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Tueurs du Brabant: des plongeurs ont sondé le canal Bruxelles-Charleroi à Ittre

Les plongeurs de la Protection civile ont sondé jeudi après-midi le canal Bruxelles-Charleroi à Ittre, sur une longueur de 200 mètres, à hauteur du pont Charles Catala, dans le cadre de vérifications concernant le dossier des tueurs du Brabant. Aucune découverte n’aurait été faite.

Les plongeurs de la Protection Civile et le sonar de la police fédérale ont sondé jeudi après-midi un tronçon de quelque 200 mètres du canal Bruxelles-Charleroi à Ittre. Les opérations de sondage ont commencé jeudi vers 11h00 et se sont terminées peu après 16h00. Selon la police de la navigation, présente sur les lieux, les résultats des sondages se seraient avérés négatifs.

Le canal a été temporairement fermé à la navigation pendant les sondages: il a toutefois été temporairement rouvert de midi à 15h00 pour laisser passer six péniches avant d’être à nouveau fermé jusqu’aux environs de 15h15.

Les investigations s’inscrivaient dans le cadre du dossier des tueurs du Brabant. Jeudi matin, le procureur du Roi de Liège, Christian de Valkeneer, a indiqué lors d’une conférence de presse, qu’en mai dernier, deux boîtes en métal portant l’inscription « gendarmerie » avaient été découvertes dans le canal par trois jeunes des environs qui avaient utilisé un aimant industriel pour trouver des objets métalliques. Les sondages de jeudi ont été opérés dans la zone des découvertes du mois de mai. La police doit encore expertiser les objets trouvés pour déterminer s’ils sont en lien avec les tueries du Brabant.

Mercredi, le parquet général de Mons a indiqué que des vérifications étaient en cours dans le cadre de ce dossier. C’est dans ce contexte que s’inscrit l’action des plongeurs de la Protection civile. Le Parquet Général de Mons a toutefois précisé que les plongeurs de la Protection civile n’étaient entrés en action que jeudi et non mercredi, comme précédemment annoncé.

Le site des investigations menées jeudi dans le canal Bruxelles-Charleroi est situé à quelque 3 kilomètres du site où les enquêteurs avaient fait des découvertes en 1986 dans le cadre de ce même dossier.

Retour sur l’enquête

Plus de 30 ans après les faits et deux commissions d’enquête, les « tueurs du Brabant », auteurs d’une série de braquages sanglants ayant fait 28 morts entre 1982 et 1985, n’ont toujours pas été identifiés. Retour sur l’enquête et ses nouveaux rebondissements.

L’enquête connaît en 2017 un nouveau tournant. En février dernier, un PV a été dressé à la suite des déclarations de l’une des victimes, David Van de Steen, qui disait avoir été contacté par le frère de Christiaan B., un ex-gendarme d’Alost et ex-membre de la brigade Diane. Ce dernier aurait révélé à son frère en 2015, avant de mourir, sa participation aux faits. L’homme pourrait avoir été « Le Géant » de la bande. Ces révélations n’ont été divulguées que plusieurs mois plus tard, en octobre.

Quelques jours plus tard, le 26 octobre, le procureur général de Liège, Christian de Valkeneer, a indiqué lors d’une conférence de presse qu’en mai dernier, deux boîtes en métal portant l’inscription « gendarmerie » avaient été découvertes dans le canal par trois jeunes des environs, un peu en aval de Ronquières et non loin d’un pont. Une de ces boîtes renfermait un millier de cartouches de 9 mm et un sac plastique contenant un riot-gun et une arme de poing. A la suite de cette découverte, le parquet général de Mons a indiqué que des vérifications étaient en cours dans le cadre de ce dossier. Les plongeurs de la protection civile sondaient à nouveau le canal.

Le 6 novembre 1986, des pièces en lien avec les tueries avaient été retrouvées par les enquêteurs dans ce même canal, à Ronquières. L’enquête avait permis d’affirmer en 2014 que ces pièces avaient été jetées dans le canal au plus tôt le 27 octobre 1986, soit « 8 à 10 jours » maximum avant leur découverte. Christian De Valkeneer évoquait déjà alors une possible « manipulation » de l’enquête.

Les plongeurs à l’origine de cette découverte avaient été sollicités par la « cellule Delta » de Termonde, dirigée par le juge d’instruction Freddy Troch, après une première fouille infructueuse des enquêteurs wallons. La « cellule Delta » enquêtait sur les attaques de Tamise et Alost, mais la chambre des mises en accusation de Gand a décidé en 1990 de transférer les deux enquêtes vers Charleroi. Une décision qui sera critiquée plus tard par la deuxième commission d’enquête parlementaire sur les Tueries du Brabant.

Le dossier devait être prescrit en 2015, mais le gouvernement fédéral a prolongé le délai de prescription de 10 ans.

