner n’a pas été compensé par de nouvelles sources de financement. Dans un premier temps, l’Échevin des Finances, l’actuel Bourgmestre, a augmenté le précompte immobilier de manière substantielle et « brutale ». Les propriétaires ucclois sont ainsi devenus les principaux contributeurs des finances communales. La majorité a bien tenté d’imaginer une forme de compensation fiscale… Toutefois, celle-ci s’est vite révélée trop modeste et incapable de soulager les habitants les plus touchés par la mesure. Je pointe ici ceux qui n’avaient que leur maison pour richesse.

Ainsi, les propriétaires les plus modestes ont été obligés de se séparer de leur bien, entraînant, d’une part, une augmentation des ventes, d’autre part, une redoutable spéculation immobilière. Ceci n’a d’ailleurs fait qu’accentuer un phénomène déjà bien présent : l’impossibilité pour les jeunes ménages de s’installer à Uccle.

La méthode des règlements-taxes ne fonctionne pas non plus. Elle est à sens unique. Pourtant, la majorité persiste et signe, allant jusqu’à multiplier par deux la taxe d’inhumation. Certains disent qu’il sera bientôt plus cher de mourir à Uccle que d’y vivre… Et c’est ici bien plus qu’une boutade. Les politiques culturelles ou urbanistiques répondent au même raisonnement erroné : faire contribuer indistinctement tous les Ucclois, de manière prohibitive pour certaines catégories sociales ou professionnelles, afin de ne pas avoir à solliciter les plus riches et de pouvoir continuer à leur faire un « pont d’or ».

À cela s’ajoute une politique de construction – souvent des séniories – qui, peu à peu, détruit tous les espaces verts de la commune. Dernière victime en date : le champ de la chaussée Saint-Job. En cette fin de mandature, ce sont les coins champêtres autour de Stalle, Wagon, Calevoet, Engeland (les Hauts Prés), Dolez et d’autres qui ont succombé aux assauts des grues. Seuls les espaces classés résistent encore. Mais pour combien de temps ?

Rien de neuf sous le soleil ucclois

Face à l’égoïsme érigé en doctrine, la solidarité passe forcément au second plan. Il n’y a rien de neuf sous le soleil ucclois : la majorité libérale ne fait que reproduire les schémas éculés de la droite conservatrice qui sévit au Fédéral. Et tandis que le nombre d’allocataires sociaux ne cesse d’augmenter, les classes moyennes paient la note amère d’une politique toujours plus élitiste et toujours plus sectaire.

Les commerçants de la commune voient leurs clients migrer vers les centres commerciaux de Drogenbos ou de Waterloo. Impuissants, les restaurateurs assistent, quant à eux, à la disparition de leur clientèle et encaissent, avec difficulté, les coups portés par la majorité tant communale que fédérale. Comme ailleurs en Belgique, les Uccloises et les Ucclois, dans leur grande majorité, n’en finissent pas de subir les crises successives ; les restructurations d’entreprises ; les mesures d’austérité portées par les partis de droite. Cette population, trop souvent ignorée, n’est pas celle des beaux quartiers ni des revues people. Pourtant, sans elle, Uccle ne serait qu’une ville morte et sans âme.

Une politique tape-à-l’oeil

En bref : la majorité municipale s’attache, par tous les moyens, à attirer une population fortunée – en particulier les « exilés » fiscaux – souvent très faiblement intéressée par la vie de la commune, et dont le principal « mérite » est de faire monter le prix des logements. D’une manière générale, force est de reconnaître que la commune a délibérément choisi de privilégier certains quartiers pour faire venir ces nouveaux Ucclois. Qu’on pense, par exemple, aux 7 millions investis sur fonds propres dans l’École des Églantiers ; à la rénovation de l’avenue et du square Van Bever, près du Fort Jaco ; aux trottoirs du Dieweg ; aux ralentisseurs de l’avenue du Prince d’Orange ; aux abords de l’avenue de l’Observatoire… et j’en passe.

Dans le même temps, que fait-on pour les cinq mille nouveaux « citoyens ordinaires » qui se sont installés dans le quartier Calevoet-Bourdon ? Ici, la congestion automobile constitue une plaie quotidienne. Les équipements collectifs sont inexistants. Les crèches, les haltes-garderies et les écoles font cruellement défaut. Inutile de chercher une plaine de jeux digne de ce nom : il n’y en a pas ! La Région de Bruxelles-Capitale a récemment classé l’espace allant de l’Altitude 100 à la Gare de Calevoet en « zone de revitalisation urbaine » (ZRU) prioritaire. Faut-il saluer le geste ou regretter que la majorité n’ait jamais réalisé les investissements nécessaires ? Que penser enfin du quartier du Homborch, où les commerces ferment les uns après les autres ?

Repenser l’avenir : une question de survie

Aujourd’hui, plus que jamais, une autre politique communale s’impose ! Uccle a perdu tout sens de la mesure et des réalités ; toute vision d’avenir, également. Les plus riches vivent à Uccle, mais se domicilient à Knokke ou au Luxembourg pour contourner l’impôt… pourtant l’un des plus bas du pays. Les plus pauvres, quant à eux, survivent dans des appartements parfois insalubres et peinent, plus encore qu’hier, à joindre les deux bouts – dans l’indifférence totale des édiles de la majorité libérale. Peu à peu, une ville duale est née, pour le plus grand malheur d’Uccle et de ses habitants.

Face à cette situation intenable, il est crucial d’investir dans le social et de changer radicalement la politique communale, notamment en matière scolaire. À ce titre, il est urgent d’organiser des « assises » entre les établissements ucclois, tous réseaux confondus. L’enjeu est clair : permettre à chacun de trouver sa place dans la société ; travailler méthodiquement à résorber les clivages et les fractures qui minent (bien plus que) notre commune.

C’est le combat qu’il faut mener ensemble !

Bernard Hayette

Tête de liste du Parti socialiste à Uccle

Secrétaire général de la Délégation socialiste belge au Parlement européen

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