La dernière arrestation dans le cadre de ce dossier remonte au 13 mai 2014, plus de 30 ans après les premiers faits. Jean-Marie Tinck, un Bruxellois de 67 ans, connu de la justice, avait été placé sous mandat à Charleroi par la juge d’instruction Martine Michel. L’homme avait été relâché en juillet 2014 par manque de preuves.

En avril 2002, la chambre des mises en accusation de Mons avait prononcé un non-lieu à l’encontre de Philippe De Staercke, qui s’était accusé et rétracté d’avoir participé au hold-up du Delhaize d’Alost, le 9 novembre 1985, la dernière attaque attribuée aux tueurs du Brabant, qui avait fait huit morts. Philippe De Staercke avait été inculpé par le juge d’instruction de Termonde Freddy Troch. Il avait été reconnu par un témoin après le hold-up au restaurant « Les trois Canards » à Ohain, le 2 octobre 1983, lors duquel le patron de l’auberge avait été assassiné.

Autre nom cité dans le dossier: celui de l’ancien gendarme Madani Bouhouche. L’homme avait dû répondre devant la cour d’assises du Brabant en février 1995 de l’assassinat du diamantaire Ali Suleiman et de l’agent de sécurité de la Sabena Francis Zwarts pour lesquels il avait été condamné à vingt ans de travaux forcés. Il avait par contre été innocenté de l’assassinat de l’ingénieur de la FN Juan Mendez. Des armes de guerre avaient été volées au domicile de celui-ci, à Overijse. Juan Mendez soupçonnait que ces armes aient été utilisées par les tueurs du Brabant. Madani Bouhouche est décédé le 22 novembre 2005 en France, tué par la chute d’un arbre.

La « filière boraine » avait quant à elle été acquittée en avril 1988 par la cour d’assises de Mons pour les braquages du Colruyt de Hal (3 mars 1983), du Delhaize de Genval (11 février 1983) et du Colruyt de Nivelles (17 septembre 1983). Les membres de « la filière boraine » sont aujourd’hui tous décédés.

Les enquêteurs avaient été mis sur la piste de cette filière en 1983 par Josiane Debruyn. Celle-ci avait remis une arme à feu au poste de gendarmerie de Colfontaine car elle craignait que son mari, Jean-Claude Estiévenart, ne l’utilise contre elle.

L’enquête avait démontré que cette arme avait été utilisée lors des attaques au Colruyt de Hal et du Delhaize de Genval, toutes deux attribuées aux tueurs du Brabant. L’arme appartenait à Michel Cocu, un ancien agent de police, qui avait indiqué avoir participé aux braquages de Hal et Genval, ainsi qu’à celui du Colruyt de Nivelles. L’homme avait encore dévoilé les noms de ses complices: Adriano Vittorio, Michel Baudet, Josiane Debruyn, Kaci Bouaroudj, Richard Brouette, Jean-Claude Estiévart et Robert Becker. Tous provenaient du Borinage. Certains ont fait des aveux avant de se rétracter. Michel Cocu avait aussi fini par retirer ses déclarations. Une analyse menée par un laboratoire allemand avait ensuite démontré que l’arme n’avait pas été utilisée dans ces braquages, mais le juge d’instruction avait décidé de l’ignorer, durant neuf mois, si bien qu’elle avait été retirée de l’enquête. Le dossier avait ensuite été transféré au parquet de Charleroi.

Au-delà des services de police, le monde politique s’est également penché sur l’enquête.

En octobre 1991, une première commission d’enquête était arrivée à la conclusion qu’aucun lien n’existait entre un éventuel réseau « Stay behind » du type Gladio, un réseau international créé après la Deuxième Guerre Mondiale par les Américains et les Britanniques pour agir en cas d’invasion étrangère, et les faits imputés aux tueurs du Brabant.

En novembre 1995, le ministre de la Jusice Stefaan De Clerck désignait deux professeurs chargés d’analyser l’enquête sur les tueries du Brabant, à la suite de la diffusion d’un reportage « Panorama », qui mentionnait que « Le Géant » de la bande était connu des enquêteurs mais qu’il leur a été interdit à deux reprises de le démasquer.

Le deuxième commission d’enquête s’était quant à elle attardée en mars 1997 sur la piste des « ballets roses ». Il y aurait eu des pressions en 1990 sur le juge d’instruction Bruno Bulthé pour qu’il ne suive pas celle-ci et fasse disparaître des éléments de preuve. Les experts de la commission d’enquête « bis », telle qu’elle fût appelée, avait finalement conclu en septembre 1997 que les tueries du Brabant étaient sans lien avec l’affaire des « ballets roses ». La commission d’enquête estimait toutefois qu’un lien pouvait être établi entre la bande de tueurs et la mort de l’ingénieur de la FN Juan Mendez. Elle avait encore conclu que la piste extrémiste n’avait pas été négligée et que rien n’indiquait que de tels milieux étaient impliqués. Le rapport final de la commission d’enquête « bis », fort de 1.200 pages, avait été présenté à la presse le 20 octobre 1997.

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